Les entrepreneurs québécois sont-ils en voie de rater le train du commerce électronique ? Peu d'entre eux adoptent ce modèle d'entreprise. Pourtant, pendant ce temps, les Québécois dépensent des millions de dollars en ligne... chez des commerçants étrangers. On a donc besoin de plus d'entrepreneurs dans ce domaine.
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«La progression des achats en ligne au Québec est sensiblement la même qu'aux États-Unis et en Europe, explique Claire Bourget, directrice de la recherche marketing au CEFRIO. Ce n'est donc pas du côté de la consommation que le Québec accuse un retard, mais de celui de l'offre.»
Près de 6 adultes sur 10, au Québec, ont fait au moins un achat en ligne en 2013, soit 12 % de plus qu'en 2012. C'est environ 7,3 milliards de dollars qui auraient été dépensés cette année-là. Là où le bât blesse, c'est que trois dollars sur quatre ont été versés à des entreprises étrangères. «Environ 40 % des achats sont faits dans des commerces américains et 14 % dans le reste du Canada», précise Claire Bourget.
De plus, près de la moitié des entreprises branchées de 250 employés et plus faisaient de la vente en ligne en 2012, selon une enquête de l'Institut de la statistique du Québec. Mais ce nombre fond de moitié dans les plus petites entreprises comptant de 50 à 249 employés. Pour les très petites entreprises, à peine 14 % (5 à 9 employés) et 8 % (1 à 4 employés) s'y risquent.
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Changer les mentalités
«Les entrepreneurs voient le potentiel de ce marché, que ce soit dans le commerce d'entreprise à entreprise, d'entreprise à clients ou le commerce de détail, mais ils hésitent à se lancer en affaires», constate Mathieu Halle, président du Regroupement des commerçants électroniques du Québec (RCEQ).
Les exemples de réussite ne manquent pourtant pas. Il cite notamment Bonlook, une entreprise de vente de lunettes en ligne qui a connu un beau succès à l'extérieur du Québec, à Beyond the Rack et à Frank & Oak, dans le domaine de la mode, ou encore, à PMCtire, qui vend des pneus et des jantes de roue via Internet. «Ce qu'il faut, c'est trouver des modèles d'entreprise originaux, mettant à profit l'immense potentiel du commerce en ligne», conclut-il.
Cédric Fontaine est un consultant spécialisé dans le commerce électronique. Il en fait lui-même avec Terroirs Québec, une épicerie fine sur le Web. Selon lui, les hésitations des entrepreneurs proviennent de vraies difficultés, comme la livraison, mais également de fausses perceptions. «Pendant longtemps, le commerce en ligne a paru compliqué, parce qu'il fallait trimer dur pour faire un bon site et que les solutions de paiement efficaces et bon marché étaient rares», note-t-il.
La situation a changé. L'arrivée de Desjardins, par exemple, qui offre une solution clés en main aux PME pour le commerce sur Internet, tout comme la création de PayPal, ont facilité le paiement en ligne. Des solutions telles queWordPress, Magento, Prestashop et Shopify et des services d'entreprises québécoises comme panierdachat.ca ou votresite.ca ont grandement simplifié la création d'une plateforme transactionnelle, laquelle peut parfois se réaliser en quelques heures. Cette nouvelle réalité continue pourtant à échapper à nombre d'entrepreneurs, qui voient encore le commerce en ligne comme une énorme tracasserie.
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Fournir du soutien
Pour changer les mentalités, il faut adapter le discours sur le commerce électronique aux petites entreprises, très nombreuses au Québec, selon le chroniqueur techno et entrepreneur François Charron. «Le discours que l'on entend dans les conférences des chambres de commerce s'adresse davantage aux moyennes et grandes entreprises, croit-il. Les petites n'y trouvent pas leur compte.»
Mais faire évoluer les mentalités ne suffit pas. Il faut aussi offrir aux entrepreneurs les connaissances et le soutien pour se lancer dans ce type de projet. «Les candidats au commerce en ligne ne savent juste pas comment faire», souligne François Charron.
Selon lui, le plus grand défi des entrepreneurs est d'apprendre à maîtriser les outils Internet. «Cela leur fait peur au début, parce qu'ils voient une montagne de choses à apprendre, dit-il. Mais, une fois qu'ils ont dépassé cette étape, cela devient très intéressant, car se posent alors les questions très concrètes du marketing, de la mise en marché et des stratégies commerciales propres au Web : par exemple, comment limiter l'abandon du panier d'achat par l'internaute en cours de magasinage ou encore optimiser l'indexation du site dans les moteurs de recherche.»
Pour contribuer à redresser la situation, il a monté des cours gratuits en ligne pour apprendre à créer un site Web ou une boutique en ligne. Ces cours sont aussi offerts dans les services aux entreprises de la quasi-totalité des commissions scolaires du Québec. L'Opération Branchons les PME l'amène par ailleurs à donner des conférences à des entrepreneurs ou futurs entrepreneurs partout au Québec. Près de 10 000 participants y ont assisté au cours de la dernière année, grâce notamment à l'appui d'acteurs du développement économique local (SADC, CLD, CJE, etc.).
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Adapter l'infrastructure logistique
Si les mentalités évoluent et que la transmission des connaissances en matière de commerce électronique se fait lentement mais sûrement, il reste cependant un obstacle important à surmonter pour le commerce de produits en ligne : créer une infrastructure de livraison efficace et surtout abordable pour les petits acteurs.
«Les entreprises comme UPS, FedEx ou même Postes Canada existent d'abord pour livrer des colis d'affaires, dans un contexte d'affaires», souligne le consultant en technologie numérique Farid Mheir. Selon lui, elles fonctionnent moins bien quand il s'agit pour une entreprise de distribuer des colis à des particuliers, qui ne sont pas nécessairement à la maison pendant les heures de livraison. «Si on vous laisse une note disant que vous devez aller chercher la télévision achetée en ligne dans un centre de distribution d'une compagnie de transport, parce que vous étiez absent lors de la livraison, aussi bien l'acheter en magasin !»
Dans le numéro du 18 octobre de Les Affaires, le directeur, stratégie et développement du cybercommerce de Postes Canada, Marc Smith, tenait un discours qui allait à l'opposé de celui de M. Mheir.
«On va livrer chez tous les Canadiens, là où ils habitent, tous les jours, ce que nos concurrents ne peuvent pas faire. De plus, notre réseau de bureaux de poste permet d'offrir une livraison plus convenable que celle proposée par nos concurrents. Enfin, l'an dernier, on a lancé un service qui permet au consommateur de choisir de se faire livrer son colis au bureau de poste de son choix lorsqu'il achète auprès de certains marchands en ligne», expliquait M. Smith.
D'ailleurs, il rappelait que Postes Canada est en train de changer ses processus et son infrastructure technologique dans ses centres de distribution pour être capable de livrer un plus grand volume de colis.
Farid Mheir souligne que «le fait de ne pas avoir un système de livraison optimal, à faible coût, représente un grand obstacle pour les petits commerçants, qui ne bénéficient pas d'ententes avec des transporteurs comparables à celles de leurs plus grands concurrents».
Mais là aussi les mentalités évoluent. Postes Canada, notamment, met au point des services répondant aux besoins des petits commerçants électroniques. L'environnement devient donc plus favorable à ce type d'entrepreneurs. Seront-ils au rendez-vous ?
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