Alors que certains actionnaires espéraient que Québecor (Tor., QBR.B, 30,28 $) ferme un jour le capital de Groupe TVA (Tor., TVA.B, 7,45 $) avec une offre pour leurs actions, l'inverse se produit.
Québecor Média réinvestit dans sa filiale pour qu'elle réalise deux autres acquisitions, gonflant ainsi de 50 % le nombre d'actions en circulation à un moment où le titre de TVA touche un nouveau bas annuel, indique un financier qui a requis l'anonymat.
«Ces gestes confirment qu'une privatisation de TVA n'est pas dans les cartes et rappellent que la société est gérée au bénéfice de sa société mère», a-t-il confié.
Afin de financer l'achat du fournisseur cinématographique Vision Globale et des magazines de consommation de TC Transcontinental, pour un total 174 millions de dollars, TVA prévoit émettre 100 M$ de droits de souscription à ses actionnaires existants. Québecor Média s'est engagée à acheter tous les droits de TVA qui ne seront pas exercés, en plus d'allonger à sa filiale un prêt-relais de 75 M$, explique Adam Shine, de la Financière Banque Nationale.
«Nous ne pouvons pas commenter avant d'avoir vu les détails de l'émission. À 100 M$, la dilution serait énorme», dit Denis Durand, associé principal de Jarislowsky Fraser, le deuxième actionnaire en importance de TVA.
Les analystes aiment l'acquisition plus naturelle des magazines de consommation de TC Transcontinental, car elle consolide un segment touché par l'âpre concurrence des grands acteurs numériques, tels que Google ou Facebook.
Les titres comprennent notamment Coup de Pouce, Vero Magazine, Décormag ainsi que 51 % d'Elle Canada et Elle Québec.
«Étant donné l'important chevauchement entre les titres de TVA et de TC, les synergies sont significatives», note Drew McReynolds, de RBC Marchés des Capitaux. TVA prévoit doubler de 7 à 14 M$ le bénéfice d'exploitation des magazines acquis.
Vision Globale : des mérites discutables, disent les analystes
L'achat de Vision Globale pour 118 M$ plaît beaucoup moins, parce que la location d'équipements et de services cinématographiques est instable et fournit peu de synergies à Groupe TVA, indique Stephen Takacsy, gestionnaire chez Gestion d'actifs Lester. «Le montant de 118 M$ représente les deux tiers de sa valeur boursière totale.»
De plus, TVA paie le prix fort : un multiple de 7,9 fois le bénéfice d'exploitation de 15 M$ de Vision Globale, tandis que ses propres actions valent 5 fois le sien, estime Robert Bek, de Marchés mondiaux CIBC.
Très mécontent de la tournure des événements, M. Takacsy va même jusqu'à dire que l'achat de Vision Globale et l'émission de droits méritent d'être étudiés par les autorités compétentes. «Si j'étais un administrateur de TVA, je serais nerveux. La société a une responsabilité fiduciaire envers les actionnaires minoritaires, et dans la transaction de Vision Globale, il est clair que les petits actionnaires sont lésés, puisque l'agenda est politique et n'est pas dans l'intérêt financier des actionnaires de TVA», insiste-t-il.
Pour sa part, M. McReynolds croit encore possible que l'action de TVA soit réévaluée d'ici deux ou trois ans, si les nouveaux actifs améliorent son profil de croissance. L'action offre encore une option sur une éventuelle offre de Québecor. «À court terme toutefois, d'importants investissements dans ses chaînes spécialisées [et le hockey] réduisent sa rentabilité», dit-il.
L'analyste de RBC accole l'étiquette «spéculatif» au titre et établit un cours cible de 8 $.
«Il est prématuré d'acheter le titre de TVA, puisque ses deux principaux catalyseurs sont loin dans le temps : l'apport prévu en 2017 de TVA Sports au bénéfice d'exploitation et une offre d'acquisition éventuelle de la part de Québecor», avait indiqué Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, dans un rapport publié avant l'achat des magazines, le 17 novembre.