Actionnaire de 2,5 millions d’actions de Rona, Richard Fortin, de Bissett Asset Management, est frustré par la tournure des événements chez le quincaillier québécois.
Il s’insurge contre le rejet catégorique de l’offre de l’Américaine Lowe’s par le conseil d’administration, car à ses yeux ses membres manquent à leurs obligations fiduciaires les plus élémentaires envers les actionnaires en refusant de considérer les avances des Lowe’s.
«C’est inacceptable qu’un conseil, dont les membres cumulent à peine 10 000 actions de Rona, décide pour l’ensemble des actionnaires. C’est aux actionnaires que revient le droit de soupeser l’offre de Lowe’s», explique M. Fortin en entrevue.
Il dit comprendre le point de vue des fournisseurs et des marchands de Rona, «mais en fin de compte, nous (les actionnaires) sommes les propriétaires et nous fournissons le capital à la société».
La direction campée sur sa position, page 2
M. Fortin est venu de Calgary rencontrer trois hauts dirigeants de Rona au siège social de Boucherville, pour faire valoir son point de vue et faire pression sur la société.
Dans un entretien qui a duré 1h30, Robert Dutton, président et chef de la direction, Dominique Boies, vice-président principal et chef de la direction financière et Stéphane Milot, directeur des relations avec les investisseurs l’ont écouté poliment, mais la société reste sur ses positions : le repositionnement de Rona, qui vise à relever ses marges en tirant un meilleur rendement de ses investissements, est le meilleur moyen de créer de la valeur pour ses actionnaires.
«M. Dutton semble très émotivement attaché à l’entreprise. Pourtant, si les dirigeants et les administrateurs jugent que l’offre de 14,50 $ de Lowe’s est insuffisante, comment se fait-il qu’aucun d’entre eux n’a acheté des actions depuis?» se demande-t-il.
La réalité est que Rona réalisait un bénéfice de 0,54 $ par action, il y a dix ans. Ce bénéfice a atteint 0,66 $ l’an dernier, après avoir dépensé deux milliards de dollars du capital de ses actionnaires.
Si le conseil persiste dans cette voie, «en tant qu’actionnaires, nous avons des recours», dit-il.
Ouvert à de l'activisme, page 3
Si d’autres actionnaires se regroupaient pour convoquer une assemblée spéciale pour déloger le conseil, M. Fortin n’exclut pas d’y participer.
Lowe’s avait révélé avoir obtenu l’appui de 14 % des actionnaires de Rona à son offre. Ce bloc exclut les actions de Bissett. C’est donc dire que d’autres gros actionnaires évaluent peut-être les recours à leur disposition.
Ces actionnaires pourraient notamment se tourner vers la Cour supérieure du Québec pour faire valoir leur droits, évoque aussi Keith Howlett, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.
M. Fortin enjoint le conseil de Rona d’épuiser toutes les avenues possibles de «création de richesse avec Lowe’s».
Après tout, dit-il, «Lowe’s est encore à la table et laisse entendre qu’elle serait disposée à payer davantage, tout en étant bien au fait des enjeux locaux concernant les fournisseurs notamment», dit-il,
L’offre de 14,50 $ est un bon point de départ, dit M. Fortin, qui estime qu’un prix plus juste serait de 17 à 19 $.
M. Fortin rejoint ainsi M. Howlett, qui persiste à croire que Lowe’s reviendra à la charge avec une meilleure offre d’ici la fin de l’année.
Une offre supérieure, plus près de la valeur juste de 15 à 19 $ avancé par certains analystes, pourrait plus difficilement être rejetée par le conseil, croit M. Fortin.
Nouvelle offensive de Lowe’s ?, page 4
« Lowe’s aimerait mettre la main sur Rona avant qu’elle ne ferme les 20 magasins à grande surface, à l’extérieur du Québec, afin de les convertir à sa propre enseigne », affirme M. Howlett.
Après avoir investi plus d’un milliard de dollars au Canada dans 32 magasins et avoir encouru des pertes d’environ 379 millions de dollars, Lowe’s a intérêt à aller chercher la masse critique nécessaire pour devenir rentable.
M. Howlett lui suggère même une stratégie en quatre étapes : convoquer une assemblée spéciale des actionnaires et d’autres recours légaux, faire une nouvelle offre formelle directement aux actionnaires de Rona, approcher d’autres quincailliers pour les acquérir, et accentuer ses pratiques concurrentielles en Ontario et dans l’Ouest.
L’analyste avance le quincaillier Patrick Morin au Québec (15 magasins) et Kent 38 magasins) dans les Maritimes, comme des cibles potentielles d’affiliation ou d’acquisitions.
«Si Lowe’s et Rona ne concluent pas une transaction d’ici la fin de l’année, une intensification de la concurrence affaiblira Rona », écrit M. Howlett.
Il est dans l’intérêt économique des deux parties de conclure une transaction, selon lui.
Son cours-cible de 16,50 $ reflète une probabilité de 60 % d’une nouvelle offre de 18 $ par action et la probabilité de 40 % d’aucune offre et que le cours de Rona retourne à 11 $.
Le fait que l'action de Rona ne soit pas retombée au cours de 11$ qu'elle avait avant l'intérêt manifesté par Lowe's indique que certains investisseurs spéculent qu'une transaction est encore possible.