L'aggravation de la crise de la zone euro pourrait avoir des conséquences "dévastatrices" pour l'économie mondiale, a averti lundi l'OCDE, sans doucher les espoirs des marchés soudain euphoriques, sur fond de tractations franco-allemandes sur la gouvernance européenne.
L'Organisation de coopération et de développement économiques a publié des prévisions drastiquement révisées à la baisse. La zone euro est, selon elle, déjà entrée dans une "légère récession", qui concerne particulièrement ses trois premières économies (Allemagne, France et Italie), et sa croissance devrait quasiment stagner l'an prochain.
Surtout, une dégradation, probable, de la situation aurait des résultats "très dévastateurs", plongeant aussi dans la récession Etats-Unis et Japon.
Pas de quoi rassurer le président américain Barack Obama, qui devait recevoir dans la journée les dirigeants de l'Union européenne Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso pour un sommet largement consacré à la crise.
L'OCDE s'invite aussi dans le débat européen en appelant la Banque centrale européenne (BCE) à "agir maintenant" pour endiguer la propagation de la crise -- alors que Berlin refuse une telle solution, au grand dam de Paris.
L'agence de notation Moody's a aussi prévenu qu'une aggravation rapide de la crise menacerait les notes de tous les pays européens, même les plus solides.
Malgré ces mauvaises nouvelles, les places financières européennes s'envolaient, portées par toutes sortes de rumeurs ou d'espoirs sur des solutions à la crise. Les principales bourses gagnaient autour de 5% vers 10H30 GMT, tandis que Wall Street a aussi démarré en forte hausse.
Les investisseurs tablaient sur un assouplissement de la position allemande sur le rôle de la BCE, face à la gravité de la situation, mais aussi sur une aide internationale imminente à l'Italie, pourtant démentie.
Rome a encore vu s'envoler lundi à des niveaux difficilement soutenables, lors d'une émission d'obligations de faible ampleur, les taux d'intérêt qu'elle doit verser pour emprunter. Or, "s'il y a un problème italien, c'est le coeur de la zone euro qui est atteint", prévient la présidence française.
Les Italiens étaient d'ailleurs appelés lundi à acheter la dette de leur pays durant une "journée des bons du Trésor" pour redonner "confiance" aux marchés.
Selon la presse italienne, le nouveau gouvernement de Mario Monti négocierait une aide de 400 à 600 milliards d'euros avec le Fonds monétaire international (FMI), avec une participation éventuelle de la BCE. Cela devrait lui laisser douze à dix-huit mois pour mettre en oeuvre sa cure d'austérité sans subir la pression des marchés.
"Il n'y a pas de discussions avec les autorités italiennes sur un programme de financement du FMI", a démenti l'institution de Washington, relayée par Bruxelles, ce qui n'a pas refroidi les investisseurs.
Alors que la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy doivent présenter avant le sommet européen des 8 et 9 décembre des propositions pour réformer les traités de l'Union européenne, les médias bruissent aussi de rumeurs sur leurs projets.
Le journal allemand Welt am Sonntag évoquait dimanche un nouveau pacte de stabilité réservé à quelques pays de la zone euro.
Paris et Berlin n'ont pas clairement précisé leurs intentions. L'Allemagne parle de sa volonté de "transformer la zone euro en une union de la stabilité", selon l'expression de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble.
Côté français, le gouvernement a confirmé qu'un "pacte" était à l'étude, mais avec les dix-sept Etats de la zone euro, "pour une nouvelle gouvernance" avec de "vraies sanctions".
La clé serait un durcissement de la discipline budgétaire. La Commission européenne pourrait être dotée de "moyens plus intrusifs" pour "surveiller" les mauvais élèves", ajoute-t-on à Paris.
Officiellement, la révision "limitée" des traités proposée par le couple franco-allemand, éventuellement élargi à l'Italie, doit concerner l'ensemble de l'UE. "S'il y a des pays parmi les 27 qui font des difficultés", comme par exemple le Royaume-Uni souvent réticent à une intégration accrue, "on passe alors aux seuls 17 Etats de la zone euro", explique un diplomate européen.
Mais là aussi, "si un ou deux pays de l'Union monétaire ne veulent pas participer, on ne se laissera pas retenir par eux", prévient-il.
Selon une source européenne, "il faut savoir si c'est purement tactique afin de mettre la pression sur tous les pays de l'UE".
"Le but c'est de préserver l'unité de la zone euro", a toutefois mis en garde lundi la Commission européenne, rejetant toute option qui aboutirait à "fragmenter" l'Union monétaire. Même avertissement de la part du chef de file des ministres des Finances de la zone euro Jean-Claude Juncker: "Il n'est pas bon de diviser artificiellement l'UE en deux groupes", a-t-il estimé.