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Appuyée par un marketing bien ficelé et des frais de gestion en chute libre, la vague des fonds négociés en Bourse (FNB) déferle dans le portefeuille des investisseurs à la recherche de rendements au moindre coût possible. Coup d'oeil sur une industrie en pleine mutation.
Les plus sceptiques pourraient même être inspirés par la lecture du plus récent rapport annuel de Berkshire Hathaway, du légendaire investisseur Warren Buffett. Le gestionnaire milliardaire - détenteur de la quatrième fortune mondiale - a carrément suggéré aux boursicoteurs d'investir leur pécule... dans un fonds indiciel !
«L'investisseur non professionnel ne devrait pas chercher les titres gagnants, mais devrait plutôt posséder une sélection d'entreprises qui, dans l'ensemble, est appelée à bien performer», écrivait-il à ses actionnaires, en mentionnant qu'un fonds à faible coût calquant l'indice du S&P 500 était tout indiqué. L'oracle d'Omaha suggérait celui proposé par la firme Vanguard (S&P 500 Index, VFV-T), dont le ratio des frais de gestion (RFG) ne s'élève qu'à un maigre 0,16 % et dans lequel 90 % des liquidités destinées à son épouse seront investies, à son décès.
Cette recommandation envers la gestion indicielle sonne-t-elle le glas du stock-picking, cette technique qui consiste à tenter de sélectionner le meilleur titre boursier individuel pour un portefeuille ?
Pas nécessairement, si l'on en croit Sylvain Lapointe, conseiller en placements chez Valeurs mobilières Peak. «La sélection de titres individuels reste pertinente en ce moment, particulièrement aux États-Unis où l'évaluation globale du marché boursier demeure élevée», explique-t-il. Les investisseurs peuvent donc avoir intérêt à rechercher des titres d'entreprises sous-évaluées, dont la performance en Bourse se fait attendre comparativement à leur secteur d'activité.
Des propos qui trouvent écho auprès de François Rochon, président de Giverny Capital. «Warren Buffett croit aussi fermement qu'un investisseur qui possède le bon tempérament et une vision à long terme est en mesure de s'enrichir en profitant des occasions générées par le comportement irrationnel de la majorité des participants», rappelle-t-il. Le gestionnaire d'expérience mentionne pouvoir mieux performer que les indices et préfère donc la sélection judicieuse de titres individuels.
Ian Gascon, président de Placements Idema, considère de son côté que l'investisseur autonome peut difficilement battre le marché boursier sur une longue période de temps. La récente remontée historique des Bourses complique d'ailleurs la tâche de choisir à bon prix les meilleurs titres sur le marché. «Il y a des milliers d'analystes financiers chevronnés qui font ce travail : difficile de concevoir qu'un épargnant qui se contente de suivre l'actualité économique puisse espérer battre année après année le rendement du marché», souligne-t-il.
L'appui inattendu de Warren Buffett est une publicité rêvée. Mais bien avant de bénéficier du soutient de l'oracle d'Omaha, l'industrie des FNB a su faire sa chance.
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Des tendances musclées propulsent l'industrie
Les émetteurs sont nettement sur le mode de la séduction. La chute constante des RFG depuis quatre ans démontre la volonté de l'industrie d'être au coeur de la stratégie d'investissement des épargnants. Par exemple, en mars 2014, BlackRock a annoncé une baisse de 80 % des frais de gestion du FNB iShares S&P/TSX Capped Composite Index (XIC), qui se situent désormais à un maigre 0,05 %. De façon générale, les frais moyens pondérés selon l'actif des FNB canadiens sont désormais de 0,349 % annuellement, un coût réellement moindre que les RFG qui prévalent dans l'industrie des fonds communs, estimés à 2,12 % au 30 juin 2013 selon Investor Economics.
«Les FNB qui permettent de bâtir le coeur d'un portefeuille mondial à frais raisonnables ont subi une baisse radicale de leurs frais de gestion depuis le début de l'année, en particulier au sein des gammes de la Banque de Montréal et de BlackRock», remarque Ian Gascon, selon qui «un plancher est sur le point d'être atteint en matière de tarification». Vanguard pourrait éventuellement ajuster sa tarification en conséquence et d'autres baisses sélectives pourraient aussi être annoncées. Par exemple, l'iShares Canadian Universe Bond Index (XBB, RFG 0,33 %) de BlackRock demeure plus cher que ses équivalents Vanguard Canadian Aggregate Bond (VAB, RFG 0,23 %) et BMO Obligations totales (ZAG, RFG 0,23 %).
L'industrie du courtage à commissions réduites semble elle aussi vouloir ajouter son grain de sel pour mousser la popularité des FNB. Des transactions peuvent ainsi être effectuées gratuitement sur certains d'entre eux. QTrade (60 FNB au Canada, sous réserve d'un achat minimal de 1 000 $), Questrade (achats de FNB sans frais), Scotia iTrade (50 FNB au Canada) et Virtual Brokers (100 FNB au Canada et aux États-Unis), notamment, proposent la suppression de la commission habituelle sous réserve de détenir le produit pour une période minimale... d'une journée ! Cette gratuité se veut un cadeau pour l'investisseur qui souhaite se livrer à des transactions d'achat fréquentes sur ses FNB de prédilection, en investissant ainsi régulièrement de petites sommes d'argent à long terme, sans les frais de courtage habituels qui viennent rogner les rendements espérés.
Dans un autre ordre d'idées, un groupe d'acteurs du secteur financier mené par l'Association canadienne des fonds négociés en Bourse (ACFNB) planche même depuis quelque temps sur un projet qui permettrait aux représentants de courtiers en épargne collective d'offrir des FNB à leur clientèle. Pour le moment, l'industrie n'hésite pas à élargir l'offre de produits pour plaire aux investisseurs potentiels. Le nombre de FNB sur le marché est d'ailleurs passé de 284 à 301 du 31 décembre 2013 au 31 mai 2014.
Les épargnants ont ainsi depuis le 10 février 2014 accès au premier FNB d'actions internationales non couvert par la devise qui investit directement dans les titres sous-jacents à son indice, sans passer par un FNB négocié aux États-Unis et dont les frais de gestion sont de moins de 0,35 % (BMO MSCI EAFE, ZEA, RFG 0,23 %). La mode des distributions élevées se transporte aussi du côté des FNB, comme le FNB Quantitatif leaders de dividendes EAEO RBC (RID, RFG 0,49 %), par exemple, qui propose depuis son introduction en janvier 2014 un rendement de dividendes de plus de 5 %.
Avec autant de nouveautés qui inondent le marché, l'investisseur avisé doit cependant garder l'oeil ouvert face à un coût implicite qui diminue l'efficacité d'une stratégie d'investissement FNB : l'écart de suivi.
Ce dernier fait référence à la différence de rendement qui prévaut entre le FNB et son indice. Ian Gascon donne l'exemple de l'iShares MSCI EAFE Index ETF (XIN), qui a moins bien performé que son indice de référence par une marge annuelle de 2,81 % depuis les dix dernières années, alors que ses frais de gestion sont de 0,50 %. Durant cette période, le rendement cumulatif de l'indice est de 72,97 %, tandis que le FNB n'a généré que 32,04 %. Il s'agit donc d'un manque à gagner important pour l'investisseur. «De façon générale, on peut s'attendre à ce qu'un FNB ait un écart de suivi comparable à son ratio des frais de gestion, mais ce n'est pas toujours le cas», dit Ian Gascon. Pour les FNB lancés il y a plus d'un an, l'investisseur peut retrouver la mesure de l'écart de suivi sur le site Web des différents fournisseurs.
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«La sélection de titres individuels reste pertinente en ce moment, particulièrement aux États-Unis où l'évaluation globale du marché boursier demeure élevée.» - Sylvain Lapointe, Valeurs mobilières Peak
«Il y a des milliers d'analystes financiers chevronnés qui font ce travail : difficile de concevoir qu'un épargnant qui se contente de suivre l'actualité économique puisse espérer battre année après année le rendement du marché.» - Ian Gascon, Placements IdemA
8,67 % - Hausse des actifs sous gestion dans les FNB au Canada depuis le 31 décembre 2013
Source : Investor Economics (au 31 mai 2014)
71,90 G$ - Actifs sous gestion dans les FNB au Canada au 31 juillet 2014.
Source : Investor Economics
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1. Limiter le nombre d'élus...
L'investisseur autonome fait face à une problématique d'envergure sur le plan de la construction de son portefeuille. Il risque de prime abord de se limiter au marché qu'il connaît le mieux - le nord-américain, par exemple. «Il se prive ainsi d'une exposition internationale, et se voit dans l'obligation de multiplier les achats de titres individuels pour s'exposer à tous les secteurs d'activité du marché canadien», explique M. Gascon. Un FNB permet plutôt d'effectuer une seule transaction pour acheter le marché convoité au complet. «Pour réduire la volatilité du portefeuille, une somme de 50 000 $ pourrait facilement être investie dans 5 ou 6 FNB différents et assurer ainsi une exposition mondiale à faible coût», dit-il. Attention, par contre : il ne faut pas confondre «diversification» et «éparpillement». Certains portefeuilles qu'il a analysés par le passé se composaient de plus de 100 titres de tout acabit...
2. Embrasser la Chine, Taïwan, l'Afrique du Sud, le Brésil et compagnie !
Sylvain Lapointe suggère d'exposer une petite portion du portefeuille aux marchés émergents. «Je crois qu'ils profiteront davantage de la reprise mondiale, et leurs évaluations demeurent moins coûteuses», explique-t-il. Sa préférence ? L'iShares MSCI Emerging Markets Minimum Volatility Index (XMM), dont le RFG est de 0,41 %. Pour s'exposer au marché, les investisseurs peuvent aussi se tourner vers le Vanguard FTSE Emerging Markets Index (VEE) ou le BMO MSCI Marchés émergents (ZEM), dont les ratios des frais de gestion sont de 0,33 % et de 0,45 %, respectivement.
3. Regarder droit devant soi
Le fait de prendre une décision d'investissement sur la base des rendements passés d'un FBN en particulier est une erreur en soi. M. Gascon vous invite plutôt à faire preuve de vision. «Est-ce que la stratégie adoptée par ce FNB vous permettra de dégager des rendements futurs supérieurs à un autre produit ?» demande-t-il. Après tout, ce sont les années à venir qui s'annoncent pleines de promesses !
4. Ne pas se laisser charmer par le premier venu
La multiplication des FNB ne manque pas de charme. Un investisseur peut désormais facilement modifier sa répartition d'actifs en fonction de l'évolution du marché. Par contre, et contrairement à la croyance populaire, les FNB n'éliminent pas le risque de marché. Si la Bourse plante, le FNB associé, aussi bien soit-il, suivra malheureusement la même tangente. «Ces actifs peuvent fluctuer fortement d'une année à l'autre, d'où la nécessité de respecter son profil d'investisseur et d'effectuer une révision périodique du portefeuille», conclut le président de Placements Idema. Conclusion ? Avant de jeter votre dévolu sur un fonds en particulier, assurez-vous d'avoir bien fait vos devoirs !
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