Quand Warren Buffett entre dans une nouvelle industrie, celle-ci devient tout à coup plus attrayante.
Il n'est donc pas étonnant que l'achat par le légendaire investisseur du concessionnaire américain privé Van Tuyl Group ait soulevé le seul regroupement canadien de concessionnaires en Bourse, AutoCanada (Tor., ACQ, 62,34 $), de plus de 14 % en deux jours. «Cet achat renforce la validité du modèle d'entreprise d'AutoCanada, qui consiste à consolider l'industrie encore fragmentée des concessionnaires automobiles», indique Neal Gilmer, de Valeurs mobilières Cormark, dont le cours cible de 100 $ est le deuxième en importance chez les analystes.
AutoCanada possède 45 concessionnaires, répartis dans huit provinces canadiennes, pour une industrie qui en compte 3 500. De plus, 70 % des propriétaires de concessions visent la préretraite ou la retraite d'ici cinq à dix ans, selon PwC.
M. Buffett apprécie aussi les rendements et les marges élevés que confèrent les avantages concurrentiels durables dont bénéficient les acteurs régionaux forts.
Or, quelque 32 des 45 concessionnaires d'AutoCanada se concentrent sur les marchés de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Au Québec, l'entreprise possède les concessions voisines BMW Canbec et Mini Mont Royal, à Montréal.
Ses concessionnaires vendent 19 marques de huit constructeurs d'automobiles. Chrysler contribue toutefois encore à la majorité de ses ventes.
AutoCanada fait profiter ses concessionnaires de son pouvoir d'achat pour la publicité et l'accès aux garanties et au financement des stocks, entre autres. L'entreprise d'Edmonton transmet aussi ses meilleures pratiques aux concessionnaires, y compris la gestion des stocks en fonction des fluctuations du marché automobile.
La société tire 31 % de ses bénéfices bruts du financement auto et de la vente des garanties ainsi que 30 % de l'entretien et de la vente de pièces.Une valeur de rareté au Canada
Ce n'est pas parce que M. Buffett est séduit par Van Tuyl Group et son potentiel de rendement qu'AutoCanada devient automatiquement un placement incontournable.
Après tout, AutoCanada se négocie à un multiple élevé de plus de 25 fois ses bénéfices prévus en janvier 2015. Même après avoir perdu le tiers de sa valeur depuis juin, son titre est encore plus chèrement évalué que ceux des sociétés américaines équivalentes en Bourse, telles qu'AutoNation, Lithia Motors et Penske Automotive Group.
Sa croissance spectaculaire en fait le chouchou des analystes qui en recommandent tous l'achat, même si son action a déjà triplé depuis l'été 2013.
La société a doublé ses revenus et a quadruplé son bénéfice d'exploitation depuis 2010, au fil de 31 acquisitions et ouvertures de concessionnaires.
Elle a aussi accru son dividende au cours des 14 derniers trimestres, le portant de 0,16 $ à 0,96 $ par action, à partir de 2011.
«Le pipeline d'acquisitions est énorme et les vendeurs sont nombreux. La société a prévu l'achat de huit autres concessionnaires, d'ici mai 2015», note Hildan Maraachlian, de Valeurs mobilières Cormark.
L'analyste prévoit une progression de 42 % de son bénéfice au cours des deux prochaines années. Son cours cible : 95 $.
«Pour chaque achat conclu, les dirigeants en étudient six ou sept autres. Ils visent un rendement du capital investi de 15 % à 20 % sur chaque acquisition», dit aussi Otto Cheung, de Valeurs mobilières GMP.
À son avis, AutoCanada mérite son évaluation parce qu'elle croît plus vite que les sociétés équivalentes, bénéficie d'un bilan plus solide et verse des dividendes croissants. L'analyste établit son cours cible à 105 $.Deux importants irritants
Certains aspects de la structure de la société rebutent un peu.
Des dirigeants d'AutoCanada, dont son président fondateur Patrick Priestner, achètent personnellement des concessionnaires ou une part des concessionnaires lorsque les constructeurs d'autos refusent de les vendre à un groupe multimarque inscrit en Bourse.
M. Priestner a acheté son premier concessionnaire à l'âge de 24 ans et a décidé dès 2001 d'imiter la stratégie des regroupements de concessionnaires multimarques aux États-Unis.
Les dirigeants expliquent que cette double propriété est un mal nécessaire pour satisfaire les exigences des constructeurs d'automobiles, comme General Motors. C'est aussi une source de motivation et de rétention des cadres.
Il existe plusieurs clauses pour éviter des conflits d'intérêts et protéger AutoCanada dans ces arrangements.
Autre irritant : la société loue encore deux de ses immeubles de concessions auprès d'une entreprise contrôlée par le président, après en avoir racheté onze en 2013.
Dans ce cas, pour éviter les conflits d'intérêts, AutoCanada fait appel à un comité de membres indépendants de son conseil pour s'assurer que les loyers correspondent à ceux qui prévalent dans le marché.
D'ailleurs, ces ententes entre sociétés apparentées sont citées comme un facteur de risque dans la notice annuelle, car elles pourraient dissuader un acquéreur éventuel.
AutoCanada est près de la limite qu'impose Chrysler Canada au nombre de leurs concessions d'automobiles franchisées dans certaines provinces et grands centres urbains. Depuis 24 mois, la société a donc réussi à conclure des ententes avec les constructeurs BMW Mini, Audi, Kia et General Motors pour acquérir ou ouvrir des concessionnaires.