La crise de 2008 a laissé des traces sur le budget des entreprises. Elles aspirent plus que jamais à réduire leur facture à la pompe. Si l'essence équipe encore 82,2 % du parc automobile du pays, les énergies de substitution (électrique, propane, gaz naturel) commencent à se développer. En 2013, les véhicules hybrides électriques ou au gaz représentaient seulement 2,6 % des véhicules sur le marché. Le principal frein au développement de ces véhicules dans les parcs auto ? Un prix d'achat encore élevé et un réseau de distribution encore limité. Mais les choses pourraient bientôt changer, notamment du côté des constructeurs qui multiplient les innovations...
«L'essence est devenue l'une des principales préoccupations des entreprises. Le carburant peut représenter jusqu'à 30 % des dépenses d'un parc auto», résume Sébastien Blondin, vice-président de l'Est du Canada pour le gestionnaire de parc Element Fleet Management, qui gère près de 112 000 véhicules au pays.
«Les entreprises cherchent à diminuer leurs coûts en choisissant des véhicules plus petits, dont les frais d'entretien sont minimes et qui consomment moins», affirme Benoit Lebeau, directeur des ventes commerciales de Ford pour l'Est du Canada. Une préoccupation prise au sérieux par le constructeur, pour qui le marché des flottes commerciales représente 8 400 véhicules, soit le quart de ses ventes au Canada. C'est pourquoi Ford prévoit installer son moteur EcoBoost sur près de 90 % des véhicules de son parc d'ici l'an prochain. Développée il y a quatre ans, cette technologie utilisant un turbocompresseur permet de réduire les émissions de CO2 de 15 % et la consommation d'essence de 20 %. «Cela donne les performances d'un V8 à un véhicule possédant le rendement écoénergétique d'un V6», précise M. Lebeau, qui rappelle que les constructeurs doivent faire leur part pour réduire la consommation des véhicules. Un pari qui commence à s'avérer payant puisque, l'an dernier, plusieurs clients commerciaux ont opté pour les véhicules hybrides. «Depuis trois ans, nous avons aussi lancé plusieurs véhicules hybrides et une Focus entièrement électrique. Ces deux segments ont connu une croissance de 500 %», affirme-t-il.
L'ascension des véhicules hybrides
Petit à petit, les constructeurs gagnent en expertise sur les modèles hybrides. «Comme nous en sommes à la troisième génération, nous sommes capables de diminuer les coûts. Par conséquent, une C-max hybride coûte par exemple 3 000 à 3 500 $ de plus que le prix de base», souligne Benoit Lebeau. Pour une Fusion hybride, il faudra débourser 29 999 $ au total, comparativement à 24 599 $ pour un modèle classique. Alors que le plus grand véhicule hybride reste le C-max, Ford songe à élargir sa gamme en mettant au point d'autres versions. Grâce aux primes offertes par le gouvernement québécois, qui vont de 500 $ pour un véhicule hybride à 8 000 $ pour un modèle électrique ou hybride branchables, le marché québécois représente 50 % des ventes de véhicules hybrides et électriques chez Ford.
Pour Rodrigue Michaud, directeur régional des ventes chez ARI Fleet (160 000 véhicules au pays, dont 65 000 au Québec et dans les Maritimes), ces véhicules s'abreuvant aux sources d'énergie nouvelles ont la cote, mais restent coûteux. «La plupart d'entre elles encouragent ce type de développement mais font des études, en commandant une ou deux voitures pour faire leurs propres tests», résume-t-il. Pour lui, le gros défi se manifestera au cours des prochaines années : «Le gouvernement Obama a publié un décret qui oblige les manufacturiers à atteindre des objectifs de réduction de consommation d'essence de 3,5 % à partir de 2017, en visant l'atteinte, pour 2025, d'une moyenne de 23 km au litre. C'est un gros défi, et il va encore falloir faire des recherches pour améliorer les moteurs et réduire le poids des véhicules», estime-t-il. Or, l'utilisation de matériaux composites «plus légers et plus coûteux» pourrait faire augmenter le prix des véhicules.
Garder ses véhicules plus longtemps
En attendant, les entreprises tentent d'optimiser l'utilisation de leur flotte en réalisant un inventaire de leurs besoins pour mieux affecter leurs véhicules à certaines tâches. «L'important est de savoir si un véhicule est à la bonne place : on peut avoir un S 550 diesel alors qu'un S 350 répondrait à leur besoin», rappelle M. Lebeau.
«Avant, les entreprises gardaient leurs voitures trois ans et jusqu'à 90 000 km, alors qu'aujourd'hui, la durée va jusqu'à cinq ans et 120 000 ou 140 000 km», constate Rodrigue Michaud. Si l'achat reste souvent la solution privilégiée des entreprises, c'est en fonction de leur situation et de leur taille : «si l'entreprise a une flotte de seulement cinq voitures, elle aura tendance à donner simplement une allocation à ses conducteurs pour ne pas avoir à assumer la gestion de ces véhicules. Par contre, si vous avez besoin d'une cinquantaine de véhicules, il devient plus économique d'avoir son propre parc, car les manufacturiers proposent des conditions de financement très attrayantes», estime Rodrigue Michaud. Autre avantage de l'achat : permettre un meilleur suivi et entretien des véhicules ainsi qu'une meilleure visibilité grâce à la standardisation de la flotte.
L'autopartage gagne du terrain
Certains ministères et municipalités ont commencé à opter pour une autre solution : l'autopartage ! «Cela se voit lorsque plusieurs ministères sont réunis au sein du même immeuble. Ce bassin de véhicules à partager constitue une approche très intéressante pour gérer les dollars de façon plus attentive. Mais du côté des entreprises, c'est un peu plus difficile», accorde Rodrigue Michaud. Les entreprises ont en effet plutôt tendance à assigner les véhicules ayant déjà beaucoup roulé aux salariés moins mobiles, afin d'équilibrer les compteurs.
«On constate encore qu'en 2012 au Canada, on parlait de 1,7 véhicule par permis de conduire, ce qui signifie qu'on n'en est pas encore à partager nos véhicules comme cela se fait en Europe», rappelle Sébastien Blondin.
Autre tendance ? L'apparition de la télémétrie et des aides à la conduite, qui ouvrent la voie à des économies de coûts. GM rappelle que le gouvernement américain a demandé à ce que tous les véhicules soient équipés de caméras de recul arrière d'ici 2018. «C'est une option qui devient désormais abordable», affirme Pierre Guèvremont, directeur des comptes parc pour le Québec et les Maritimes de GM. Des constructeurs comme Ford ont par exemple équipé la plupart de leurs véhicules de caméras de recul qui, en réduisant le nombre d'accidents, permettent de diminuer les frais de fonctionnement. «Lorsqu'on gère une flotte de 900 à 1 000 véhicules et que l'on économise chaque fois 200 $ sur un pare-chocs, au bout du compte, c'est avantageux», précise Benoit Lebeau.
Autre exemple ? La Lexus a par exemple développé un système précollision qui permet au «véhicule de s'ajuster lorsqu'il anticipe une collision imminente, pour protéger le corps du conducteur», détaille Sébastien Blondin. Pour Rodrigue Michaud, l'innovation viendra des voitures intelligentes qui se conduiront toutes seules grâce à une série de capteurs. Les constructeurs ont déjà développé le produit et travaillent aujourd'hui à affiner son aspect esthétique. Cela permettra de réduire les freinages et accélérations rapides ainsi que la congestion routière», ajoute-t-il.
1,6 - Au Québec, environ 6 millions de véhicules sont sur la route, dont 1,6 million de véhicules commerciaux, selon Sébastien Blondin, d'Element Fleet Management. Environ 56 000 véhicules sont gérés par des sociétés d'impartition.