Produire des tomates toute l’année au Québec représente un vrai défi. « On a besoin de plus d’énergie pour chauffer nos serres en hiver. Or, le gaz naturel coûte très cher. De plus, comme les journées sont courtes en saison hivernale, on a besoin de plus d’éclairage pour produire », souligne Marie Gosselin, présidente directrice générale de l’entreprise Les Serres du Saint-Laurent, de Portneuf, qui produit les tomates Savoura.
La solution, pour la PME, passe par le biogaz. La réflexion entourant un projet pour chauffer les serres au biogaz s’est amorcée en 2003 dans l’entreprise, qui a construit à l’été 2007 une nouvelle serre de cinq hectares à la fine pointe de la technologie à Saint-Étienne-des-Grès, un investissement de 18 millions de dollars.
« Nous sommes des pionniers dans le domaine au Québec. Nous devons défricher le terrain. Il faut être capable de prendre des risques et ne pas baisser les bras devant les difficultés », indique Mme Gosselin.
Le nouveau complexe est chauffé par le biogaz émanant du site d’enfouissement adjacent de la Régie des matières résiduelles de la Mauricie. « C’était la solution pour que l’entreprise continue de progresser au Québec et demeure rentable », assure la présidente.
En optant pour le biogaz, l’entreprise bénéficie de plusieurs avantages. Les dépenses en énergie, qui représentent de 25 à 30 % des coûts totaux de la PME, ont diminué des deux tiers. En outre, la signature d’un contrat ferme sur 40 ans avec la Régie des matières résiduelles pour l’approvisionnement en biogaz lui assure une stabilité.
« Nous n’avons plus à nous soucier de nos coûts énergétiques, ni de la hausse constante du prix du gaz naturel. Nous pouvons nous concentrer sur la production de nos tomates ! », dit Mme Gosselin.Le biogaz permet aussi de rendre la production plus écologique. Cette source d’énergie devrait notamment permettre d’éviter l’émission de 135 000 tonnes de GES annuellement.
Plusieurs autres initiatives vertes ont été mises en place par l’entreprise : récupération du CO2 pour le réintroduire dans les serres, réintroduction des solutions nutritives dans les procédés après l’élimination des bactéries, élimination des pesticides et herbicides, utilisation d’emballages recyclables, etc.
« Notre projet vient d’être validé en vue d’obtenir des crédits de carbone selon les normes du Volontary Carbon Standard (VCS). Ainsi, nous pourrons les accumuler pour les vendre ou pour les mettre en banque pour des besoins futurs. Nous sommes la première entreprise au Québec et la deuxième au Canada à générer des crédits de carbone », dit la femme d’affaires.
Ombre au tableau
Originalement, le projet de Saint-Étienne-des-Grès prévoyait la construction d’une seconde serre de cinq hectares pour 2010. Des problèmes d’approvisionnement en biogaz depuis le début de la mise en exploitation de la première serre rendent la concrétisation de cette nouvelle phase incertaine. Le litige qui oppose Les Serres du Saint-Laurent à la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie s’est transporté devant les tribunaux.
L’entreprise utilise actuellement 4,5 millions de mètres cubes de biogaz par an pour alimenter sa serre. Elle aura besoin du double de ce volume avec la phase 2 du projet. « Nous devons être certains d’avoir un approvisionnement constant et continu », insiste Mme Gosselin. Elle dit réfléchir aussi à d’autres avenues pour assurer la croissance de l’entreprise et réduire sa facture d’énergie.
La PME exploite six complexes de serres totalisant une superficie de 18 hectares, soit l’équivalent de 35 terrains de football. Ensemble, les serres de Portneuf, Danville, Sainte-Marthe de Vaudreuil, Saint-Janvier-de-Mirabel et Saint-Étienne-des-Grès produisent 11 millions de kilos de tomates annuellement, destinées principalement au marché québécois. Depuis un an, elle exporte en Ontario et aux États-Unis. Fondée en 1989, l’entreprise engendre un chiffre d’affaires de 30 M$ et emploie de 250 à 300 personnes, selon la saison.