L’incapacité de l’industrie de la construction à faire des «gains réels» de productivité depuis 10 ans a provoqué une «spirale inflationniste insoutenable», alors que le Québec a un immense besoin d’infrastructures, et ce, de l’immobilier aux grands projets dans le secteur de l'énergie.
Voilà la principale conclusion d’une étude que publie ce mercredi le Centre sur la productivité et la prospérité — Fondation Walter J. Somers (CPP) à HEC Montréal, qui s’intitule Productivité de l’industrie de la construction au Québec: des changements s’imposent.
«Les prix augmentent, il n’y a pas de main-d’œuvre, il manque de logements pour notre monde, l’industrie n’est pas productive… On a un problème!», laisse tomber au téléphone l’un des trois auteurs de l’étude, Jonathan Deslauriers, directeur exécutif du CPP.
Les deux autres auteurs sont Robert Gagné et Jonathan Paré, qui sont respectivement professeur d’économie à HEC Montréal et professionnel de recherche au CPP.
Jusqu’en 2013, le Québec affichait une productivité du travail dans la construction similaire à celle de l’Ontario et de la moyenne canadienne dans les secteurs résidentiel, commercial/institutionnel, industriel et du génie.
Or, à compter de 2013, la productivité du Québec a stagné, alors que celle en Ontario et dans le reste du pays a continué d’augmenter, comme on peut le constater sur ce graphique.
Jonathan Deslauriers affirme qu’il n’y pas de causes précises pouvant expliquer le décrochage du Québec à compter de 2013 en matière de productivité.
En revanche, le CPP a pu quantifier les conséquences de l’incapacité de l’industrie québécoise à faire des «gains réels» de productivité depuis 10 ans: la hausse plus rapide des coûts unitaires de main-d’œuvre (CUM) dans les secteurs résidentiel, commercial/institutionnel, industriel et du génie.
L’industrie est «en surchauffe»
L’industrie est même «en surchauffe», affirment les trois auteurs de l’étude de 25 pages.
«Entre 2013 et 2023, la progression cumulée des CUM dans ces secteurs a été 1,9 fois plus rapide qu’en Ontario, et 1,7 fois plus rapide qu’en moyenne au Canada. Et depuis 2017, les CUM ont progressé en moyenne de 8,0 % par année au Québec, une croissance 1,39 fois plus rapide qu’en Ontario, et 1,45 fois plus rapide qu’en moyenne au Canada», notent-ils.
Il va sans dire que cette hausse du CUM a eu une incidence sur le prix des constructions neuves, selon les auteurs de l’étude.
Ils ont analysé l’évolution des indices des prix des logements neufs et des bâtiments non résidentiels (industriels, commerciaux, résidentiels, institutionnels) produits par Statistique Canada.
Ainsi, depuis cinq ans (jusqu'en 2023), le prix final des constructions neuves a bondi de 32% à 48%, ce qui inclut les trois années de pandémie de COVID-19, qui ont vu exploser l’inflation.
Cela dit, les indices des prix des logements neufs et des bâtiments non résidentiels avaient commencé à augmenter rapidement dès 2017, et ce, après une période de sept ans où les indices étaient demeurés relativement stables.
Selon les trois chercheurs du CPP, c’est la raison pour laquelle il est nécessaire qu’on entame un «examen approfondi» du cadre de gouvernance qui réagit l’industrie au Québec.
«Non seulement les instances dirigeantes ne sont pas parvenues à diagnostiquer à temps le choc de productivité, mais elles n’ont pas su réagir afin de contenir les coûts de production. A posteriori, les conséquences de leur inaction sont loin d’être négligeables», fait remarquer Robert Gagné dans le communiqué qui accompagne la publication de l'étude du CPP.