Les sociétés étatiques chinoises sont prêtes à prendre de plus grandes bouchées. C’est ce que démontre l’accord entre la pétrolière albertaine Nexen et le géant énergétique chinois CNOOC, selon deux experts consultés par LesAffaires.com.
Si Ottawa donne le feu vert à la transaction, CNOOC achètera Nexen pour un montant de 15,1 G$ US, ont annoncé les deux entreprises lundi. C’est la plus importante acquisition chinoise à l’étranger. PLUS: Le géant chinois CNOOC offre 15G$ pour Nexen
Le refrain est connu. Les sociétés chinoises s’intéressent aux sociétés liées aux ressources naturelles. La Chine veut ainsi sécuriser son approvisionnement afin d’assurer leur rapide essor économique.
L’acquisition de la totalité d’une société est cependant une démarche récente. Au Canada, CNOCC a acquis la totalité d’Opti pour un montant de 2,1 milliards, l’an dernier. L’automne dernier, Sinopec a jeté son dévolu sur Daylight Energy pour un montant de 2,2 milliards.
« Ce n’est pas un changement de stratégie, mais plutôt la progression de celle-ci », explique Lysle Brinker, directeur de la recherche du secteur énergétique chez IHS Herold en entrevue téléphonique à partir de son bureau dans l’État du Maine. « Maintenant qu’elles gagnent en expertise et en confiance, elles sont prêtes à relever de plus grands défis. »
« À long terme, leur plan a toujours été d’acheter des actifs à l'étanger dans le but d’être actionnaire minoritaire, ajoute M. Brinker. En plus des connaissances techniques, cette participation leur a permis de comprendre la culture politique du pays pour présenter des projets avec lesquels les Canadiens sont confortables.
Gordon Houlden, directeur du China Institute de l’Université de l’Alberta, constate que les sociétés étatiques chinoises ont peaufiné leurs connaissances de la culture politique au Canada. « Les Chinois ont beaucoup appris sur culture d’affaires au Canada », répond celui que le magazine d’affaires Alberta Venture a désigné comme l’une des 50 personnes les plus influentes de la province de l’Ouest. « Dans leur communiqué, on mentionne que l’entreprise conservera les emplois au Canada et qu’elle entend réaliser des partenariats avec les universités de l’Alberta», donne-t-il en exemple.
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L’une des questions en suspens reste de savoir si le gouvernement canadien donnera le feu vert à la transaction. Le souvenir de l’avortement de la tentative d’acquisition du producteur d’engrais Potash par l’australienne BHP Billiton en 2010 reste frais en mémoire.
M. Brinker croit que la transaction sera autorisée. Potash avait un poids beaucoup plus lourd dans l’économie de la Saskatchewan que Nexen en Alberta, estime-t-il. Le secteur énergétique est plus diversifié dans la province, ce qui tempère l’appel du protectionnisme, selon lui. De plus, le gouvernement conservateur a déjà manifesté son ouverture aux investissements chinois.
Les Albertains sont généralement favorables aux investissements chinois, constate M. Houlden. Selon un sondage réalisé par le China Institute, 52% des Albertains ont une bonne opinion des investissements chinois dans l’industrie énergétique. Ils sont 25% à les désapprouver, presque autant que ceux qui n’ont pas voulu se prononcer.
Doit-on prévoir d’autres acquisitions chinoises en terre canadienne? En théorie, la Chine en a les moyens avec des réserves de 3 000 milliards de dollars pouvant être consacrés aux investissements étrangers, note M. Houlden.
Les deux experts interrogés s’entendent pour dire que si d’autres acquisitions sont possibles, elles ne devront pas être trop rapides, ni trop grandes, sinon on pourrait assister à des sursauts de protectionnisme.
« Nous touchons un plafond, prédit M. Brinker. Il ne faudrait pas que les prochaines acquisitions soient de taille beaucoup plus grande que Nexen. »
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