Les banques canadiennes n'ont pas l'habitude de démarrer une année boursière à l'encre rouge. C'est arrivé seulement huit fois en 30 ans.
Leur recul de 3 % depuis le début de l'année est non seulement inférieur à la hausse de 2,6 % du S&P/TSX, mais il se classe au cinquième rang des pires débuts d'année depuis 1986, indique la Financière Banque Nationale.
La Banque BMO (BMO, 76,44 $) a perdu 7,6 %, et que dire de la chute de 14,5 % de la Canadian Western Bank (CWB, 28,28 $).
Les titres des six grandes banques ont même décliné de 1,7 % lors de la dernière semaine de mai, bien qu'elles aient globalement dévoilé une croissance des bénéfices de 3 % supérieure aux prévisions, au deuxième trimestre.
C'est dire à quel point les investisseurs déchantent concernant les perspectives de croissance de cette industrie clé, qui compte pour le cinquième de la valeur du S&P/TSX. John Aiken, de Barclays, ne recommande d'ailleurs aucune banque. Il leur préfère les assureurs-vie, Power Corp. (POW, 32,73 $) et le gestionnaire de fonds CI Financial (CIX, 35 $).
La croissance des revenus des activités traditionnelles de dépôts et de prêts ralentit, tandis que les faibles taux gardent les marges d'intérêt - la principale source de bénéfices des banques - à des niveaux modestes.
D'ailleurs, les analystes ont peu touché à leurs prévisions ou à leurs cours cibles après le dévoilement de meilleurs résultats que prévu. Les bons résultats proviennent surtout d'une hausse inattendue des activités de négociation dans les marchés, des honoraires associés aux financements ou aux transactions d'entreprises et des frais prélevés pour la gestion de patrimoine.
Les financiers n'accordent pas autant de valeur à ces revenus parce qu'ils sont imprévisibles. «Le guichet unique des banques est résilient, mais les activités liées aux marchés des capitaux ne sont pas un pilier solide pour soutenir les espoirs de croissance du secteur», évoque Robert Sedran, de Marchés mondiaux CIBC.
Pour l'instant, la chute du pétrole et la contraction de 0,7 % de l'économie au premier trimestre n'ont pas encore fait grimper les provisions pour pertes sur prêts, un indicateur que les analystes surveillent de près. Puisqu'une expansion du multiple d'évaluation est peu probable, la performance des banques repose sur la croissance modeste de 3 à 5 % des bénéfices prévue pour 2015 et 2016, à laquelle on ajoute le rendement du dividende moyen de 4,1 % et le potentiel de meilleurs dividendes. Au mieux, c'est donc un rendement total de 7 à 9 % auquel l'investisseur peut s'attendre, et ce, si l'économie canadienne et le marché résidentiel tiennent bon.
L'évaluation actuelle des banques, de 11,9 fois les bénéfices prévus en 2016, est inférieure à la moyenne de 12,7 fois, depuis 17 ans. Ce multiple se rapproche du ratio de 11 fois les bénéfices qui a servi de point d'appui dans le passé, rappelle Kevin Choquette, de Credit Suisse.
TD et Royale, les préférées
La Banque TD (TD, 54,52 $) récolte le plus de recommandations d'achat parce que ses importantes activités américaines devraient bénéficier de la hausse graduelle des taux dans ce pays, où l'économie est moins soumise aux prix des ressources. La banque se restructure pour réduire ses coûts des deux côtés de la frontière d'ici 2017, notamment en fermant des succursales. «Nous avons confiance [dans le fait] que la banque protégera ses promesses de croissance annuelle de 7 à 10 % de ses bénéfices», indique Peter Routledge, de la Financière Banque Nationale.
En période d'incertitude, les analystes se tournent aussi vers la plus grande banque en matière d'actifs, la Banque Royale (RY, 79,46 $). Sa force de frappe et la diversité de ses services devraient lui donner plus de levier pour faire progresser ses revenus et en tirer de meilleurs bénéfices que les institutions équivalentes, dit Mario Mendonca, de Valeurs mobilières TD. La banque renforce aussi depuis longtemps sa gestion de patrimoine, en prévision du ralentissement des prêts.
«Un solide volume de prêts, des marges stables, un levier de rentabilité de 1 à 2 % devraient générer une croissance de 6 à 7 % de ses bénéfices en 2015, supérieure à celle de ses rivales», résume M. Mendonca.