Peu de gens se souviennent de Vidéotron à ses débuts. Télécâble Vidéotron ltée, fondée en 1965 par André Chagnon, Roger Jauvin et quatre autres actionnaires, a implanté le premier réseau de câblodistribution dans le nord de Montréal et dans certains secteurs de Laval. Avec les années, cependant, l’entreprise s’est étendue et modernisée, si bien que 35 ans plus tard, elle a été rachetée par Quebecor pour la somme de… 4,9 milliards $.
Comment expliquer un tel enrichissement? Il semble que le secret du succès des entreprises privées tient en leur capacité à créer de la valeur.
De toute évidence, M. Chagnon a utilisé tous les leviers mis à sa disposition. Et ceux-ci sont nombreux : ressources humaines, brevets, R&D, service à la clientèle, acquisitions, etc.
Pour simplifier les choses, on pourrait dire qu’André Chagnon a réussi à accroître la profitabilité à long terme de son entreprise et à diminuer ses risques, deux éléments clés dont il faut tenir compte pour estimer la valeur d’une entité.
« C’est que la valeur de tout actif dépend des flux monétaires attendus, explique Nicolas Marcoux, directeur des Services conseils en transactions à Montréal de PricewatherhouseCoopers. Si on vous offre une rente qui verse 1 000 $ par an et que vous souhaitez avoir un rendement annuel de 10 %, vous paierez 10 000 $ pour l’acquérir. » Et moins les versements seront garantis, plus vous exigerez un rendement élevé.
La profitabilité
Il existe évidemment plusieurs façons d’accroître les bénéfices d’une entreprise privée, les plus connues étant la croissance des revenus et la réduction des coûts.
« On peut le faire aussi bien par croissance interne que par acquisition, note M. Marcoux. Dans le cas d’acquisition, l’entrepreneur doit s’assurer d’obtenir une nouvelle expertise, des clients, un nouveau marché… »
Accroître l’efficacité peut aussi créer beaucoup de valeur. « Par exemple, en gérant mieux ses recevables ou ses inventaires, un propriétaire peut se retrouver avec 300 000 $ de plus dans le compte de banque, illustre Jean-Claude Arsenault, associé en financement corporatif/fusion et acquisition chez Samson Bélair/Deloitte & Touche. Cela augmentera automatiquement ses revenus… »
D’autres leviers moins tangibles peuvent aussi être actionnés par l’entreprise. Elle peut, par exemple, se camper dans une niche précise ou s’assurer du bon positionnement de sa marque. « Elle peut aussi modifier son modèle d’affaires pour arriver à ses fins », dit M. Marcoux. Ou encore développer une culture qui valorise sa marque. « Mais cette culture ne doit pas seulement défendre les intérêts des actionnaires, prévient Yvon Couturier, associé chez KPMG. Elle doit également défendre ceux des employés et des clients. »
Le risque
L’effet du risque sur la création de valeur n’est pas à négliger. Une simple récession, qui augmente l’incertitude quant à la profitabilité d’une entreprise, aura un impact négatif sur sa valorisation.
Mais les facteurs généralement considérés dans cette analyse vont bien au-delà du contexte économique. On tient aussi compte de la concurrence, de la demande des consommateurs, des innovations, etc.
« Par exemple, une entreprise sera pénalisée si son succès dépend en grande partie du travail effectué par le propriétaire, dit M. Arsenault. En revanche, si le propriétaire a formé une équipe de direction qui peut assurer la continuité des relations clés (clients, fournisseurs et membres du personnel), sa valeur sera plus grande. »
Il en sera de même si l’entreprise dépend d’un client, d’un produit ou d’un fournisseur. Pour créer de la valeur, l’entrepreneur doit éviter toute forme de dépendance.
Il doit aussi être conscient des risques qui se présentent. « Par exemple, dans le contexte actuel de vieillissement de la population, une bonne gestion des ressources humaines peut être critique, dit M. Couturier. Comme les compétences en place ont une valeur, l’entreprise doit veiller à les retenir le plus possible et à les remplacer judicieusement. »
En comprenant bien ce qui peut diminuer ses risques ou augmenter sa profitabilité, les propriétaires de sociétés privées peuvent prendre des décisions favorables à la création de valeur.
« Chaque entreprise mérite d’être regardée parce que dans chacune il y a une façon de créer de la valeur », pense Jean-Claude Arsenault.