C’était la pire baisse d’une journée pour les marchés américains. Le « Lundi noir » du 19 octobre 1987, le Dow Jones a effacé 22,6% de sa valeur en quelques heures. Malgré la gravité de la situation, il semblerait que la vie des investisseurs était meilleure «dans le bon vieux temps».
À cette époque, la baisse subite évoquait la Grande Dépression des années 1930. Le S&P/TSX à Toronto est dans un moins piteux état, mais perd tout de même 11%. La catastrophe est cependant évitée et les indices vont reprendre leur ascension jusqu’à la crise des sociétés technologiques au tournant des années 2000.
« Je m’en souviens bien, raconte Stephen Jarislowsky, président et fondateur de Jarislowsky Fraser. La Bourse montait de mois en mois, mais a terminé avec une variation nulle. Il n’y avait aucune raison pour expliquer cette panique. C’était émotionnel, ça ne reflétait pas la vraie valeur des marchés. »
Sylvain Ratelle, vice-président et stratège de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, a commencé sa carrière à peine quelque mois avant la crise, en mai 1987. « J’ai eu de la chance parce que je n’avais pas encore un grand actif sous gestion, se souvient M. Ratelle. J’ai pu vivre ce moment en direct, sans en être trop affecté. »
C’est une question technique davantage qu’une question économique qui a provoqué la débâcle, rappelle M. Ratelle. « Il y avait eu une mauvaise nouvelle le vendredi précédent, explique-t-il. Cela justifiait une baisse de 1% à 3%, mais pas une baisse de 22%. Les systèmes informatiques ont provoqué un mouvement de ventes à la chaîne.»
Nostalgie des bons vieux malheurs?
À 87 ans, M. Jarislowsky en a vu d’autres. Pourtant, il juge que notre environnement économique est le pire qu’il a rencontré dans sa carrière. « C’est même pire que durant la dépression des années 1930 », lance-t-il.
« L’immobilier canadien est surévalué de 20%, déplore-t-il. Les faibles taux d’intérêt rendent l’épargne impossible tandis qu’on perd de l’argent en investissant dans les obligations du gouvernement après l’inflation. De plus, on doit concurrencer la main-d’œuvre de la Chine. Cela aura un impact sur notre niveau de vie. »
M. Ratelle pense, lui aussi, que la comparaison avec 1987 est peu flatteuse pour l’économie de l’après-2008. « Nos difficultés sont plus importantes aujourd’hui, même si je ne crois pas qu’on perdra 22% comme ça, explique-t-il. Les difficultés de l’époque étaient techniques. Aujourd’hui, ce sont des problèmes structurels qui touchent l’Europe et les États-Unis. »
Des leçons
La crise de 1987 a tout de même eu des impacts sur l’économie contemporaine. « Les banques ont alors compris qu’elles devaient pomper de l’argent dans le système pour éviter la crise, constate Jean-Paul Giacometti, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Claret, qui a commencé sa carrière peu de temps après la crise. Les banques centrales avaient abaissé leur taux de 1 point de pourcentage. Dans le temps, c’était énorme. »
Les investisseurs doivent également tirer une leçon de cet épisode. « C’est dans les moments difficiles qu’il faut investir, mais personne ne veut le faire dans ce temps-là, même les institutionnels, constate M. Giacometti. C’était la même chose en 1987, en 1993, en 2002 et en 2008. »