Pour obtenir du rendement à long terme dans les actions canadiennes, Stephen Takacsy, directeur des placements et gestionnaire de portefeuille chez Gestion d'actifs Lester, croit qu'il faut combiner la prudence des dividendes et l'achat audacieux de titres d'entreprises méconnues et sous-évaluées.
Cette recette l'a bien servi, puisque le petit Fonds d'actions canadiennes Lester a bondi de 158 % depuis son lancement en juillet 2006, par rapport au rendement total de 70 % de l'indice torontois S&P/TSX, pendant la même période.
Ce fonds exige un placement minimum de 25 000 $ pour les investisseurs accrédités et de 150 000 $ pour les autres.
«Au Canada, il est encore plus crucial de se différencier de l'indice qui est trop concentré dans les ressources et le secteur financier. De plus, la popularité du placement indiciel fait en sorte que tout le monde possède les mêmes titres, ce qui gonfle l'évaluation de l'indice», explique le portefeuilliste de Montréal.
Le gestionnaire de 55 ans se décrit comme un investisseur opportuniste qui trouve ses «aubaines» dans l'ombre de l'indice, parmi des PME solides et rentables, mais qui passent inaperçues, telles que le producteur de vins Andrew Peller (Tor., ADW.A, 14,38 $), le fabricant d'étiquettes et d'emballages pour les géants des produits de consommation CCL Industries (Tor., CCL.B, 121,66 $) ou le gestionnaire de fonds Guardian Capital (Tor., GCC.A, 17,76 $).
Plusieurs sont des entreprises familiales dont les dirigeants sont d'importants actionnaires, ce qui aligne leurs intérêts sur ceux de l'ensemble des actionnaires, explique l'ancien chef de la direction financière du producteur de films Malofilm, dans les années 1990.
Malgré leur plus petite taille, plusieurs de ces titres d'entreprises versent des dividendes. «Ça ajoute une dose de stabilité à la section plus volatile du portefeuille», indique le gestionnaire.
Sa chasse aux titres méconnus ou boudés a été si fructueuse au fil des ans que le financier dénombre une vingtaine de titres qui ont fait l'objet d'une offre d'achat, dont Bell Aliant, Shoppers Drug Mart, Arbor Memorial, Viterra, Nurun, Van Houtte et NStein, entre autres.
La toute dernière : l'ex-fiducie de revenu VicWest (Tor., VIC, 12,69 $), un placement que M. Takacsy a commencé à accumulé il y a huit ans. La britannique Kingspan Group plc offre 12,70 $ par action pour VicWest, soit une prime de 25 % par rapport au cours du fabricant de bacs d'entreposage de céréales et de revêtements, de toitures et de panneaux isolants.
Kingsway revendra ensuite les activités agricoles, la division Westeel, à AG Growth International (Tor., AFN, 47,50 $) pour 210 M$.
«C'est le scénario que nous souhaitions. Nous resterons actionnaire des activités agricoles puisque nous avons acheté des actions de l'acquéreur AG, qui fabrique des convoyeurs à grains pendant la correction d'octobre» dit-il. Ces «occasions» plus audacieuses se greffent à un noyau de titres versant des dividendes, qui forment le tiers du fonds d'actions canadiennes, tels que TransCanada, BCE, Telus ou Emera.
«Les dividendes procurent un rendement régulier tangible, peu importe les fluctuations de la Bourse», dit-il. Dans une économie lente, les taux d'intérêt devraient rester faibles longtemps, ce qui donne plus de valeur aux sociétés qui versent des dividendes.
M. Takacsy apprécie aussi la discipline qu'impose le versement de dividendes aux entreprises, quand vient le moment de répartir leur capital.
Le gestionnaire a toujours une liste de candidates de placement. Et il attend son heure pour les acheter à bon prix, parfois lors d'un accident de parcours. «Le déclencheur peut être des bénéfices qui rebondissent, une nouvelle politique de dividendes, une stratégie de consolidation ou un redressement», évoque M. Takacsy.
13,1 %: Rendement annuel composé depuis juillet 2006, avant les frais, par rapport à celui de 5,8 % pour le S&P/TSX (au 31 octobre 2014). Source : Gestion d’actifs Lester
Trois placements et leur catalyseur
Logistec : bien positionnée
Le fournisseur de services maritimes et envi- ronnementaux Logistec est un exemple d’entre- prise dans l’ombre, qui est devenue le principal placement du fonds après avoir explosé de 483 % au cours des huit dernières années.
Logistec (Tor., LGT.B, 41,25 $), qui exploite plusieurs terminaux portuaires et fabrique des tuyaux flexibles pour l’acheminement de l’eau, dégage des bénéfices sans interruption depuis 44 ans. Logistec a été réévaluée à la hausse ces dernières années, même si aucun analyste n’assure le suivi de l’entreprise. Elle est désor- mais perçue comme un exploitant d’infrastruc- tures en croissance plutôt qu’une entreprise soumise aux cycles du transport maritime.
Malgré sa hausse, son action n’est pas trop chèrement évaluée par rapport au potentiel de ses bénéfices.
QHR : un fournisseur émergent en santé
QHR Corp. (Tor., QHR, 1,15 $) est un fournisseur émergent de solutions logicielles pour le secteur de la santé de Vancouver, que Stephen Takacsy espère avoir découvert au début d’une longue période de croissance.
Présente dans six provinces, QHR estime qu’elle cumule le plus de médecins à sa plateforme de dossiers médicaux électroniques Accurso, pour une part de 17% des 52 000 médecins dans ces provinces. QHR concurrence Telus qui serait d’ailleurs un acquéreur potentiel de la société de Vancouver, spécule le gestionnaire.
Selon lui, sa division américaine de gestion de transfert de données est déficitaire et pourrait être vendue.«Le titre n’est pas cher pour une entre- prise dans un créneau du logiciel, dont environ 80 % des revenus sont récurrents », dit-il.
Sans la division américaine et l’encaisse de 18 millions de dollars, son titre se négocie à seule- ment 8 à 9 fois le bénéfice d’exploitation prévu dans 12 mois.
COM DEV : un pari sur la rentabilité d’une filiale
Le fonds que gère Stephen Takacsy a aussi acheté le spécialiste des satellites Com Dev (Tor., CDV, 3,95 $) au début de l’année, pour miser sur un carnet de commandes mieux garni et l’at- teinte du seuil de rentabilité pour sa filiale de données maritimes exactEarth.
L’entreprise ontarienne vient de décrocher 39 millions de dollars de nouveaux contrats. La filiale exactEarth, qui compte cinq microsatellites en orbite, vient notamment d’élargir de 1,8 à 17,4 M$ un contrat de transmission de données avec le gouvernement fédéral. «Avec des marges de 60 %, ce contrat ajoutera quelque 3,5 M$ au bénéfice d’exploitation de Com Dev. Le cours donne encore peu de valeur à cette filiale poten- tiellement très rentable», explique M. Tacaksy.
Malgré la nature imprévisible des contrats de l’industrie satellitaire, Com Dev distribue de 55 % à 60 % de ses flux de trésorerie en dividende.