La stratégie de rachat de bons du Trésor adoptée par la Réserve fédérale américaine est la cible de critiques aux États-Unis, où ses détracteurs mettent en garde contre ses répercussions sur l'inflation et les marchés financiers. Mais elle irrite également à l'étranger, où l'on redoute qu'elle n'avantage les exportations américaines et ne mettent en péril l'économie mondiale.
La décision de la Fed de racheter pour 600 milliards $ US d'emprunts d'État vise à faire baisser les taux d'intérêt, encourager les prêts et ainsi relancer l'économie américaine. Reste que la plupart des observateurs s'accordent sur le fait que la stratégie du président de la Banque centrale américaine, Ben Bernanke, comporte des risques: elle pourrait déclencher une guerre commerciale et encourager une spéculation dangereuse sur les marchés financiers.
À Séoul pour le sommet du G-20, le groupe des pays industrialisés et émergents, le président américain Barack Obama a défendu jeudi la politique de son pays, affirmant que la chose la plus importante que les États-Unis puissent faire pour l'économie mondiale était d'avoir de la croissance.
La Fed a décidé de faire tourner la planche à billet pour acheter en moyenne 75 milliards $ US de bons du Trésor par mois pendant huit mois. De nombreux économistes estiment que la Réserve fédérale n'avait pas beaucoup le choix alors que le taux de chômage stagne à près de 10 pour cent, que les taux d'intérêt à court terme sont déjà presque à zéro et que le Congrès refuse d'engager de nouvelles dépenses pour doper l'économie.
Les détracteurs de cette politique jugent toutefois peu probable qu'elle stimule la consommation intérieure. Ils soulignent que les taux d'intérêt immobiliers sont déjà à des niveaux historiquement bas aux États-Unis sans pour autant ranimer le marché du logement.
La Fed espère toutefois que des taux d'intérêt plus bas doperont les prix des actions, et inciteront ainsi leurs détenteurs à dépenser plus. Cette politique risque toutefois d'attiser des tensions dans le monde, en provoquant une dépréciation du dollar favorable aux exportations américaines tandis que les produits importés deviendront parallèlement plus chers aux États-Unis.
Des pays largement tournés vers l'exportation comme l'Allemagne et la Chine estiment que le principal objectif de la Fed est d'affaiblir le dollar pour donner un avantage concurrentiel aux exportateurs américains. Ils jugent cette politique hypocrite, Washington accusant depuis longtemps la Chine de maintenir le yuan à un niveau artificiellement bas pour favoriser ses exportations.
Maintenir des taux d'intérêt trop bas trop longtemps pourrait aussi créer de nouvelles bulles sur les marchés, avertissent des experts. Des pays émergents comme la Thaïlande et l'Indonésie craignent que les investisseurs ne se détournent de bons du Trésor peu rentables pour affluer sur leurs marchés en quête de rendements plus élevés. Ces pays pourraient alors devenir vulnérables à un krach si les investisseurs décidaient de se retirer pour placer leur argent ailleurs.
La bourse de New York est en hausse et le dollar en baisse depuis que M. Bernanke a déclaré en août que la Fed était prête à prendre de nouvelles mesures pour soutenir l'économie américaine: le Dow Jones a progressé de près de 14 pour cent et le billet vert a perdu plus de 7 pour cent face à l'euro et plus de 2 pour cent face au yen.
La Chine a annoncé cette semaine que son excédent commercial avec le reste du monde avait atteint en octobre son deuxième plus haut niveau de l'année. Un résultat qui devrait accentuer les pressions sur Pékin pour qu'il réévalue le yuan.