L'univers des fonds négociés en Bourse (FNB) a connu une croissance exponentielle au cours des dernières années. Parce qu'ils permettent une diversification instantanée, à peu de frais et dans toutes les grandes catégories d'actifs, beaucoup d'investisseurs les ont adoptés. Au Canada seulement, plus de 80 milliards de dollars ont été injectés dans les quelque 350 fonds mis en place par une dizaine de firmes. Une chatte n'y retrouve plus ses petits. Pour tenter d'y voir clair, nous avons demandé à trois gestionnaires de nous suggérer les FNB qu'ils privilégient pour constituer la base d'un portefeuille diversifié.
1. Hélène Gagné et Franco Di Iorio, gestionnaires de portefeuille chez PEAK Gestion privée
Actions canadiennes
iShares Core S&P/TSX Capped Composite Index (Tor., XIC)
C'est le fonds négocié en Bourse qui traque au plus près l'évolution de l'indice principal de la Bourse de Toronto, le S&P/TSX. «Dans le domaine des actions, on favorise une approche indicielle passive», dit Hélène Gagné. Car, même lorsque le marché subit une correction, il n'est pas sûr qu'un FNB en gestion active fera mieux que l'indiciel. Elle préfère le XIC à celui plus largement utilisé de la firme BlackRock, le XIU, qui couvre les 60 plus grandes capitalisations de Toronto. «Nous voulons un biais en faveur des titres à petite et à moyenne capitalisation, ce qu'on a avec le XIC.» Le fonds compte quelque 240 titres, soit 95 % de la capitalisation du marché canadien. Le secteur financier a la part du lion (36 %), tandis que ceux de l'énergie (19 %) et des matières premières (9 %) suivent. Avec un ratio de frais de gestion de 0,05 %, «il est presque gratuit», conclut Franco Di Iorio.
Actions américaines
SPDR S&P 500 (NY, SPY)
Créé en 1993, il s'agit du premier FNB à avoir été mis au point et à connaître du succès. Il traque les 500 entreprises qui sont couvertes par le S&P 500, considéré comme l'indice phare du marché américain (davantage que le Dow Jones qui ne couvre que 30 sociétés). Il permet d'accéder à l'essentiel du marché boursier de nos voisins du Sud. «Il est extrêmement efficient et très liquide», souligne Franco Di Iorio. «C'est le FNB le plus négocié du monde», ajoute Hélène Gagné. Ses frais de gestion sont minimes, soit environ 0,10 %. Le SPY de la firme State Street se négocie en dollars américains à la Bourse de New York. Il a un équivalent au Canada, le XSP de BlackRock, qui couvre les risques de change. «En fait, on détient les deux», précise Mme Gagné. «Lorsqu'on sort du Canada, on veut s'emparer du rendement du marché visé. Évidemment, la devise entre en ligne de compte. Si on devait acheter un des deux aujourd'hui [avec un dollar à 75 cents américains], ce serait le XSP, mais le SPY resterait sur notre écran radar. Certains de nos clients ont le FNB SPY depuis de nombreuses années.»
Actions internationales
iShares MSCI EAFE (EFA à New York)
Ce FNB de la firme BlackRock reproduit l'indice MSCI EAFE, le plus connu pour suivre les marchés boursiers développés hors Amérique du Nord, soit essentiellement l'Europe, l'Océanie et l'Extrême-Orient. L'indice, qui comprend quelque 900 sociétés, est dominé par celles du Japon (23 %). Les titres européens occupent toutefois la plus grande part du portefeuille : Royaume-Uni (près de 20 %), France (10 %), Suisse (10 %) et Allemagne (9 %), notamment. Encore une fois, les deux gestionnaires préfèrent la version américaine de cet iShares plutôt que son pendant canadien (XIN) qui offre une couverture de change. «Pour nos clients retraités, on aura une couverture au moins partielle pour les risques de change ; mais lorsqu'on est plus jeune, qu'on a du temps devant nous, on préfère ne pas couvrir. La dynamique est différente, car ici les titres inclus dans l'indice se négocient dans plusieurs devises.» Le ratio des frais de gestion est de 0,33 %.
Marchés émergents
iShares MSCI Emerging Markets (NY, EEM)
Il s'agit d'un fonds qui traque un indice des marchés émergents mis au point par la firme MSCI. Près de 850 titres sont inclus, dont près du quart sont chinois. Viennent ensuite la Corée du Sud (15 %), Taïwan (13 %) et l'Inde (8 %). Le secteur financier occupe 28 % du portefeuille, suivi de celui des technologies de l'information (plus de 18 %). Le plus important investissement est dans la coréenne Samsung, à hauteur de 3 %. Comme pour les autres FNB, Hélène Gagné et Franco Di Iorio privilégient la version en dollars américains à son équivalent au Canada (XEM), couvert pour les risques de change. Le ratio des frais de gestion est de 0,68 %.
Revenu fixe au Canada
BMO Obligations à escompte (Tor., ZDB)
Avec les taux d'intérêt au plancher, Hélène Gagné et Franco Di Iorio suggèrent un FNB d'obligations à escompte mis au point par la BMO. Il comporte environ 80 titres et est présent dans tous les secteurs : fédéral, provincial, municipal, sociétés. Ils précisent toutefois que ce FNB est intéressant surtout pour les comptes au comptant, c'est-à-dire les portefeuilles qui ne sont pas enregistrés. Tous les titres qui sont détenus ont une valeur marchande inférieure à 100,50 $. Le rendement des distributions mensuelles est relativement faible, soit 1,9 %, mais à la fin de l'année, il y a de fortes probabilités que le fonds distribue des gains en capitaux (puisque la plupart des obligations détenues sont à escompte). Fiscalement, ce serait donc plus intéressant. Dans les comptes enregistrés (REER, CELI, etc.), les deux gestionnaires opteront pour des FNB qui procurent un rendement de distributions plus élevé puisqu'il n'y a pas d'impôt. Ils évoquent par exemple le Canadian Short Term Corporate Bond Index de Vanguard (VSC) ou l'iShares 1-5 Years Laddered Corporate Bond Index de BlackRock (CBO).
2. Ian Gascon, gestionnaire de portefeuille et président de Placements Idema
Actions canadiennes
iShares Core S&P/TSX Capped Composite Index (Tor., XIC)
Selon Ian Gascon, ce FNB de la firme BlackRock est celui qui donne la meilleure exposition au marché boursier canadien. M. Gascon suit passivement l'indice principal de la Bourse de Toronto et représente donc quelques centaines de sociétés, de moyenne et de grande capitalisation. «On n'a pas besoin de diversifier davantage», dit-il. Il couvre 95 % du marché canadien. C'est aussi l'un des FNB les moins chers du pays, avec ses frais de gestion de seulement 0,05 %. C'est moins onéreux que les 0,15 % réclamés par son pendant plus populaire chez BlackRock, le XIU, qui traque plutôt les 60 plus grandes sociétés canadiennes. «Le XIC est préférable au XIU», affirme le gestionnaire, car il procure une meilleure diversification.
Actions américaines
Vanguard Mid-Cap (NY, VO)
Le gestionnaire dit préférer les actions américaines de moyenne capitalisation, parce qu'elles offrent une exposition plus équilibrée à plusieurs secteurs de l'économie, contrairement à certains indices comprenant de grands acteurs comme Apple, qui ont trop de poids. Ce fonds de la firme américaine Vanguard couvre près de 370 sociétés. Le secteur financier domine (18,7 %), suivi des industrielles (15,8 %), des biens de consommation (15 %) et du commerce de détail (14 %). M. Gascon préfère aussi acquérir des FNB qui n'ont pas de couverture pour les risques de change. «On est contre la couverture des devises dans la construction globale de portefeuilles, dit-il. On pense que l'exposition aux devises étrangères vient réduire la volatilité. Par exemple, lorsque les prix des matières premières augmentaient, les actifs et le dollar canadiens étaient en hausse. Depuis un an, c'est le contraire.» Détenir des FNB en dollars américains permet donc de compenser le recul des titres canadiens et du huard. «De plus, je ne sais pas si le dollar canadien sera de 65 ou de 85 cents américains. Je n'ai pas cette boule de cristal.» Les frais de gestion sont de 0,09 %.
Actions internationales
iShares Core MSCI EAFE IMI Index (Tor., XEF)
Voici un FNB qui suit passivement l'indice MSCI EAFE Investable Market. Cet indice couvre des titres de petite, de moyenne et de grande capitalisation dans les pays développés, hormis les États-Unis et le Canada. Le portefeuille compte 1 800 titres. Comme pour les actions américaines, Ian Gascon préfère ce genre de FNB qui procure un meilleur équilibre entre les secteurs grâce à des entreprises de tailles différentes. Il n'assure pas la couverture pour les risques de change. Il se négocie toutefois en dollars canadiens à la Bourse de Toronto. «Le bémol, précise Ian Gascon, c'est la liquidité. Puisque le volume de transactions n'est pas important, il peut y avoir de bons écarts entre le cours vendeur et le cours acheteur.» Dans ce FNB, le Japon domine (24 %), suivi du Royaume-Uni (20 %), puis de la France, de la Suisse et de l'Allemagne, chacun récoltant environ 10 %. Une quinzaine de pays sont présents. Les financières occupent 25 % du portefeuille, suivies des industrielles et de la consommation discrétionnaire à près de 14 % pour les deux secteurs. Les frais de gestion sont de 0,20 %.
Marchés émergents
Vanguard FTSE Emerging Markets Index (Tor., VEE)
Ian Gascon dit ne pas avoir «de coup de coeur» pour aucun FNB de marchés émergents. C'est donc «par défaut» qu'il suggère ce FNB de la firme Vanguard qui s'échange à Toronto. Il suit l'indice FTSE des marchés émergents. Le VEE détient des participations dans un peu plus de 1 000 entreprises de grande et de moyenne capitalisation des marchés émergents. La Chine domine le portefeuille (26,6 %), suivie de Taïwan (14 %) et de l'Inde (12,7 %). Les services financiers occupent le premier rang des secteurs, avec plus de 30 %, suivis des technologies (11,5 %) et des sociétés industrielles (10,6 %). «Ce n'est pas la structure parfaite mais ça répond aux besoins, étant donné que les marchés émergents n'occupent qu'une petite partie de nos portefeuilles.» Le ratio des frais de gestion est de 0,23 %.
Revenu fixe au Canada
BMO Obligations à très court terme (Tor., ZST)
Comme à l'égard des marchés émergents, M. Gascon n'a pas de coup de coeur pour un FNB particulier dans la catégorie des revenus fixes au Canada. «Il y a peu d'occasions. Dans le contexte actuel des taux d'intérêt, rien n'est facile.» Il suggère néanmoins un FNB de la BMO qui est investi dans un portefeuille d'obligations à très court terme. «Ça peut faire partie d'une petite portion d'un portefeuille obligataire», précise-t-il. Ce FNB est investi essentiellement dans des titres de sociétés qui viennent à échéance dans moins d'un an et dont les cotes de crédit sont supérieures à BBB. Il comprend 47 titres qui ont une durée moyenne pondérée d'une demi-année. Le rendement annualisé des distributions est de 3,83 %, mais la valeur du FNB diminue de mois en mois actuellement, ce qui ramène le rendement à peine au-dessus de zéro. Les frais de gestion sont de 0,15 %.
3. Luc Girard, gestionnaire de portefeuille, équipe Noël-Girard, Valeurs mobilières Desjardins
Actions canadiennes
First Asset Morningstar Canada Value Index (Tor., FXM)
La chute des Bourses lors de la crise de 2008-2009 a conduit à un effondrement de même ampleur des fonds indiciels passifs. Luc Girard cherche à éviter de telles fluctuations en privilégiant un FNB qui s'approche de la gestion active. Au lieu d'avoir une pondération des titres en fonction de la capitalisation boursière, comme dans l'indice S&P/TSX de Toronto, la firme Morningstar utilise une méthodologie quantitative. Les sociétés sont évaluées en fonction de cinq ratios qui ont tous le même poids (20 %) : cours/bénéfice, cours/fonds autogénérés, cours/valeur comptable, cours/vente et révision à la hausse des bénéfices. Plus ciblé, le portefeuille du FXM ne compte que 30 titres au lieu des 250 de l'indice de Toronto. Les financières ne représentent que 16,9 % (au lieu de 36 % dans l'indice), l'énergie, 13,9 % (au lieu de 19 %), tandis que la consommation discrétionnaire occupe 16,4 % (au lieu de 7 %) et les industrielles, 16,8 % (au lieu de 8,2 % dans l'indice). Le portefeuille fluctue moins (bêta de 0,74) que le S&P/TSX. Le ratio des frais de gestion est de 0,60 %.
Actions américaines
iShares US Dividend Growers Index (CAD-Hedged) (Tor., CUD)
Si beaucoup de gestionnaires choisissent l'iShares Core S&P 500 Index (XSP) pour participer au marché américain, Luc Girard préfère se tourner vers un FNB plus ciblé. Le CUD de la firme BlackRock ne compte que 100 des 1 500 titres que comprend l'indice plus large du S&P 500. Deux critères sont utilisés : les sociétés doivent verser d'importants dividendes et les avoir augmentés au cours des 20 dernières années. Avec un huard qui gravite autour des 75 cents américains, M. Girard privilégie un fonds couvert pour les risques de change. «Le dollar canadien peut encore baisser mais, lorsqu'il remontera, ce FNB assurera une meilleure protection.» Les financières dominent ce FNB, occupant 25,5 % du portefeuille. «C'est un secteur que j'aime aux États-Unis.» La consommation de base occupe 15 %, et les industrielles, 13 %. Le ratio des frais de gestion est de 0,60 %.
Actions internationales
iShares MSCI Europe IMI Index (CAD-Hedged) (Tor., XEH)
Pour la portion internationale du portefeuille, Luc Girard aime mieux miser sur le redressement de l'Europe, grâce à ce FNB centré sur le vieux continent. «L'Europe est en restructuration. Il y a énormément de potentiel. On observe le retournement qui commence en France.» Ici encore, il utilise un FNB qui assure une couverture pour les risques de change afin de se prémunir contre l'éventuel regain de la devise canadienne. Le FNB XEH est constitué des titres de près de 1 000 sociétés de petite, de moyenne et de grande capitalisation, réparties dans une quinzaine de pays européens. Le Royaume-Uni occupe la plus importante place (31 %) et la France suit avec 14 %. La Suisse et l'Allemagne sont juste derrière avec environ 13 % chacune. Le ratio des frais de gestion est de 0,25 %.
Marchés émergents
iShares MSCI Emerging Markets Minimum Volatility Index (Tor., XMM)
Plusieurs pays émergents traversent une période difficile. Soit parce qu'ils produisent des matières premières, comme le Brésil, soit parce que leur croissance ralentit, comme la Chine. «Nous n'avons que de légères positions dans nos portefeuilles, dit Luc Girard. Mais pour y aller, je préfère utiliser la porte d'en arrière.» D'où son choix d'un FNB qui comporte des titres moins volatils que l'ensemble de ce marché ainsi qu'une pondération plus équilibrée entre les pays. La Chine occupe 19 % du portefeuille, et Taïwan, 17 %. La Corée du Sud suit avec 12 % et le Brésil n'est qu'à 2,1 %. Le fonds compte 254 titres répartis dans une vingtaine de pays. Le secteur financier pèse lourd : 29 %. Suivent les biens de consommation (13 %), les télécoms (12 %) et les TI (11 %). Le ratio des frais de gestion affiché est de 0,79 %, mais le promoteur les a réduits à 0,40 % jusqu'au 31 décembre 2015.
Revenu fixe au Canada
iShares 1-10 Year Laddered Corporate Bond Index (Tor., CBH)
Les taux d'intérêt sont au plancher, et il est probable qu'ils augmentent au cours des prochaines années. Pour générer un peu de rendement, Luc Girard suggère ce FNB constitué d'obligations de sociétés qui varient de un à dix ans. À mesure qu'elles viennent à échéance, dit-il, elles sont remplacées par de nouvelles qui, si les taux augmentent, rapporteront plus. Les distributions mensuelles procurent un rendement de près de 3,9 %, mieux que les FNB plus larges qui comprennent des obligations gouvernementales. Il souligne que les risques sont minimes, car 18,7 % des titres ont une cote de crédit AA et le reste, A. Un bémol : les 57 titres sont concentrés dans deux secteurs : financier (44 %) et infrastructures (36 %). Le ratio des frais de gestion est de 0,25 %.