Le Québec va connaître une croissance économique «modérée» en 2011 et en 2012, de respectivement de 2,2 et 2,3%. Ce sera nettement inférieur à l’ensemble du Canada (avec 2,8 et 2,7%), selon les analystes de Desjardins Études économiques.
Pourquoi faut-il s’attendre à une performance aussi modeste? Une des raisons est que les efforts des gouvernements provincial et fédéral pour retrouver l’équilibre budgétaire viendront tempérer l’élan que connaissent généralement les économies après une grave récession, d’après l’équipe dirigée par François Dupuis, vice-président et économiste en chef.
De fait, la dernière récession a épargné en grande partie le Québec. En 2009, la chute du PIB mondial a été de 0,9% alors qu’aux États-Unis et au Canada les baisses respectives atteignaient 2,6% et 2,5%. Aux fins de comparaison, le recul n’a été que de 0,3% au Québec. «Reproduire une telle performance lors de la phase d’expansion relèverait de l’exploit. Le besoin de rattrapage étant moins considérable, il sera alors plus difficile de connaître une croissance rapide, à l’image du reste du Canada et des Etats-Unis», est-il indiqué dans les Prévisions économiques et financières de Desjardins.
En fait, la baisse de régime de l’économie devrait venir essentiellement de trois facteurs. D’abord, un ralentissement du marché immobilier résidentiel est attendu, «après une année d’activité très intense». Ensuite, les consommateurs devraient se montrer un peu plus frileux qu’auparavant. Enfin, le huard fort devrait continuer de grever les exportations québécoises à l’étranger.
Un cruel manque de confiance des consommateurs
Avec des dépenses en construction résidentielle en baisse de 0,4%, le secteur de l’habitation est probablement celui qui connaîtra la performance la plus décevante en 2011. Le marché de la revente a connu une année exceptionnelle en 2010, mais la situation devrait peu à peu revenir à la normale. «La hausse des prix se poursuit, mais les augmentations annuelles s’atténuent», estiment les experts de Desjardins.
À noter que les nouvelles règles d’accessibilité émises par le ministère des Finances du Canada pourraient contribuer à ralentir quelque peu le secteur immobilier au Québec, selon Desjardins. Parmi ces règles, celle qui réduit de 35 ans à 30 ans la période maximale d’amortissement d’un nouveau prêt hypothécaire assuré et garanti par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) aura probablement le plus d’impact. La hausse attendue des taux d’intérêt au cours des prochains mois diminuera aussi l’abordabilité et refroidira la demande. Ces facteurs restrictifs sur le marché de l’habitation devraient abaisser le nombre de mises en chantier de 51 400 en 2010 à 46 000 en 2011. Et celles-ci continueront à diminuer graduellement par la suite.
La croissance des dépenses de consommation est vouée, elle aussi, à perdre de la force en 2011. C’est qu’à plusieurs égards 2010 a été une année de rattrapage, et la consommation n’a pas fait exception ; la progression des ventes au détail en a fait foi, avec une croissance de 5,6% en 2010. En 2011, l’emploi poursuivra sa remontée, mais à un rythme inférieur à 2010 : l’évolution des dépenses des consommateurs devrait suivre la même tendance. «De plus, la population devra composer avec des hausses de tarifs et de taxes en 2011 qui puiseront plus de 2 milliards de dollars dans ses goussets».
«À cela s’ajoute la vraisemblable hausse des prix de l’essence, qui viendra gruger une partie des sommes destinées à la consommation et qui risque de retarder le moment où la confiance des ménages remontera», indique le rapport.
L’impact d’un huard fort
La force de la monnaie canadienne aura aussi des effets indésirables sur l’économie du Québec, et les exportateurs en seront les premières victimes. En effet, malgré la reprise économique enclenchée l’en dernier à l’échelle mondiale, les expéditions québécoises de biens à l’étranger tardent à se redresser, «et il ne sera pas facile de renverser la vapeur». Encore dernièrement, la baisse de la composante «importations» de l’indice ISM américain augurait mal pour une relance rapide des exportations.
Un exemple frappant : le secteur aéronautique. Il est actuellement au creux de son cycle parce qu’il est en décalage par rapport au reste de l’économie. Il a été l’un des derniers à avoir été touchés par la récession ; du coup, il est dans le peloton de queue quant à la reprise. «Même si l’année 2011 s’annonce moins difficile que l’an dernier, il faudra attendre 2012 avant de vraiment sentir une vitalité renouvelée dans ce secteur», prévoient les analystes de Desjardins.
De manière générale, le retard accumulé sur le plan de la productivité par rapport à notre principal partenaire commercial international a frappé de plein fouet lorsque le huard a pris son envol en faisant, par exemple, exploser les coûts unitaires de main-d’œuvre en devise américaine. En 2010, la part des exportations internationales destinée aux États-Unis est ainsi tombée à 68%, alors qu’elle avoisinait les 85% au début de la décennie.
«La dynamique de notre secteur extérieur ne repose donc plus uniquement sur notre lien commercial avec l’oncle Sam». En fait, le tiers de notre déficit commercial international est maintenant attribuable à la Chine, et il s’agit d’une tendance lourde. «Les pays émergents grugent une part de plus en plus importante de nos marchés d’exportation, tout en venant affronter nos propres entreprises sur le marché local», soulignent-ils.