Les signes se multiplient quant à une prochaine poussée inflationniste, un peu partout dans le monde. Et la crainte qui va avec, c’est que les autorités monétaires ne soient pas vraiment en mesure de les contrer…
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Ainsi, nombre de marchés révisent à la hausse leurs anticipations de taux d’intérêt, ce qui n’est pas sans effet sur les taux de change. Les devises de plusieurs pays émergents sont d’ailleurs en forte progression depuis quelques mois, notamment le réal brésilien, le rouble russe, le yuan chinois et le peso mexicain. C’est dans ces pays que les pressions inflationnistes sont les plus perceptibles et que plusieurs banques centrales ont déjà amorcé leur resserrement monétaire. Le fait que les investisseurs retournent progressivement vers les titres plus à risque aide également les devises des pays émergents aux dépens du billet vert qui est surtout prisé en période de turbulence.
L’exemple frappant du Royaume-Uni
Dans les pays industrialisés, le facteur «inflation» touche, entre autres, le Royaume-Uni, dont la croissance annuelle des prix avoisine les 4%. La livre, qui s’échangeait à près de 1,55 dollars américains en début d’année, se maintient actuellement aux alentours de 1,60 dollars américains. En dépit d’une baisse du produit intérieur brut (PIB) réel britannique au quatrième trimestre, les investisseurs restent nombreux à croire que la Banque d’Angleterre (BoE) précipitera son resserrement monétaire.
L’euro est également stimulé par des anticipations similaires, alors que le taux d’inflation dans la zone monétaire commune dépasse la cible officielle de la Banque centrale européenne (BCE). L’euro a atteint un sommet de trois mois au début du mois de février, à plus de 1,38 dollars américains, dans l’attente d’un signal des autorités monétaires. «Rien dans le communiqué de la BCE et dans la conférence de presse de Jean-Claude Trichet du 3 février dernier n’a toutefois laissé paraître un réel changement de ton», précisent François Dupuis, vice-président et économiste en chef, et Hendrix Vachon, économiste sénior, de Desjardins Études économiques.
Comment expliquer les taux d’inflation élevés en Europe? Au Royaume-Uni, par exemple, les taxes à la consommation ont été fortement relevées, ce qui génère un choc temporaire à la hausse sur le taux d’inflation total. L’augmentation des prix de l’énergie et des aliments est un autre élément qui a fait progresser l’inflation totale.
Le hic, c’est que «les banques centrales peuvent difficilement contrer les pressions inflationnistes exogènes. Au plus, elles peuvent réagir, ou du moins se montrer prêtes à réagir, pour contrer un possible désancrage des anticipations inflationnistes à long terme et des ajustements salariaux à la hausse, ce que les données actuelles ne justifient pas», considèrent MM. Dupuis et Vachon.
Un calme relatif en Amérique du Nord
De son côté, la devise canadienne s’est montrée moins volatile que les devises européennes. Le huard a déjà bénéficié d’un début de resserrement monétaire, sans compter qu’il profite depuis plusieurs mois du cours élevé des matières premières. «Cela n’empêche pas la devise de réagir positivement aux nouvelles qui commandent une reprise des hausses de taux directeurs à la Banque du Canada; d’ailleurs, le resserrement monétaire devrait recommencer d’ici juillet prochain», estiment les deux experts.
Aux États-Unis, en raison notamment d’un taux d’inflation largement inférieur à 2%, les craintes inflationnistes sont encore peu perceptibles sur les anticipations de hausses de taux d’intérêt et sur la devise. «Pour l’instant, le ton des autorités monétaires américaines reste essentiellement inchangé, mais une accumulation de statistiques favorables pourrait changer la donne», avancent-ils, en ajoutant que devant l’amélioration de la conjoncture, le président de la Fed de Richmond, Jeffrey Lacker, a d’ailleurs récemment entrouvert la porte à une révision du programme d’achat de titres de 600 milliards de dollars américains.
La Chine particulièrement touchée
Pendant ce temps, l’inflation progresse à grands pas en Chine. Elle est ressortie en janvier à 4,9% sur douze mois, les pressions sur les prix continuant à s'accroître et devant pousser la banque centrale à poursuivre son resserrement monétaire. En décembre, elle avait été de 4,6%.
Yao Jingyuan, l’économiste en chef du Bureau national de la statistique, a déclaré que l'inflation allait rester élevée au cours du premier semestre de 2011, en particulier au premier trimestre, avant de refluer au cours de la deuxième partie de l'année pour toucher un point bas au dernier trimestre de l’année. Il a indiqué que ce relâchement attendu des pressions sur les prix résulterait des mesures anti-inflationnistes prises par le gouvernement chinois.