Dans l’industrie impitoyable du transport par camion, Alain Bédard, le grand patron de TransForce se démène pour donner plus de valeur à son entreprise.
Il multiplie les stratégies pour stabiliser et relever le rendement du capital et ainsi obtenir une évaluation supérieure en Bourse.
Après son incursion dans le transport de colis, la consolidation du transport de lots brisés au Canada et l’abandon du transport d’équipements de forage pétrolier, voilà que TransForce (Tor., 24,47 $) prend pied dans le marché américain du transport de lots complets, avec l’achat de Transport America.
La transaction de 310 millions de dollars américains gonflera encore une fois sa dette à près de trois fois son bénéfice d’exploitation, un seuil que Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, juge très élevé pour une entreprise soumise aux aléas de l’économie.
Le risque associé à toute percée américaine, l’absence de coûts à sabrer et les synergies de revenus encore difficiles à quantifier incitent certains analystes à rester prudents face au potentiel cette dernière transaction, à court terme.
« Il y a peu de précédents pour un opérateur nord-américain. Il est donc difficile d’évaluer le potentiel de synergies entre les deux marchés », note M. Chamoun, qui conserve son cours-cible de 24 $.
Actuellement 10 à 11 % des milles parcourus par les camions canadiens de TransForce qui se rendent aux États-Unis reviennent vides.
M. Bédard espère que certains des 750 clients de Transport America rempliront « les camions qui reviennent à Toronto », a dit M. Bédard lors de l’appel conférence tenu pour expliquer l’achat de Transport America.
La société américaine pourrait aussi offrir les services du fournisseur de services de livraison le même jour Dynamex de TransForce aux clients américains de Transport America pour les petits lots.
Un pont vers le Mexique
Un pont vers le Mexique
À long terme, M. Bédard cite aussi le commerce croissant entre le Canada, les États-Unis et le Mexique comme source de croissance.
« Nous pourrions doubler les revenus de Transport America d’ici trois ans », a-t-il lancé avec son optimisme habituel.
Transport America réalise 11 % de ses revenus au Mexique.
Avec 140 acquisitions en 15 ans, M. Bédard ne se formalise pas de cette dette puisque ses flux de trésorerie diminueront l’endettement à 1 milliard de dollars, ou 2,5 fois le bénéfice d’exploitation, à la fin de 2014.
L’acquéreur en série garde les yeux rivés sur sa stratégie.
Avec Transport America, l’entreprise perce le marché américain fragmenté du transport de lots complets à un moment où cette industrie prend du mieux et croît plus vite qu’au Canada.
Après la transaction, TransForce réalisera 40 % de ses revenus aux États-Unis.
Dans ce marché, les volumes et les tarifs de transport augmentent grâce à la reprise et au rapatriement de la fabrication d’outre-mer, ce qui n’est pas le cas au Canada.
Avec Transport America, M. Bédard se dote justement d’une plateforme rentable, d’une jeune flotte de camions et de remorques et de camions et surtout de dirigeants expérimentés, qui pourront la faire croître et réaliser des acquisitions, a-t-il fait valoir pendant l’appel-conférence.
Vers un essaimage aux États-Unis ?
Vers un essaimage aux États-Unis ?
À moyen ou long terme, M. Bédard cherche à valoriser son entreprise.
Or, avec des revenus de 1,2 milliard, sa division nord-américaine de transport de lots complets commence à avoir une taille qui pourrait soit attirer un acquéreur ou des investisseurs.
D’ici deux ou trois ans, TransForce pourrait notamment s’inscrire à la Bourse de New York, où les camionneurs obtiennent une évaluation plus élevée, ou encore essaimer la division de transport de lots complets à ses actionnaires.
« Éventuellement, nous discuterons avec les investisseurs pour établir quel scénario serait dans leur meilleur intérêt de tous les actionnaires », s’est contenté de dire M. Bédard.
Cameron Doersken, de la Financière Banque Nationale, croit que TransForce devra réaliser d’autres acquisitions pour que « sa division de transport de lots complets ait la taille souhaitable pour être monétisée ».
M. Doersken augmente son cours-cible de 24 à 26 $, mais n’en recommande pas l’achat. L’analyste serait toutefois acheteur si l’action reculait.
Pour sa part, David Newman, de Valeurs mobilières Cormark, donne le bénéfice du doute à la stratégie de M. Bédard et augmente son cours-cible de 22,50 à 27 $.
« La transaction est immédiatement rentable et donne à TransForce un tremplin de croissance aux États-Unis, qui pourrait éventuellement faire son entrée à la Bourse de New York », écrit-il.
Il n’est pas le seul puisque l’action de TransForce a gagné 4 % le 3 juin.
Ben Vendittelli, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, se tient prêt à augmenter son cours-cible à plus de 26 $ à mesure que TransForce réduira sa dette et que sa stratégie donnera des résultats.
Rebond prévu au deuxième trimestre
Rebond prévu au deuxième trimestre
Après un hiver rigoureux qui a fait plongé son bénéfice par action de 23 % au premier trimestre, le prochain trimestre s’annonce bien meilleur, a laissé entendre M. Bédard.
La demande s’améliore et certains tarifs, même au Canada.
En outre, ses résultats profiteront de la fermeture des activités de déplacement d’équipements de forage, et du redressement de l’entreprise texane de livraison de colis et de courrier Velocity.
La société devrait aussi bénéficier de la hausse du dollar américain, car elle génère des flux de trésorerie annuels de 172 millions de dollars américains, au sud de la frontière.
Les résultats du trimestre clos le 30 juin seront dévoilés à la fin de juillet.
Huit analystes sur treize recommandent l’achat de TransForce. Leurs-cours cible moyen de 26,96 $ laisse entrevoir un gain potentiel d’encore 10 %.
L’action du transporteur a rebondi de 26 % depuis juin 2013.
.