Depuis le début de l’année, l’économie canadienne affiche des signes de reprise encourageants. Les exportations sont en hausse. L’industrie manufacturière l’est aussi et son rythme de croissance est le plus élevé en sept ans. La croissance économique globale est au rendez-vous et le niveau de confiance des consommateurs est sensiblement plus élevé qu’il y a six mois à peine.
Voilà pour les bonnes nouvelles. Mais alors que nous participons fortement à l’essor économique du Canada, il nous faut résister à la tentation de ralentir la cadence. Une occasion sans précédent se présente à nous. Si nous agissons dès maintenant pour apporter des changements structurels essentiels à notre économie, nous pourrons écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’innovation de notre pays – et récolter les fruits d’une prospérité à long terme.
Nous devons faire place à l’économie numérique
Je sais que le concept d’économie numérique est utilisé à bien des sauces parce qu’il est accrocheur. C’est une bonne idée, mais elle ne fait pas partie des solutions immédiates pour relever les défis économiques du jour.
Pourtant, l’économie numérique est déjà une réalité. Plus de 75 % des Canadiens – et 83 % des Québécois – utilisent Internet tous les jours. À l’échelle nationale, le taux de pénétration d’Internet chez les Canadiens de 18 à 34 ans atteint presque 100 %. On compte aussi plus de 24 millions d’abonnés à la téléphonie mobile au Canada, dont le quart sont des utilisateurs de téléphones intelligents.
Tous ces gens vivent à l’heure du numérique. Ils se servent d’Internet et de leur portable pour lire les nouvelles, communiquer avec leurs amis, faire leurs achats, visionner des vidéos, s’amuser avec des jeux en ligne, faire des recherches et trouver un emploi. Tout ce qui était autrefois strictement hors ligne se trouve maintenant en ligne. Ce vaste espace économique offre aux entreprises canadiennes des occasions formidables de se tailler une place et de rejoindre ainsi des millions de consommateurs potentiels, soit à l’échelle de la planète soit tout juste au coin de la rue.
Lorsqu’on songe aux fleurons de l’industrie aujourd’hui, il n’est pas étonnant que les géants de la technologie comme Oracle, Cisco, Apple – et bien sûr, Google – viennent immédiatement à l’esprit. Toutes ces entreprises ont su tirer profit de la puissance de l’ère du numérique et sont devenues des locomotives mondiales de croissance économique. Moins de 1 % de la population amé-ricaine vit à Silicon Valley, qui pourtant génère directement 5 % du PIB des États-Unis.
Que doivent faire les entreprises
À mon avis, il n’y a aucune raison pour que le Canada ne puisse participer à cet essor.
Les entreprises veulent investir ici. En plus de l’immense bassin d’utilisateurs de portables et d’Internet déjà existant, notre pays est stable, sa population, bien éduquée, et il jouit d’un accès privilégié au marché américain. Nous avons déjà démontré que de petites entreprises peuvent fort bien réussir à se créer une niche dans le secteur de la haute technologie. Ce qu’il faut maintenant, c’est que le secteur privé et le gouvernement reconnaissent les occasions qui se présentent à nous. Nos chefs d’entreprise doivent innover en ligne et inclure Internet et les technologies mobiles au cœur même de leurs stratégies et de leurs services. L’expérience consom-mateur devrait être la même, qu’elle soit en ligne ou hors ligne. Et pour y parvenir, les détaillants doivent faire place aux nouvelles solutions de commerce électronique, aux formats vidéo, aux achats en ligne et aux médias sociaux.
Et le gouvernement ?
Cependant, le gouvernement a un important rôle de soutien à jouer. L’infra-structure de l’économie numérique a besoin d’être renforcée par la suppression des obstacles physiques et de la réglementation, qui freinent l’innovation et son essor.
Si le gouvernement et le secteur privé collaboraient à la création de réseaux Internet à très haut débit, les consommateurs canadiens pourraient accéder à des applications et à des services Internet à haut débit de nouvelle génération. L’industrie canadienne pourrait ainsi avoir une longueur d’avance sur la concurrence quant à la conception et à la commercialisation de ces applications et services.
Au début de 2012, Google entreprendra le déploiement d’un réseau de fibre optique expérimental d’un gigaoctet à Kansas City, aux États-Unis. Le gouvernement canadien devrait suivre cette expérience attentivement pour l’utiliser comme modèle dans l’avenir.
En réduisant ou en modifiant le fardeau fiscal et réglementaire, le gouvernement aiderait à promouvoir une plus grande confiance à l’égard du marché numérique. Il faut résister aux pressions protectionnistes et à leur lot de nouvelles taxes et réglementations pour les fournisseurs de services Internet et les fournisseurs de vidéos en ligne comme Netflix. Cela ne ferait que nuire à l’innovation, à la concurrence et au choix du consommateur.
De plus, les gouvernements devraient mettre en œuvre une politique de premier plan pour appuyer les PME et les entreprises en démarrage. Nous devrions avoir pour objectif de faire du Canada l’endroit de premier choix pour l’implantation d’une entreprise, avec le concours d’investissements et de talents venant des États-Unis ou de l’étranger. Et nous devrions imiter l’écosystème de démarrage d’entreprises que l’on retrouve à Silicon Valley, en investissant dans l’industrie du capital de risque. Le gouvernement n’a pas à offrir le capital de risque lui-même, mais il pourrait explorer la possibilité de devenir un membre associé dans certains fonds afin d’aider à créer un momentum, comme l’a fait le gouvernement du Québec avec Teralys Capital et Real Ventures au cours des dernières années.
Enfin, une nouvelle catégorie de visas pour les industries de démarrage aiderait à attirer les meilleurs cerveaux de la planète.
À ce jour, un entrepreneur doit investir 300 000 dollars de ses ressources personnelles, et les formalités d’immigration sont beaucoup trop lentes.
Un entrepreneur de Hong Kong, par exemple, doit prévoir un délai qui peut durer jusqu’à sept ans avant que sa demande de visa ne soit traitée. Nous pouvons sûrement faire mieux.
Ces objectifs sont impressionnants, et le temps presse, car le train n’est plus en gare. Il est déjà en marche. La technologie se développe à un rythme incroyable, et à maints égards, cela représente un jalon quasi mythique dans l’histoire d’Internet – le moment où la connectivité croissante et l’accès aux outils en ligne permettent à chacun de devenir un chef de file mondial dans son domaine.
La prospérité et les emplois qui stimuleront l’économie mondiale au cours de la prochaine décennie sont créés en ce moment, quelque part dans le monde, par des entrepreneurs du numérique. Pourquoi pas par nous ? Nous avons tous les atouts.