La Chine a présenté cette semaine la dévaluation du yuan comme un progrès vers sa libre convertibilité, mais Pékin devra encore s'atteler à de nouvelles réformes pour convaincre, selon des analystes.
En abaissant brusquement le cours de référence du yuan par rapport au dollar, Pékin a fait souffler un vent de panique sur les marchés financiers, qui ont tous chuté de concert.
De fait, la dépréciation (-5% en trois jours face au dollar) a été largement regardée comme un effort de la Chine de revigorer ses exportations (après un plongeon de 8,3% sur un an en juillet) et de stimuler une activité économique en plein ralentissement.
Mais à en croire les explications des autorités, il s'agissait de réformer le mécanisme du marché des changes local pour rapprocher le cours du yuan de sa valeur "réelle" sur le marché... une étape cruciale vers la libre convertibilité de la monnaie.
Le taux-pivot autour duquel le yuan est autorisé à fluctuer (au sein d'une fourchette quotidienne de 2% de part et d'autre) sera désormais déterminé par la banque centrale en fonction de la clôture de la veille, de la demande, et des cours des grandes devises mondiales, a assuré l'institution.
Auparavant, la PBOC ne semblait guère tenir compte des échanges réels pour fixer ce taux-pivot: un système volontiers taxé d'opacité, et qui permettait à Pékin de jouer à sa guise avec le taux de change.
Ces quatre derniers mois, le yuan était resté imperturbablement stable face au dollar en dépit de vives pressions à la baisse, sur fond de conjoncture chinoise morose.
D'autres réformes nécessaires
A cet égard, l'annonce de ce nouveau mécanisme a été généralement saluée par les experts et analystes comme une amélioration, mais beaucoup estimaient que d'autres réformes étaient nécessaires de façon urgente pour soutenir durablement l'économie chinoise:
«Réduire la surévaluation du yuan est un changement bienvenu. Cela élimine une entrave que le pays s'infligeait inutilement», observe Shang-Jin Wei, un économiste de la Banque asiatique de développement (ADB).
La dépréciation apportera notamment une bouffée d'oxygène bienvenue aux entreprises exportatrices.
«Cela va accroître nos ventes, car on va obtenir (de la part de clients étrangers) des commandes que l'on ne pouvait pas décrocher auparavant», se réjouissait ainsi He Zhanyong, patron du fabricant de pièces mécaniques Henry Parts à Ningbo (est).
C'est une évolution «très importante», abondait Liu Ligang, analyste de la banque ANZ.
Si la PBOC s'y était décidée plus tôt, «l'impact positif (sur l'économie) aurait été plus évident», a-t-il cependant indiqué à l'AFP.
Dans tous les cas, d'autres réformes --concernant la libéralisation des flux de capitaux, celle des taux d'intérêts et l'assouplissement des restrictions sur les produits financiers-- sont nécessaires, selon M. Liu.
Faire d'une pierre deux coups
La Chine est actuellement candidate pour rejoindre le panier des monnaies de réserve du Fonds monétaire international (FMI), mais l'institution internationale souhaite plus de réformes de la Chine avant de lui accorder un tel statut.
Pékin veut «faire d'une pierre deux coups: avec la dépréciation, il relâche de la pression pour aider la croissance économique et en même temps, il répond à l'exigence du FMI de laisser le yuan fluctuer par rapport au marché», a estimé Zhang Ning, un économiste de Hong Kong chez UBS, interrogé par l'AFP.
La dévaluation pourrait toutefois déclencher une «guerre des monnaies» car elles accentue la pression sur les voisins de la Chine et d'autres pays émergents pour qu'ils dévaluent à leur tour afin de soutenir leurs exportations.
«Dans une certaine mesure, la Banque centrale chinoise a servi d'ancrage dans la région et le mouvement (de la PBOC) permet maintenant à d'autres monnaies de s'affaiblir davantage», a indiqué la Societé Générale dans un rapport.
Mais une dévaluation désordonnée pourrait contrecarrer les ambitions de Pékin de jouer un plus grand rôle dans la finance mondiale, récemment soulignées par la création de deux nouvelles banques multilatérales pour l'Asie et les pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud).
Des responsables de la Banque centrale chinoise ont démenti que leur intention était de mener une guerre des devises, mais ont été plus évasifs sur un calendrier de nouvelles réformes pour le yuan.
Par ailleurs, les autorités ont annoncé vendredi qu'elles ne retireraient pas leur soutien aux Bourses "pendant des années" , après avoir réalisé sur les marchés financiers des achats massifs d'actions à la suite de leur récente dégringolade. Sur ce terrain là aussi, Pékin entend garder le contrôle.