Il y a un signal qui ne trompe pas. Trois Bourses de denrées (CME, Comex et ICE) viennent d'augmenter le capital que les négociateurs doivent conserver dans leur compte pour négocier des matières premières. Objectif : calmer le jeu spéculatif en obligeant le négociateur à mettre plus d'argent sonnant en réserve. Nul doute qu'on est alors en présence d'une flambée indésirable des prix.
" Peu importe le placement, une hausse vertigineuse des cours n'est jamais saine. Elle peut se renverser à tout moment ", dit Robert Spector, économiste en chef de McLean Budden.
La porte pourrait être bien petite quand les investisseurs voudront se départir en même temps de ce type de placement, par exemple s'ils se réfugient de nouveau dans le dollar américain, ajoute l'économiste. Les investisseurs ont eu un avant-goût du risque que comporte l'explosion des cours des denrées. Le 16 novembre, le cuivre, le coton et le soya ont perdu environ de 3 à 5 % en raison de craintes liées à la Chine. Si la puissance asiatique relève ses taux d'intérêt pour freiner l'inflation et la cadence de son économie, la demande en matière de denrées pourrait fléchir.
" La montée parabolique des cours me dérange. J'hésite encore à me défaire des titres des producteurs que je détiens, mais je n'y place plus d'argent frais ", confie Stéphane Gagnon, gestionnaire au Fonds des professionnels.
" Ultimement, la hausse des cours des denrées diminuera par elle-même la demande pour ces denrées de la part d'acheteurs non financiers. Cela aura un effet d'entraînement sur tous les placements similaires ", explique Julian Jessop, économiste international en chef, de Capital Economics.
Les titres des producteurs canadiens de ressources naturelles se négocient à un multiple record de 4,5 fois leurs revenus, note Chad McAlpine, analyste quantitatif de RBC Marchés des capitaux. Le secteur des matériaux de la Bourse de Toronto a bondi de 26,9 % depuis le début de 2010, plus du double du rendement total (gain et dividende) de 11,1 % procuré par l'indice S&P/TSX.
Dans l'ensemble, les financiers sont toutefois loin de jeter l'éponge concernant les denrées. " Tant que le chômage américain restera élevé et que l'inflation américaine sera inférieure à 2 %, les autorités injecteront des liquidités qui profiteront à l'or ", écrit Martin Murenbeeld, économiste en chef de Gestion de patrimoine Dundee. " Des hausses aussi vertigineuses me rendent nerveux, mais tant que la banque centrale américaine fera aller sa planche à billets, les cours progresseront ", note Ed Yardeni, président de Yardeni Research.