Thomson Reuters confirme ce que certains des analystes avaient vu venir : le géant de l’information financière, légale, fiscale et scientifique a besoin d’un nouveau coup de barre pour accélérer sa relance, qui tarde à donner des résultats.
En janvier, le cahier Investir du Journal Les Affaires avaient identifié Thomson Reuters comme l’un des cinq blue chips canadiens susceptibles de sortir de plusieurs années de torpeur. Un changement de la garde à la tête de la société de portefeuille de la famille Woodbridge, qui contrôle Thomson Reuters, avait alerté certains analystes.
Ils y voyaient déjà un indice que la famille perdait patience de voir l’entreprise donner des rendements six ans après l’achat à fort prix de l’agence Reuters, juste avant la crise financière de 2008.
L’action de Thomson Reuters (Tor., 39,34 $) a rebondi de 33% depuis le début de l’année, mais elle a le même cours qu'en février 1998 et demeure encore loin du zénith de 62 $ atteint pendant la bulle techno de 2000.
Thomson Reuters répond à l’impatience de ses actionnaires en supprimant 3000 autres postes, soit 5% de ses effectifs, principalement à sa division d’information financière née de la fusion de Thomson et de Reuters.
La société vise des économies annuelles de 300 millions de dollars américains qui l’aideront à atteindre la marge d’exploitation de 30% un an plus tôt que prévu, en 2015, explique Aravinda Galappatthige, de Canaccord Genuity.
La société de la famille Woodbridge signale aussi qu’elle fait une croix sur les acquisitions majeures en augmentant l’endettement qu’elle se dit prête à supporter du ratio actuel de 1,9 fois son bénéfice d’exploitation à une nouvelle fourchette de 2 à 2,5 fois.
Ce virage lui permettra d’emprunter pour racheter un milliard de dollars américains ou 3,2% de ses actions en circulation, tout en renflouant ses caisses de retraite américaines et britanniques de 500 millions de dollars, pour la première fois en dix ans.
Cette décision a toutefois un prix: trois agences de notation de crédit ont diminué d’un cran la cote de crédit de la société, qui s’engage à la maintenir dans la catégorie de qualité institutionnelle.
Plus de retour en capital
Plus de retour en capital
«Thomson Reuters devient moins un cas de redressement. La société met l’accent sur la croissance interne et ses marges. Pour les investisseurs, cela veut dire moins de risque, moins d’acquisitions et plus de retour en capital», explique Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux, qui avait pressenti un virage.
L’analyste place toujours Thomson Reuters dans les 15 titres à grande capitalisation favoris de sa firme, en recommande l’achat et maintient son cours-cible de 39$.
Thomson Reuters n’a pas convaincu tous les analystes que sa relance donnera des résultats durables.
Colin Moore, de Credit Suisse, conserve un cours-cible inférieur au cours actuel parce que le nouveau plan de coupes lui apparaît insuffisant pour contrer le plafonnement de ses revenus.
Il s’attend d’ailleurs à ce que les ventes de la division financière, dont les terminaux Eikon ornent les postes de travail des négociateurs et gestionnaires de portefeuilles, redeviennent négatives au prochain trimestre, lorsque les banques renouvelleront leur contrat.
Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, augmente son cours-cible de 35 à 38$, mais juge que l’évaluation du titre monte un peu trop rapidement par rapport à l’amélioration de ses résultats.
«Même en utilisant une évaluation généreuse de 17 fois les bénéfices prévus, le potentiel de gain est limité au cours actuel», dit-il.