Lors du concert inaugural de la Maison symphonique, le 7 septembre dernier, l'émotion était vive chez une quarantaine d'ingénieurs et de professionnels de SNC- Lavalin. "Nous y sommes arrivés !" se disait Charles Chebl, vice-président principal, groupe des bâtiments, pendant que le maestro Kent Nagano et les musiciens de l'Orchestre symphonique de Montréal inauguraient la nouvelle salle avec la Neuvième de Beethoven.
SNC-Lavalin a réalisé la Maison symphonique dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP) avec le gouvernement du Québec, le premier du genre dans le domaine culturel au Québec. Pour accomplir ce contrat de 259 millions de dollars, elle a créé une filiale, le Groupe immobilier Ovation, dont elle est l'unique actionnaire. Cette filiale a agi comme gestionnaire de projet et a confié la conception et la construction du projet à SNC-Lavalin. Pour le volet architectural, elle a retenu les services des firmes Ædifica, de Montréal, et Diamond and Schmitt Architects, de Toronto.
Un échéancier serré
Vingt-sept mois. C'est le délai donné par Québec à la firme de génie-conseil et de construction pour sortir de terre cette salle de concert attendue depuis 20 ans. Un échéancier relativement court, compte tenu de l'ampleur du projet et des défis techniques liés à l'acoustique. D'une part, il fallait isoler la salle de sorte que les bruits extérieurs et ceux émanant du bâtiment soient imperceptibles à l'oreille humaine. D'autre part, il fallait obtenir une diffusion optimale de la musique afin que les spectateurs aient l'impression d'en être enveloppés.
Pour cela, SNC-Lavalin a appliqué les paramètres définis par les acousticiens d'Artec, une firme de New York dont les services ont été requis par Québec : nombre de sièges et leur disposition, volumétrie de la salle, dimension de la scène, installation de réflecteurs acoustiques au plafond, etc. Mais elle a aussi engagé son propre acousticien.
"La forme de la salle, les courbes des balcons, les matériaux, tous les éléments architecturaux ainsi que ceux qui sont relatifs à la ventilation, à l'électricité et à la mécanique ont un impact sur la diffusion et la pureté du son", souligne Charles Chebl, rencontré dans la salle de concert alors que des ouvriers s'affairaient à la finition. Un exemple : les surfaces de bois qui habillent la salle sont parfois lisses, parfois texturées, afin de mieux propager les différentes fréquences sonores.
Le son : une priorité
La Maison symphonique est conçue selon un concept de "boîte dans la boîte". Ainsi, l'auditorium est détaché du reste de la structure du bâtiment et repose sur des appuis en caoutchouc et en acier. Ces appuis, mis au point par les ingénieurs de SNC-Lavalin, absorbent les vibrations du métro et les bruits extérieurs.
Des réflecteurs acoustiques, au plafond, servent à mieux distribuer le son. Ceux qui se situent au-dessus de la scène sont mobiles afin de maximiser la qualité sonore selon les genres musicaux. Cette particularité a toutefois rendu impossible la pose de gicleurs d'incendie. La solution ? Un système d'évacuation de la fumée pour cette zone seulement.
La ventilation s'effectue silencieusement à l'aide de sorties d'air à très basse pression installées sous chacun des 1 900 sièges. Quant à l'air vicié, les ingénieurs ont conçu un système de "tube digestif" permettant à l'air de circuler en sourdine avant d'être évacué. Même les luminaires sont silencieux.
Ajustements nécessaires
L'acoustique est-elle à la hauteur des attentes ? C'est ce qu'on verra à l'usage. Les musiciens et les spectateurs des premiers concerts ont semblé enchantés, mais des ajustements seront néanmoins nécessaires. "Il faut habituellement d'un à deux ans pour maximiser le potentiel sonore d'une salle", précise Charles Chebl.
Chose certaine, la Maison symphonique figurera parmi les réalisations marquantes de SNC-Lavalin. "C'est notre première salle de concert, un projet rare dont on se souvient toute la vie", dit Charles Chebl.
Un PPP qui durera 30 ans
La Maison symphonique est le sixième partenariat public-privé (PPP) réalisé par SNC-Lavalin. "Il faut s'adapter à l'évolution du marché : les PPP sont devenus incontournables", estime Charles Chebl, vice-président principal, groupe des bâtiments. "L'avantage pour nous, c'est que nous réalisons un projet de A à Z. Quant au gouvernement, il partage le risque, car nous sommes responsables des possibles erreurs de conception. Et côté coûts, il sait exactement à quoi s'attendre."
La formule des PPP est toutefois controversée, notamment parce que les choix architecturaux ne sont pas déterminants lors de la sélection du partenaire privé. De fait, si l'enceinte de la Maison symphonique fait l'unanimité, avec son chaleureux revêtement de hêtre qui évoque un écrin de bois, l'architecture extérieure est critiquée. Plusieurs estiment que ce bâtiment n'offre pas à Montréal de signature visuelle marquante.
"Nous avons mis l'accent sur la salle elle-même, car nous avions des contraintes budgétaires, dit M. Chebl. L'architecture du bâtiment, sobre, résistera à l'épreuve du temps."
SNC-Lavalin a touché un premier versement de 75 millions de dollars pour avoir conclu la première partie de l'entente, qui consistait à concevoir et construire et financer la Maison symphonique. Le reste lui sera versé par paiement mensuel pendant les 27 prochaines années, car elle en assumera l'entretien et l'exploitation jusqu'en 2038, année où le gouvernement du Québec en deviendra propriétaire. Entre-temps, la firme de génie-conseil aura des préposés au bar et des placiers sur sa liste de paie !
1 900 Nombre de places dans la nouvelle salle, dont plus 200 places supplémentaires derrière l'orchestre pour des choristes ou des spectateurs.
175 Nombre de coussins acoustiques dont est pourvue la salle de concert qui servent à isoler des bruits et des vibrations extérieurs. Source : OSM