Les incubateurs et les accélérateurs fleurissent au Québec. Si leurs résultats ne sont pas démontrés, leur valeur ajoutée semble incontestable quels que soient les modèles adoptés. Une effervescence qui a ses avantages et ses dérives.
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Accélérateur ou incubateur ?
Le mot «jungle» revient souvent pour décrire le monde des incubateurs et des accélérateurs au Québec. Même leurs définitions et encore plus le nom «incubateur» font débat. Un incubateur, qu’on pourrait aussi appeler une couveuse ou, comme en France une pépinière d’entreprises, le terme «incubateur» paraissant souvent trop infantilisant aux entrepreneurs québécois, est censé donner un appui à des entreprises en pré-démarrage et démarrage pour leur donner plus de chance d’assurer leur pérennité.
L’accélérateur s’adresserait plutôt à des entreprises à fort potentiel et dont le marché a été confirmé. Son but serait alors de les aider à augmenter leur production et à pousser plus loin l’innovation. Les accélérateurs vont généralement avec un capital de risque associé.
Si on comptait officiellement une quarantaine d’incubateurs et d’accélérateurs dans la province il y a quelques années, leur nombre a augmenté avec l’entrée dans la danse des universités mais aussi d’initiatives privées, comme l’incubateur de la Maison des entrepreneurs, Ignition, ainsi que des communautés d’entrepreneurs.
Les municipalités et organismes parapublics ne sont pas en reste, ce qui peut poser des problèmes de redondance. «Chaque MRC ne peut pas avoir son incubateur ou son accélérateur, ça coûte trop cher. Il faudrait donc plus de concertation pour faire des structures aterritoriales », estime Renée Courchesne, directrice générale du Centre d’aide aux entreprises (CAE) Rive-Nord.
De nouvelles formules
Certains organismes ont conservé le concept initial qui consistait en la location d’espaces de bureaux à des tarifs moindres afin d’héberger des entreprises en démarrage partageant certains outils tels que les photocopieurs et télécopieurs, ainsi que des postes administratifs. Une formule qui donne un coup de pouce aux entrepreneurs en général pour trois ans maximum.
Depuis plusieurs années, d’autres modèles émergent. Si le paysage peut paraître confus tant les initiatives sont diverses et nombreuses, les solutions ne sont pas inintéressantes. Ainsi Olivier Germain, professeur de management et d’entrepreneuriat à l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM, observe l’ajout dans certaines structures «d’un accompagnement plus personnel avec de l’aide pour élaborer un plan d’affaires, préciser le concept de l’entreprise, etc.»
Un niveau supérieur est même apparu avec des services spécialisés, des activités de réseautage, des connexions avec des fonds d’investissement et un accompagnement par des comités aviseurs chargés d’aider les entreprises tout au long de leur démarrage. Dans ce cas, il n’est pas systématique que des locaux soient proposés à la location. Ce sont des structures légères qui conviennent peut-être mieux aux jeunes générations, relève Olivier Germain, car « elles n’ont pas forcément envie de se plier à des activités organisées mais ont néanmoins besoin du collectif, d’être en réseau, veulent une socialisation plus productive.»
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Des entreprises mieux structurées
Ces services professionnels sont finalement ce qui fait la plus-value des incubateurs, note une étude réalisée par le CAE Rive-Nord. «Je suis convaincue qu’ils font la différence, présidente d’Innovomax Consultation, qui a supervisé l’étude. Les entrepreneurs ont souvent un profil technique, ce sont des passionnés mais ils n’ont souvent pas de connaissances en gestion d’entreprise.»
Des lacunes qu’ils peuvent combler grâce aux aides fournies par les incubateurs. Or «de nombreuses études ont montré que les entreprises en démarrage avaient plus de chance de réussite lorsqu’elles sont accompagnées», note Olivier Germain.
Sur le terrain, le travail des incubateurs semble d’ailleurs apprécié non seulement des entrepreneurs mais aussi de leurs partenaires. Charles Cazabon, associé et directeur de GO Capital de la Banque de développement du Canada (BDC) Capital, remarque que «les incubateurs et les accélérateurs offrent de bons services en incitant les entrepreneurs à faire une analyse de marché.
Souvent, les candidats au capital de risque ont des plans d’affaire standards et quand on pose des questions plus précises sur d’éventuels partenaires intéressés, sur la présence de concurrents, sur la façon dont ils envisagent de pénétrer le marché, on n’a pas de réponse. Mais cela évolue», notamment grâce à l’accompagnement fourni par ces structures.
Des lieux d’échange
L’autre avantage, difficilement quantifiable mais très important des incubateurs et accélérateurs, c’est «la construction d’un espace entre entrepreneurs, un espace fertile de partage d’expériences où ils peuvent parler de leurs essais-erreurs. Un des problèmes des entrepreneurs en démarrage, c’est l’isolement», explique Olivier Germain. La possibilité pour les entrepreneurs d’échanger avec des personnes qui vivent les mêmes réalités représente un soutien psychologique capital dans les premières années de création d’entreprise synonymes de hauts et de bas et d’une dose de travail harassante.
À l’instar des aides au démarrage d’entreprises nombreuses et disparates, les incubateurs et les accélérateurs ne forment pas un réseau cohérent ni organisé. Certains en appellent à une régulation pour séparer le vin de l’ivraie car «il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruit et des réponses pas toujours adaptées aux besoins », regrette un acteur du domaine qui souhaite rester anonyme. Il pourrait en effet y avoir besoin «d’un pivot, d’un hub qui mette un peu de l’ordre mais qui ?», s’interroge le professeur de l’UQAM à l’heure de la réorganisation des acteurs du développement économique local.
L’effervescence actuelle voit aussi émerger des modèles nouveaux intéressants. Reste à trouver un modèle d’affaire pour les pérenniser. En effet, si les incubateurs ont rarement des exigences de rentabilité –ce sont souvent des organismes à but non lucratif-, ils doivent néanmoins payer leurs frais. Un grand écart difficile avec l’offre grandissante de services spécialisés à des coûts moindres pour venir en aide aux jeunes entreprises encore non rentables.
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