La première banque américaine en termes d'actifs, JPMorgan Chase, a annoncé jeudi qu'elle avait enregistré sur les six dernières semaines une perte de 2 G$ US dans le courtage, qui pourrait encore grossir à cause de positions risquées de dérivés de crédit.
L'action plonge de 8% à 37,36 $ US à l'ouverture de la Bourse à New York, vers 9h35.
Lors d'une conférence téléphonique surprise, le PDG Jamie Dimon a évoqué des pertes liées à des "contentieux d'environ 200 M$ US" et des "pertes de courtage avant impôt de plus de 2 G$ US", compensées par "1 G$ US de gains sur les ventes de produits de couverture face à la dette".
Il a ajouté que le portefeuille d'actifs incriminé présentait encore "beaucoup de volatilité". "Nous allons le gérer au maximum" mais "il pourrait nous coûter jusqu'à ! G$ US ou plus" et "le risque va perdurer pendant plusieurs trimestres".
Le groupe a lancé une étude sur la façon dont ces pertes sont survenues, mais il y a eu "beaucoup d'erreurs, de manque de rigueur et de mauvais jugement", a commenté Jamie Dimon.
Cette perte est survenue parce que le groupe a voulu couvrir son exposition aux crédits, qui représente "le plus gros" risque pour le groupe financier, dont l'activité de coeur est d'émettre des prêts.
Pour cela il a acheté massivement des dérivés de crédit, des "credit default swap" (CDS), qui sont des sortes de contrats d'assurance destinés à se protéger d'un éventuel défaut de paiement d'une institution.
"En couvrant à nouveau ce portefeuille d'actifs, il y a eu une mauvaise stratégie, mal exécutée, elle est devenue plus complexe et a été mal suivie", a encore déploré M. Dimon.
Ainsi cette contre-performance serait liée au genre de produits dérivés complexes qui avaient été à l'origine de la crise financière de 2008, et visés par la "règle de Volcker", l'une des mesures phares de la réforme financière de 2010, et qui prévoyait de limiter les investissements dans les dérivés des banques.
M. Dimon s'est plusieurs fois opposé à la réforme financière et à tout durcissement de la réglementation bancaire.
"C'est malheureux, il va y avoir beaucoup de commentateurs" qui vont critiquer JPMorgan à ce sujet, "mais nous allons devoir vivre avec", s'est contenté de dire M. Dimon, interrogé à ce sujet.
Il a précisé que les opérations de courtage incriminées n'avaient pas "enfreint la règle de Volcker mais le principe de Dimon".
Le sénateur démocrate Carl Levin, co-auteur de la règle de Volcker dans la législation, a d'ailleurs aussitôt condamné "les pertes énormes de JP Morgan" qui sont pour lui "la dernière preuve en date que ce que les banques appellent 'une couverture de risque', c'est souvent des paris risqués que les banques d'ampleur systémiques n'ont pas à prendre".
M. Dimon a admis que ce problème avait été découvert à la suite d'un article du Wall Street Journal début avril décrivant l'étonnement de la place financière de Londres face aux positions très risquées et massives d'un courtier français de JPMorgan, Bruno Michel Iksil, dans les CDS.
Jamie Dimon avait peu après qualifié ces informations de "tempête dans un verre d'eau".
JPMorgan "espère que ce problème n'en sera plus un d'ici la fin de l'année" mais a insisté que cela dépendrait "des marchés et de nos positions".
M. Dimon a conclu en affirmant que la banque n'était "pas une activité dans laquelle on ne fait pas d'erreurs".
JPMorgan Chase avait publié le mois dernier des résultats nettement supérieurs aux attentes pour le premier trimestre, même si le bénéfice net de 5,38 G$ US avait affiché un recul de 3%. Le chiffre d'affaires avait progressé quant à lui de 6% à 26,71 G$ US.