Avant la téléconférence de Québecor, trois analystes ont réagi à froid à la transaction qui verra le holding média de Pierre-Karl Péladeau, Québecor Média, racheter la moitié des actions que la Caisse de dépôt et placement du Québec, dans cette filiale, qui chapeaute Vidéotron, Groupe TVA et Sun Media.
Ces trois premières réactions divergent :
Endettement accru
«La principale question est de comprendre pourquoi la Caisse choisit de vendre à ce moment-ci. Cette incertitude pourrait peser sur le titre de Québecor, à moins que la société ne l’explique à la satisfaction des investisseurs», écrit Maher Yaghi, de Valeurs mobilières Desjardins.
La transaction accorde une valeur marchande de 6,1 milliards de dollars à Québecor Media, soit 13 % de plus que la valeur d’actif nette que lio accorde M. Yaghi. «Si nous gardons notre évaluation pour Quebecor Media, et que nous ajoutons la dette accrue contractée pour la transaction, la valeur de Québecor baisse de 2 $ par action», ajoute-t-il.
Il mentionne que l’endettement de Québecor passe de 2,9 à 3,7 fois son bénéfice d’exploitation.
Un voile d'incertitude qui disparaît
La valeur de 6 milliards accordée à Québecor Média, que l'on déduit en fonction du prix que paie Québecor pour les actions de la Caisse dans Québecor Media, est aussi supérieure à la valeur de 5 milliards de dollars que lui accordait Adam Shine, de la Financière Banque Nationale.
Toutefois, M. Shine s’attend à ce que l’action réagisse positivement, en s’appréciant de 5 à 10 %, en enlevant l’incertitude entourant la sortie éventuelle de la Caisse de l’actionnariat de Québecor Média.
Une transaction rentable
Greg MacDonald, de Macquarie Securities Group, voit aussi la transaction d’on bon œil, malgré la plus-value que paie Québecor pour un bloc 20,6 % que la Caisse de dépôt détient dans Québecor Média.
« Tout le monde se concentre sur le fait que Québecor paie plus pour les actions de Québecor Média que sa valeur à l'intérieur de Québecor, mais la transaction contribuera aux bénéfices de Québecor, car la société finance la transaction de 1,5 milliard de dollars à un coût de financement modeste », explique-t-il.
Québecor émet une débenture subordonnée convertible de 500 millions de dollars, à un intérêt de 4,125 %, et elle empruntera un milliard de dollars à un coût estimé à 5,5 %. Ces intérêts sont déductibles d'impôts pour Québecor, explique M. MacDonald.
L’émission d’une débenture convertible au profit de la Caisse aura aussi pour effet d’augmenter le nombre de ses actions en circulation de 18 % une fois qu'elle sera convertie en 2018, ce qui améliorera la facilité de négocier le titre de Québecor en Bourse.
M. MacDonald n’exclut pas la possibilité que Québecor émette de nouvelles actions pour financer une partie du milliard de dollars comptant versés à la Caisse de dépôt.
L’emprise accrue qu'aura Quebecor sur sa filiale Québecor Media (de 54,72 % à 75,36 %) devrait aussi donner plus de valeur à Québecor Média dans Québecor, à son avis. Auparavant, la part minoritaire de la Caisse dans Québecor Média était en quelque sorte déduite dans son évaluation à l’intérieur de Québecor.
« C’est une transaction structurée intelligemment qui solutionne en partie le fait que Québecor Média n’était pas pleinement évaluée à l’intérieur de Québecor, et ce à faible coût », dit-il.
On peut comparer ça aux achats médias récents de BCE, évoque M. MacDonard. BCE paie le prix fort, mais ce qu'elle achète contribue positivement à ses bénéfices et à ses flux de trésorerie, car elle se finance à bon compte.
Sous cet angle strictement financier, la transaction est rentable pour les actionnaires de Québecor, aux yeux de M. MacDonald.
Du pour et du contre, après la conférence de Pierre-Karl Péladeau
Du pour et du contre
Après l’appel-conférence, un quatrième analyste, Dvai Ghose, de Canaccord Genuity, soupèse le pour et le contre de la transaction :
La transaction ne change en rien l’exploitation ni la valeur accordée à Québecor Média ou à Québecor, M. Ghose maintient son cours-cible de 43 $.
Il répète toutefois à deux reprises dans son rapport que Québecor n’a pas demandé d’évaluation indépendante d’une tierce partie.
« Les frais d’intérêt additionnels sur la nouvelle dette seront déductibles. Cet avantage fiscal et le fait que Québecor aura dorénavant accès à 75,4 % des flux de trésorerie de Québecor Média, compensent pour la hausse de son endettement, de 2,9 à 3,7 fois le bénéfice d’exploitation », écrit l’analyste.
Québecor recevra en effet 20 millions de dollars de plus en dividendes qu’avant de sa filiale Québecor Média. Ces sommes couvriront essentiellement les intérêts que Québecor devra verser sur la nouvelle débenture convertible de 500 millions de dollars émise à la Caisse, en échange de 10,2 millions de ses actions de Québecor Média.
M. Ghose calcule que la transaction ajoutera 3 % au bénéfice par action de Québecor et 2 % à ses flux de trésorerie par action, en 2013.
« Québecor et Québecor Média paient le fort prix pour racheter une partie de l’intérêt de la Caisse, au moment où les pertes des services sans-fil de Vidéotron ont peut-être atteint leur maximum. L’endettement accru freinera peut-être aussi les ardeurs de Vidéotron pour l’achat de nouvelles fréquences sans-fil hors du Québec, dans les enchères prévue en 2013 », dit-il.
À court terme, la transaction ne change rien non plus à la structure complexe de propriété de la société, déplore-t-il. Les investisseurs continueront à sous-évaluer Québecor Média à l’intérieur de Québecor, en raison de la complexité associée à l’existence de deux holdings. L’une verse des dividendes à l’autre et le pouvoir décisionnel est entre les mains de Québecor.
Surtout que la Caisse de dépôt a le droit en 2019 de vendre ses actions résiduelles de Québecor Média, dans un appel public à l’épargne.
L'action de Québecor réagit peu à la transaction. À 14h15, elle perd 1,2 %, à 33,02 $.