TORONTO- En pleine tourmente en raison de paiements inexpliqués et d'allégations de corruption au sein de l'entreprise, le conseil d'administration de SNC-Lavalin rencontre ce matin les actionnaires.
L'assemblée annuelle de l'entreprise est présentement en cours à Toronto. Elle débutait à 11h.
Les actionnaires doivent notamment se prononcer sur une liste de 11 administrateurs, dont 10 étaient déjà en place en 2011.
Deux départs sont à signaler: ceux de Pierre Duhaime, ancien chef de direction de l'entreprise, qui a été remercié il y a quelques semaines à la suite de l'affaire des 56 M$ en paiements inexpliqués. Le sénateur Hugh D. Segal, qui a été le chef de cabinet de Brian Mulroney, ne revient pas non plus.
Un nouveau venu est sur la liste soumise par le conseil: Eric D. Siegel, ancien grand patron d'Exportation et Développement Canada (EDC) et actuellement administrateur de Citibank Canada.
Les autres administrateurs qui sollicitent un nouveau mandat sont: Ian Bourne, un ancien vice président de TransAlta et actuellement chef de la direction par intérim; David Goldman, un membre du comité consultatif de Livia Industrial; Patricia A. Hammick, administratrice de Consol Energy et ancienne administratrice de Dynegy; Pierre H. Lessard, ancien grand patron et président actuel du conseil de Metro, Edythe (Dee) A. Marcoux, administratrice de Sherritt International; Lorna R. Marsden, présidente émérite de l'Université York de Toronto; Claude Mongeau, chef de direction du CN; Gwyn Morgan, président actuel du conseil et ancien grand patron d'EnCana; Michael D. Parker, ancien patron de Dow Chemical; et Lawrence N. Stevenson, associé-directeur de Callisto Capital et ancien chef de la direction de Pep Boys.
Les observateurs ne s'attendent pas à une contestation des candidatures des administrateurs, alors que plusieurs investisseurs institutionnels semblent redouter que plus de vagues ne viennent ébranler la confiance du marché envers SNC.
Il pourrait cependant y avoir un peu plus de remous du côté de l'approbation du programme de rémunération de la direction, qui doit faire l'objet d'un vote consultatif.
La Caisse de dépôt et placement a notamment écrit au président du conseil de SNC-Lavalin, lundi, en indiquant qu'elle votait en faveur du programme de rémunération, mais en disant éprouver un malaise. "Nos questionnements par rapport à la résolution sur la rémunération ne portent donc pas principalement sur le programme de rémunération, mais plutôt sur les montants consentis à des membres de la haute direction alors que des enquêtes et des procédures juridiques sont toujours en cours", écrit la première vice-présidente Affaires juridiques, Marie Giguère.
Les remontrances de l'institution surviennent alors qu'une indemnité de départ de 4,9 M$ a été consentie à l'ancien grand patron de SNC, Pierre Duhaime. Monsieur Duhaime était informé et a autorisé des paiements de 56 M$ dont la société est aujourd'hui incapable d'expliquer la finalité et la destination. Le conseil de SNC a indiqué que monsieur Duhaime avait collaboré à l'enquête, mais n'a pas voulu en dire davantage sur son témoignage.
Le chef de la direction financière de l'entreprise, Gilles Laramée, a aussi reçu une rémunération de plus de 1,7 M$ en 2011. Monsieur Laramée a refusé d'entériner un paiement de 33,5 M$ en décembre 2011. Il avait signalé à monsieur Duhaime une irrégularité sur un paiement de 22,5 M$ en 2009, et est montré du doigt par certains pour ne pas s'être assuré que le conseil d'administration en soit informé.
La Caisse n'identifie cependant pas les rémunérations des dirigeants qui lui posent problème.
Il y a quelques semaines, SNC a remercié le vice-président Riadh Ben Aïssa, par qui ont notamment transité les 56 M$ de paiements inexpliqués. Il est maintenant détenu par les autorités suisses et soupçonné de corruption, escroquerie et blanchiment d'argent.
Radio-Canada révélait mercredi qu'au mois de décembre, des employés de SNC avaient envoyé une lettre anonyme au conseil lui indiquant que « Riadh Ben Aïssa avait organisé plus de 300 millions de dollars de paiements à des sociétés-écrans qui agissaient comme intermédiaires entre SNC-Lavalin et le régime de Khadafi en Lybie. »
La lettre allèguait aussi que Riadh Ben Aïssa se prenait une commission au passage lors de ses projets libyens, mais aussi dans des projets internationaux ailleurs en Afrique du Nord « qui sont devenus des véhicules pour la corruption. »
Il n'est pas clair si le conseil d'administration a reçu cette lettre, et si oui, s'il a immédiatement réagi aux allégations.
Un communiqué au sujet du déclenchement de l'enquête indique: "En décembre 2011 et janvier 2012, des renseignements ont été obtenus dans le cadre d'un examen comptable et de nombreuses réunions internes, tenues par certains membres de la haute direction, qui avaient trait à deux contrats d'agence documentés à l'égard de projets de construction auxquels ils ne semblaient pas se rapporter. Le président du conseil d'administration en a été informé le 19 janvier 2012, a demandé des renseignements complémentaires et a été informé à nouveau le 3 février 2012, date à laquelle il a été demandé à Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l. d'agir comme conseillers juridiques indépendants".