Selon le Fonds monétaire international (FMI), les marchés émergents représentent désormais plus de la moitié du produit intérieur brut mondial. Il n'est pas donc pas étonnant que les investisseurs s'y intéressent, d'autant plus que, selon une prévision du FMI, les économies en développement afficheront une croissance de 3 % à 3,5 % plus rapide que celle des économies développées au cours des cinq prochaines années.De plus, les marchés émergents se négociaient récemment à un escompte d'environ 37 % par rapport au marché américain, en se fondant sur le ratio cours/bénéfice prévu, une indication qu'il s'agit d'un des meilleurs moments pour y investir, selon Jeff Feng, cogestionnaire de la Catégorie marchés émergents Trimark.
Comme pour les autres marchés boursiers, il est possible d'y investir en choisissant un fonds géré des portefeuillistes qui sélectionnent ce qu'ils croient être les titres les plus prometteurs, dont le fonds Trimark. Sinon, il est possible d'acheter un fonds qui reproduit passivement un indice boursier, comme l'indice MSCI marchés émergents, qui comprend 834 sociétés situées dans 23 pays.
Les investisseurs doivent être conscients des caractéristiques de concentration de cet indice, prévient Virginia Au, également cogestionnaire de la Catégorie marchés émergents Trimark.
D'abord, sa concentration de la capitalisation boursière : Virginia Au note que 5 % des sociétés faisant partie de l'indice MSCI ME, soit une quarantaine, influencent 40 % de son rendement, concentration qu'elle juge énorme. De plus, 50 % des sociétés représentent 86 % du rendement de l'indice. Elle ajoute qu'en investissant dans un indice de ce genre, on investit en fait dans des sociétés à mégacapitalisation, habituellement des entreprises détenues par l'État, comme les banques d'État et les sociétés énergétiques.
Ensuite, sa concentration par pays : Virginia Au remarque que, des 23 pays composant l'indice, cinq d'entre eux constituent 64,4 % de l'indice, soit la Chine (19,9 %), la Corée du Sud (14,4 %), Taïwan (12,1 %), le Brésil (10,2 %) et l'Afrique du Sud (7,8 %). Selon elle, cette pondération n'investit pas dans l'avenir, puisque la croissance de la Chine a eu lieu dans les années 1990 et au début des années 2000. Il faut donc éviter d'acheter à gros prix et de vendre à petit prix, suggère-t-elle.
Elle note au passage que les 10 sociétés chinoises les plus importantes représentent 52 % de la pondération de la Chine dans l'indice. Outre cette concentration jugée énorme, elle souligne que bon nombre de ces sociétés sont des sociétés d'État accusant un manque de transparence.
Enfin, dernière caractéristique de concentration de l'indice, ses poids sectoriels : les titres financiers comptent pour 28,1 % de l'indice, alors que les marchandises (commodities), surtout l'énergie et les matériaux, comptent pour 17,5 %. «Toutefois, la croissance des sociétés du secteur des marchandises provient surtout de la demande extérieure du monde développé et de la Chine, et non pas de la croissance interne à laquelle beaucoup d'épargnants désirent participer», souligne Virginia Au.
Une gestion qui réduit les risques associés à la concentration
La gestion active pratiquée par Jeff Feng et Virginia Au réduirait ces formes de concentration. Ainsi, le chevauchement entre les titres du fonds et ceux de son indice de référence n'est que de 8 %.
«Les gestionnaires de Trimark ne sont pas les premiers à formuler ces critiques à l'endroit des indices boursiers de marchés émergents pondérés selon la capitalisation boursière. Les "lacunes" de la gestion passive de placements dans les marchés émergents ont été bien étayées. Plusieurs croient aussi que les marchés émergents ont tendance à être moins efficients que les marchés développés, et qu'il y a de meilleures chances ou occasions pour un gestionnaire habile de dégager une performance supérieure. Ces arguments sont intuitifs et constituent une excellente histoire à raconter du point de vue du marketing si vous avez des fonds gérés activement à vendre. Néanmoins, malgré ces affirmations, la plupart des gestionnaires affichent des résultats bien en deçà de l'indice», constate John Gabriel, stratège spécialisé dans les fonds gérés passivement chez Morningstar à Chicago.
La base de données PALTrak de Morningstar Canada permet de le confirmer. Ainsi, pour les périodes de 1 à 11 ans se terminant le 31 octobre 2014, on trouve certains fonds dégageant une meilleure performance que l'indice MSCI Marchés émergents. Pour les périodes de 12 ans et plus, l'indice se retrouve invariablement en tête.
Les coûts de détention seraient en cause : «Il importe de souligner que les fonds de marchés émergents sont l'une des catégories de fonds les plus coûteuses. Il y a peut-être un nombre non négligeable de gestionnaires qui battent leur indice d'environ 1 % avant que les coûts de détention ne soient pris en compte. Dès qu'on en tient compte cependant, l'investisseur se retrouve avec des rendements inférieurs en retrait de l'indice. Même s'il y a un soupçon de vérité dans les affirmations des gestionnaires voulant qu'ils battent les indices, cela ne signifie pas grand-chose pour les investisseurs, puisqu'ils ne peuvent pas en tirer profit», insiste John Gabriel. Le ratio de frais de gestion médian des fonds de marchés émergents est de 2,7 %, et le coût total de détention de plusieurs d'entre eux est supérieur à 3 %.
Il rappelle que la plupart des investisseurs recherchent une exposition à long terme aux marchés émergents afin de diversifier leur portefeuille. C'est donc le rendement à long terme qui leur importe. «Avec un fonds indiciel, vous savez exactement ce que vous obtenez, à une fraction du prix. Avec un fonds géré activement, il y a le risque qu'un gestionnaire parte. Si vous décidez de le suivre, vous devrez vendre votre fonds, ce qui pourrait avoir un impact fiscal», prévient-il.
Yves Bourget a fait carrière dans l'industrie des valeurs mobilières pendant une vingtaine d'années, notamment à titre de vice-président pour le Québec de Placements Altamira, de 1990 à 1997. Il collabore depuis 2001 à la publication Finance et Investissement, notamment en matière de fonds communs.