Les fonds d'obligations ont connu de bons rendements à la suite de la baisse des taux d'intérêt. Rappelons que la valeur des obligations monte lorsque les taux d'intérêt baissent. Ainsi, le taux sur les obligations fédérales canadiennes de 10 ans est passé d'un sommet de 2,8 % le 5 septembre 2013 à 1,24 % le 2 février, avant de remonter à environ 1,4 %. Mais aujourd'hui, certains investisseurs se détournent des obligations, craignant qu'une hausse des taux ne vienne faire chuter leur valeur.
Pourtant, ce n'est pas une raison pour les éliminer de son portefeuille : leur rôle de préservation du capital demeure. D'autant plus que des revenus réguliers et prévisibles s'avèrent de plus en plus importants pour un nombre croissant de retraités et de semi-retraités.
Il existe une stratégie simple pour les particuliers d'encaisser des revenus réguliers tout en évitant d'avoir à prédire les mouvements de taux d'intérêt : une stratégie d'échelonnement des obligations ou des certificats de placement garanti (CPG).
Dans une telle «échelle», chaque «barreau» correspond à un montant égal investi. Ainsi, un portefeuille de 50 000 $ pourrait avoir cinq barreaux de 10 000 $ investis à un, deux, trois, quatre et cinq ans d'intervalle. Vous obtenez un taux en général plus bas sur les placements à court terme et plus élevé sur ceux à long terme. Le placement venant à échéance dans un an est automatiquement replacé dans une échéance de cinq ans. Le «barreau» du bas de l'échelle est donc toujours replacé en haut.
Une belle stratégie pour se prémunir contre les hausses de taux
Les taux offerts sur les placements de cinq ans sont en général plus élevés que ceux sur les placements d'un an. L'échelonnement permet au revenu du portefeuille de croître au fur et à mesure que les échéances à court terme sont réinvesties dans un placement de cinq ans. Au bout de cinq ans, le rendement du portefeuille sera une moyenne des taux de cinq ans, mais son échéance moyenne restera de trois ans. Le revenu augmentera ou diminuera graduellement sur cinq ans, sans brusque diminution au cas où les taux chuteraient de manière marquée à la fin du terme.
Une échelle de cinq ans est tout indiquée pour quelqu'un qui veut se prémunir contre les hausses de taux. On peut évidemment en constituer une plus longue si on le veut.
Dans ma toute première chronique, j'ai écrit que la majorité des investisseurs n'ont ni le temps ni l'expertise de gérer adéquatement leur argent et qu'il valait mieux, pour le grand public, le confier à des professionnels par le truchement de fonds communs, gérés activement ou non.
J'aimerais aujourd'hui mettre un bémol à cette affirmation : un particulier peut établir une «échelle» par lui-même s'il se contente de CPG. Il est aussi possible d'acheter des obligations de gouvernements et de certaines sociétés de première qualité. Les particuliers sont toutefois désavantagés par rapport aux investisseurs institutionnels quant aux prix qu'ils doivent les payer1.
Il peut donc être difficile pour un particulier de construire une échelle d'obligations à coût raisonnable. Pour pallier cette difficulté, plusieurs fonds négociés en Bourse reproduisant diverses échelles ont été lancés, tant pour des obligations gouvernementales que pour celles de sociétés.
Parmi eux, les FNB iShares de la société BlackRock Canada ont été les premiers offerts : le iShares 1-5 Year Laddered Governement Bond (CLF) a été lancé en janvier 2008. Son actif oscillait récemment autour de 960 millions de dollars. Ce FNB détient 38 obligations du gouvernement fédéral et des provinces avec une échéance moyenne de 2,95 ans et affiche un ratio de frais de gestion de 0,17 %.
Le FNB iShares 1-5 Laddered Corporate Bond a été lancé en février 2009 (CBO). Son actif oscillait récemment à environ 2,2 milliards de dollars. Il détient 58 placements, et les obligations d'institutions financières comptaient pour près de 65 % de sa valeur au marché, une concentration que certains pourraient juger trop élevée, même si tous les titres sont cotés A ou plus.
De même, la proportion de titres d'institutions financières dans le FNB d'obligations de sociétés échelonnées 1-5 ans offert par RBC (RBO) est de 63 %. Par contre, elle n'est que de 46 % dans le FNB PowerShares 1-5 Year Laddered Investment Grade Corporate Index (PSB).
On pourrait aussi construire des échelles avec des FNB à échéance cible (Target-maturity ETFs), en admettant que l'on ne s'intéresse qu'aux obligations de sociétés et non à celles de gouvernements. Ces FNB maintiennent un portefeuille d'obligations de sociétés canadiennes de première qualité, structuré de façon à venir à échéance la même année que le FNB lui-même.
Ce segment est très largement dominé par RBC, avec ses 7 FNB venant à échéance entre 2015 et 2021. Là encore, les obligations d'institutions financières, comme les banques et les compagnies d'assurance, composent les portefeuilles dans des proportions variant de 47 % à 76 %.
Il est très difficile pour un particulier d'acheter directement des obligations à rendement élevé (ORÉ). Par contre, il est possible d'acquérir sur le marché américain des FNB reproduisant des échelles d'ORÉ. Avec une valeur au marché de 2,8 G$ US, le PIMCO 0-5 Year HighYield Corporate Bond Index (HYS) domine largement ce segment.
Il y a aussi des fonds à échéance cible composés d'ORÉ ; ce sont les FNB Guggenheim qui contrôlent ce segment, avec des échéances allant de 2015 à 2022.
1 Certains courtiers à escompte offrent désormais une tarification plus transparente. Ainsi chez Scotia iTrade, la commission est de 1 $ par tranche de 1 000 $ de valeur nominale, avec un minimum de 24,99 $ et un maximum de 250 $, sans majoration ni frais cachés.
Biographie
Yves Bourget a fait carrière dans l'industrie des valeurs mobilières pendant une vingtaine d'années, notamment à titre de vice-président pour le Québec de Placements Altamira, de 1990 à 1997. Il collabore depuis 2001 à la publication Finance et Investissement, dans le domaine des fonds communs.