Les banques canadiennes ne causeront peut-être pas autant de surprises positives en matière de bénéfices qu'elles ne l'ont fait au cours des dernières années, mais elles restent un choix relativement attrayant pour les investisseurs en quête de dividendes solides et croissants.
Le secteur immobilier montre des signes d'essoufflement, les taux d'intérêt à long terme ont commencé à grimper, l'endettement des ménages a atteint un sommet historique en décembre. Hum... Pas trop bon, à première vue, pour les banques canadiennes et leurs actions en Bourse.
Mais attention. Si ces facteurs peuvent ralentir la croissance des bénéfices, les banques restent tout de même des machines à imprimer de l'argent. Malgré une progression moyenne de 18 % en 2013, les titres du secteur bancaire ont encore du carburant dans le réservoir et devraient continuer de progresser en 2014, croient des analystes.
Pourquoi ? En partie à cause de leur alléchant rendement du dividende, qui varie de 3,47 % à 4,44 % selon les institutions. Cela constitue un puissant aimant pour les investisseurs et les gestionnaires de fonds communs de placement.
«C'est l'histoire qui se déroule depuis la crise financière de 2009», affirme Luc R. Fournier, gestionnaire de portefeuille d'actions canadiennes à l'Industrielle Alliance. «Les taux d'intérêt ont baissé et les investisseurs recherchent tout ce qui peut fournir du rendement. Le secteur bancaire bénéficie donc de cet attrait-là. La majeure partie de l'argent qui a été investi dans les fonds d'actions ces dernières années l'a été dans des fonds de dividendes. Les gestionnaires n'ont donc pas le choix : ils doivent acheter des titres qui en procurent, et ceux des banques en ont bénéficié largement.»
Michael Goldberg, analyste du secteur bancaire chez Desjardins Marché des capitaux, croit que cette tendance se poursuivra en 2014. «L'afflux de capitaux des investisseurs constitue le catalyseur pour que les titres financiers continuent de progresser», écrit-il dans une récente recherche. «Au moment où le rendement des obligations augmente et que leur prix recule [NDLR : une hausse des taux d'intérêt conduit à une baisse de valeur des obligations], nous nous attendons à ce que les investisseurs se tournent davantage vers les actions, particulièrement les titres offrant un rendement attrayant et une croissance probable des dividendes comme les banques canadiennes.»
Peter Routledge, analyste à la Financière Banque Nationale, John Reucassel, de BMO Marchés des capitaux, et Michael Goldberg, de Desjardins, entrevoient que tous les titres des six grandes banques canadiennes, de même que ceux de la Laurentienne et de la Canadian Western Bank, augmenteront au cours de l'année 2014.
Évaluation plus généreuse
Selon Michael Goldberg, l'afflux de capitaux vers les titres bancaires contribuera à une expansion de leur ratio cours/bénéfice actuels. Tandis qu'il n'était que de 10,7 fois les profits en moyenne en juin 2013, ce ratio s'est accru à 12,7 vers la fin de l'année dernière. L'analyste s'attend à ce que ce ratio atteigne 13,2 à la fin de 2014.
Ce qui contribuera à cette évaluation plus généreuse et, par ricochet, à l'augmentation de la valeur des actions, ce sont les hausses anticipées des dividendes pour la plupart d'entre elles, de même que la poursuite des programmes de rachats de titres, qui ont pour effet de faire grimper le bénéfice par action.
Malgré leur poussée des derniers mois, les titres bancaires continuent d'être attrayants, selon John Reucassel, de BMO. «Les banques demeurent des outils sous-estimés de rendement, propulsés par une croissance de 5 à 7 % de leurs bénéfices par action et de leurs dividendes au cours des prochaines années. Il faut y ajouter le rendement du dividende de 4 %, ce qui conduit à un rendement total de 10 à 12 %», écrit-il dans un rapport.
Et l'impact du ralentissement immobilier et de la hausse anticipée des taux d'intérêt ? Marginal, croit-on.
«Si les taux augmentent, c'est sûr que ce n'est pas positif. Mais ce ne sera pas une catastrophe», dit Luc R. Fournier. Les banques continueront d'afficher de bons bénéfices, «mais il n'y aura pas de grosse croissance». John Reucassel convient qu'une hausse des taux d'intérêt aura certains effets, notamment un ralentissement de la demande pour les prêts ainsi qu'une augmentation des provisions pour pertes sur prêt. Toutefois, une hausse des taux permet aux banques d'accroître leurs marges bénéficiaires. Par exemple, les acheteurs de maison auront davantage tendance à prendre des hypothèques à taux fixe plutôt qu'à taux variable, ce qui est plus rentable pour les institutions prêteuses.
Un endettement sous contrôle
L'endettement des ménages canadiens a atteint un sommet en décembre, à 163 %. Mais, note Peter Routledge, de la Financière Banque Nationale, cet endettement croît pratiquement au même taux que celui du revenu familial, ce qui est plus sain qu'auparavant. Au cours des deux prochaines années, il prévoit que les prêts aux particuliers et aux entreprises croîtront à un rythme annuel de seulement 1 % à 1,5 %, au lieu de 4 % à 5 % avant la crise financière. Malgré ce ralentissement, les banques ont, selon lui, une marge de manoeuvre pour diminuer leurs coûts, car elles ont dépensé beaucoup depuis 15 ans pour étendre leur réseau de distribution, développer leurs systèmes informatiques et se doter d'une image de marque.
Les activités bancaires traditionnelles au Canada génèrent 49 % des profits. Mais elles ne se déploient pas qu'ici. La Toronto-Dominion (TD) a maintenant un important réseau aux États-Unis, où la croissance économique s'annonce meilleure qu'elle ne l'est ici. La Banque Scotia est la plus diversifiée sur le plan géographique. Mais depuis quelques trimestres, sa performance déçoit l'analyste Peter Routledge. La Scotia est en outre plus exposée aux marchés émergents
Par ailleurs, depuis qu'elles ont acquis des fiducies et des firmes de courtage dans les années 1990, les banques tirent une bonne partie de leurs profits de leurs activités sur les marchés financiers et la gestion de patrimoine (voir autre texte en page i-4).
«La croissance a été phénoménale de ce côté-là», souligne François Têtu, vice-président et conseiller en placements chez Valeurs mobilières Desjardins. «Il y a quelques années, les banques n'avaient pas de produits maison en fonds communs. C'est tout le contraire maintenant, et ça génère beaucoup de revenus.»