BLOGUE. Soyez honnête, le télétravail vous fait peur. Que vous soyez employé ou cadre dirigeant. Pour le premier, il est a priori tentant de travailler de temps en temps à la maison, mais si cela devait aller trop loin, cela ne risquerait-il pas de vous couper du bureau, et des potins qui permettent de rigoler un bon coup et surtout de s’informer de ce qui se trame dans les instances dirigeantes? Pour le second, il peut être intelligent de vouloir faire une fleur à un employé en lui permettant de travailler depuis chez lui, mais cela ne risque-t-il pas de faire boule de neige auprès des autres, au point de rendre l’équipe totalement incontrôlable?
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Il va de soi que ces interrogations, vous vous les êtes déjà posées. Et je peux affirmer sans trop me tromper que vous evez alors pris bien soin… de ne pas chercher à y répondre franchement. Pas vrai? Vous vous êtes dit qu’il y avait beaucoup à perdre à se lancer dans cette tendance, et qu’il valait donc mieux faire preuve de prudence.
Mais voilà, la réalité est en train de vous ratrapper. Il ne s’agit plus d’une tendance, mais d’une vague de fond qui est en train de prendre de l’ampleur. En 2008, 41 millions d’employés travaillaient déjà depuis chez eux au moins une fois par semaine chez nos voisins du Sud. Soit 15% des salariés américains. Il est par conséquent grand temps de vous en préoccuper, sinon vous risquez de vous retrouver submergé par les demandes de vos employés, voire abandonné d’eux si vous ne répondez pas à leurs nouveaux besoins. C’est du moins ce que j’ai compris en lisant un article très intéressant du dernier numéro de la revue Organizational Dynamics, intitulé Managing a blended workforce et signé par Brenda Lautsch, professeure à la Beedie School of Business de la Simon Fraser University, et Ellen Ernst Kossek, professeure à la School of Human Resources & Labor Relations de la Michigan State University.
Ainsi, les cadres de demain vont devoir relever 5 défis particuliers pour piloter leur équipe, qui sera forcément composé d’employés au bureau et d’autres à la maison, à l’étranger ou en déplacement…
1. Qui autoriser à faire du télétravail?
Le premier point à régler, c’est déterminer quels membres de votre équipe auront l’autorisation de faire du télétravail. Et le second, jusqu’à quelle proportion de votre équipe êtes-vous prêt à dédier au télétravail. Pour déterminer tout cela, trois facteurs sont à considérer, selon les auteures de l’article : l’impact sur le travail de l’ensemble de l’équipe; la technologie nécessaire pour qu’il y ait une bonne communication entre le bureau et l’employé chez lui; et la capacité de l’employé concerné à travailler de manière autonome. Des trois, le plus important est généralement l’impact sur la productivité de l’ensemble de l’équipe : il ne faut pas, par exemple, que certains se retrouvent bloqués dans leur travail parce qu’ils ont besoin d’un échange face-à-face avec celui qui est à la maison.
Par conséquent, le mieux est alors de procéder de la manière la plus transparente possible, au vu et au su de tous. Il convient d’étudier les différents impacts – positifs comme négatifs – d’une telle décision, et d’expliquer pourquoi telle personne a été choisie pour faire du télétravail, histoire de tuer dans l’œuf toute jalousie chez ses collègues.
2. Comment savoir s’il travaille bel et bien?
Les études des deux chercheuses américaines leur ont montré que les équipes qui connaissent le plus de succès face au télétravail sont celles dont les cadres dirigeants se soucient autant de ceux qui sont au bureau que ceux qui travaillent depuis chez eux. Le mot clé ici est «autant». Donc, pas plus, ni moins.
Une grave erreur serait donc d’accroître sa surveillance sur le travail effectué par la personne qui est chez elle. Car cela trahirait votre crainte qu’elle en profite en réalité pour buller devant la télé ou pour faire des tâches ménagères. Cela révèlerait, en fait, un manque soudain de confiance en cette personne, ce qui serait très mal vécu par elle. (Mettez-vous à sa place…)
«Le mieux est de définir les tâches à accomplir et de fournir du feedback de la même façon qu’auparavant, et ce pour tous les membres de l’équipe, qu’ils soient au bureau ou ailleurs», soulignent-elles.
3. Loin des yeux, loin du cœur?
Il faut comprendre que, passé l’euphorie des premiers temps liée au fait qu’on peut travailler de chez soi, l’employé en question va commencer à se sentir un peu seul. C’est humain, nous avons besoin des autres pour nous sentir bien. C’est pourquoi tout bon cadre dirigeant doit en tenir compte, et prévenir avant que cela ne se produise le petit down qui va immanquablement se produire.
Une idée pour cela? «Créez une boîte de courriels spéciale, réservée aux membres de l’équipe pour échanger tout ce qu’ils veulent avec leur collègue qui est chez lui, à l’étranger ou en déplacement», suggèrent-elles.
4. Parvient-il à s’isoler pour travailler?
À la maison, les tâches sont sans fin : le linge, la vaisselle, les courses, le ménage,… Ce n’est pas tout. Le bébé qui pleure, le chat qui a faim, le pied de chaise qu’il faut encore réparer,… Alors, comment savoir si l’employé a bel et bien la tête au travail quand il est chez lui, ou s’il est plutôt préoccupé par tous ces petits ennuis qui, en temps normal, s’estompent d’eux-mêmes de son esprit quand il est au bureau?
Chez IBM, un petit manuel d’instructions a été rédigé à l’attention de ceux qui font du télétravail. On y trouve des conseils comme : «Expliquez bien à vos jeunes enfants que lorsque vous êtes assis à votre bureau, il est interdit de vous déranger, sauf cas d’urgence» et «Demandez à vos adolescents, pour communiquer avec vous durant vos heures de travail à domicile, de vous envoyer un courriel plutôt que d’entrer dans votre bureau et de vous déranger».
5. Comment préserver la culture d’entreprise?
L’esprit d’équipe qui régnait jusque-là risque-t-il de se liquéfier, maintenant que certains commencent à s’éloigner des autres? Risquez-vous-même de perdre totalement le contrôle? Pour que cela ne se produise pas, il faut prendre conscience que les quatre point précédents ne sont pas la panacée. Ils peuvent même aggraver une situation problématique, au lieu de lui apporter une solution.
Ainsi, un employé a peut-être demandé à travailler plus souvent de chez lui parce qu’il souffre de vos surveillances à son égard, trop fréquentes à son goût. S’il s’éloigne, c’est dans le but de moins vous voir, pas de moins travailler. Alors, si vous continuez à maintenir le même type de surveillance qu’auparavant, comme il est conseillé plus haut, et que de surcroît cela se produit chez lui, la réaction de l’employé risque d’être explosive…
Que faire? Ne pas suivre les conseils donnés si-dessus? Non, bien entendu. «Le scénario idéal consiste à réfléchir en équipe à l’éventualité d’adopter le télétravail, de peser ensemble le pour et le contre, puis à laisser les individus choisir», recommandent-elles. Qu’en pensez-vous?
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