Le dollar américain a enregistré une baisse marquée et généralisée au cours des dernières semaines, à tel point que le huard a frôlé la parité avec lui ces derniers jours.
Comment expliquer un tel phénomène? En grande partie par le biais «dovish» de la Réserve fédérale, c’est-à-dire par sa volonté supposée de réduire le niveau de ses taux d’intérêt afin de doper la croissance économique des Etats-Unis. «La probabilité croissante que la Fed aille de l’avant avec une nouvelle ronde d’assouplissement quantitatif est la principale explication de ce mouvement baissier», dit François Dupuis, vice-président et économiste en chef, de Desjardins Études économiques.
Un autre élément qui peut expliquer la faiblesse du billet vert est la diminution des tensions financières – l’indice de volatilité Vix ne cesse de se contracter depuis cet été pour atteindre un de ses niveaux les moins élévés depuis 2009. À cela s’ajoute le nombre moins élevé de mauvaises surprises provenant des statistiques économiques – l’indice Citigroup des surprises économiques avoisine aujourd’hui le zéro, ce qui signifie qu’il y a autant de bonnes que de mauvaises nouvelles économiques en ce moment chez nos voisins du Sud.
Du coup, les nouvelles statistiques concordent de plus en plus avec les prévisions des analystes et, par ricochet, déçoivent moins souvent les marchés boursiers. Les investisseurs se montrent ainsi plus tolérants au risque, «ce qui tend à défavoriser la devise américaine», selon Hendrix Vachon, économiste sénior, de Desjardins Études économiques.
L’euro tire son épingle du jeu
L’euro, «qui semblait presque condamné à disparaître il y a quelques mois», figure parmi les devises ayant le plus bénéficié de la faiblesse du billet vert. Peu de mauvaises nouvelles économiques ont été publiées en zone euro depuis le début de l’été, et les craintes associées à la qualité des dettes souveraines ainsi qu’à la fragilité de certaines banques sont passées au second rang.
«Cela pourrait changer au cours des prochains mois, mais, pour l’instant, les marchés notent surtout la différence entre le discours de la Fed et celui de la Banque centrale européenne. Cette dernière n’a aucunement ouvert la porte pour accroître son degré d’interventionnisme», estime M. Dupuis.
Le recul du billet vert par rapport à la livre sterling a été moins prononcé, car la Banque d’Angleterre semble, tout comme la Fed, encline à d’autres mesures quantitatives. La dépréciation du dollar américain contre le yen a été limitée en septembre par une intervention des autorités nipponnes sur le marché des changes. La Banque du Japon a, par ailleurs, annoncé de nouvelles mesures quantitatives au début du mois d’octobre.
De leur côté, les devises liées aux matières premières comme le dollar canadien et le dollar australien profitent de la récente remontée des cours des ressources et du plus grand optimisme qui règne sur les marchés. L’aussie bénéficie également de taux d’intérêt élevés. En raison de la bonne performance de l’économie australienne, la Banque de réserve d’Australie songe d’ailleurs à relever de nouveau son taux d’intérêt directeur.
Des attentes trop élevées à l’égard de la Fed ?
La plupart des analystes américains anticipent que la Fed annoncera de nouvelles mesures d’assouplissement lors de sa prochaine rencontre de politique monétaire, le 3 novembre. Son bilan pourrait ainsi augmenter de plusieurs centaines de milliards de dollars au cours des prochains mois.
«A priori, on pourrait penser qu’il faudrait que la situation économique dérape dangereusement pour que la Fed annonce de nouvelles mesures. Un passage des indices ISM sous la barre de 50 ou une contraction durable de l’emploi seraient, par exemple, des sources d’inquiétude sans doute suffisantes pour justifier une intervention. Cependant, la Fed semble prête à agir beaucoup plus rapidement», avance M. Dupuis.
Dans son communiqué du 21 septembre, la Fed s’est en effet de nouveau montrée préoccupée par la «faiblesse» de la croissance économique américaine, et a ajouté que l’inflation se situait sous les niveaux compatibles avec son double mandat de stabilité des prix et de plein emploi. Aux risques économiques qui étaient déjà bien présents dans ses communications précédentes, elle a donc ajouté un risque concernant l’évolution de l’inflation et a ouvert plus directement la porte à d’autres mesures expansionnistes.
Dans le compte rendu de la dernière rencontre de la Fed, on a appris que l’achat d’obligations du gouvernement américain demeurait l’outil privilégié. La valeur du dollar américain s’en trouve affectée pour différentes raisons…
D’une part, un peu comme lorsqu’une banque centrale abaisse son taux d’intérêt directeur, cela réduit l’attrait de sa devise. Une offre plus abondante de monnaie, qui sous-tend des taux d’intérêt bas pendant une période prolongée, réduit la valeur relative d’une devise par rapport aux autres. D’autre part, les interventions de type quantitatif, qui visent à accroître l’offre de monnaie, peuvent avoir un impact sur la confiance des investisseurs envers une devise. Certains peuvent même y voir un risque de dérapage à plus long terme qui se traduirait par une inflation beaucoup trop élevée et, par ricochet, par une perte de pouvoir d’achat de la monnaie.
À quoi donc s’attendre de la part de la Fed? «La Fed pourrait débuter par l’achat d’une petite quantité de titres, tout en gardant la porte ouverte à une hausse de sa cible lors des réunions suivantes. Cette approche prudente pourrait limiter la dépréciation du billet vert et même le faire se réapprécier», considère M. Dupuis.
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