MIS A JOUR. Outre l’effet de surprise causé par le départ soudain de Robert Dutton, le surlendemain d’un appel-conférence de routine, Irwin Michael, gestionnaire des Fonds ABC, espère que ce départ servira de déclic pour redonner de la valeur au titre de Rona (Tor., RON, 10,12 $).
« M. Dutton vivait et respirait Rona depuis 35 ans, dont plus de 20 ans au poste de pilotage. Il est sans doute le dernier cadre de l’ancienne garde à quitter l’entreprise », évoque Irwin Michael, dont les fonds détiennent 3 % de Rona.
« On ne sait pas ce qui c’est passé entre mercredi midi et hier soir. Il y a deux jours M. Dutton défendait avec force son plan de relance axé sur la proximité et le service. Le conseil ou la Caisse de dépôt et placement du Québec ont visiblement changé de cap et poussé M. Dutton vers la sortie », spécule M. Michael.
Il note d’ailleurs que Rona a suspendu la fermeture prévue de ses magasins de grande surface, qui intéressent le plus l'Américaine Lowe’s (NY, LOW, 31,60 $ US).
De toute évidence, le gestionnaire de portefeullles n’est pas le seul à croire que le départ de M. Dutton ouvre la porte à toutes sortes d’occasions pour revaloriser la société en Bourse, incluant de nouveaux pourparlers avec Lowe’s ou encore une autre « solution de Québec inc. « qui aimerait garder la propriété du quincaillier québécoise.
L’action de Rona a en effet gagné 8,2 % vendredi le 9 novembre. Rappelons que Lowe’s avait offert 14,50 $ par action dans sa proposition initiale, en juillet.
« On n’a jamais compris comment le conseil avait pu refuser du revers de la main une première avance d’un acquéreur. Il est de leur devoir envers les actionnaires de la considérer », a ajouté M. Michael.
Si le départ de M. Dutton s’avère le déclencheur souhaité, l’action de Rona est bon marché à son cours actuel de 10,12 $, l’action se négocie encore sous la valeur comptable tangible (qui exclut les actifs intangibles) de 10,72 $, précise M. Michael.
Le conseil devra considérer toutes les avenues, car si l'entreprise continue dans la voie actuelle, la "valeur de son fonds de commerce se dépréciera un peu plus chaque jour ", conclut M. Michael.
La pression sur Rona est forte. La Caisse de dépôt et placement du Québec a dépensé 44 millions de dollars pour acheter deux blocs importants de Rona, payant jusqu'à 14,167 $ pour 2,4 millions de ses actions, en juillet et le 4 septembre. La Caisse détient 14,2 % de Rona.
Quant au principal intéressé et principal actionnaire avec 14 % des actions, la Caisse se contente de "saluer la très grande contribution de M. Dutton, sans qui la société ne serait pas l'acteur d'envergure qu'il est aujourd'hui. Les plus récents résultats renforcent l'importance pour Rona de regarder vers l'avenir et de consacrer tous ses efforts à améliorer sa performance ", a déclaré Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse.
Le conseil doit se pencher sur toutes les options
Le conseil doit se pencher sur toutes les options
« Nous espérons que le départ de M. Dutton signale que le conseil est disposé à considérer toutes les options pour créer de la valeur pour les actionnaires », a déclaré Richard Fortin, gestionnaire de portefeuilles, chez Bissett Asset Management.
Les fonds que M. Fortin gère possèdent 1,7 % des actions de Rona.
En septembre, M. Fortin est venu de Calgary rencontrer trois hauts dirigeants de Rona au siège social de Boucherville, pour faire valoir son point de vue et faire pression sur la société.
Dans un entretien de 90 minutes, Robert Dutton, président et chef de la direction, Dominique Boies, vice-président principal et chef de la direction financière et Stéphane Milot, directeur des relations avec les investisseurs l’avaient écouté poliment.
Les dirigeants étaient toutefois restés sur leurs positions : le repositionnement de Rona, qui vise à relever ses marges en tirant un meilleur rendement de ses investissements, est le meilleur moyen de créer de la valeur pour ses actionnaires.
Pourtant, ni la société, ni ses dirigeants, ni ses administrateurs n’ont acheté d’actions de Rona pendant la chue de 35 % du titre, après l’échec de l’offre de Lowe’s, note M. Fortin.
« Clairement, les plus récents résultats indiquent que le plan de relance ne fonctionne pas. La société a perdu 600 millions de valeur depuis juillet. Les 40 millions d’économies visées dans le plan de relance ne font pas le poids », a ajouté M. Fortin.
Des changements au conseil suivront
Des changements au conseil suivront
Le départ de M. Dutton ravivera toutes les spéculations sur l’avenir du quincaillier et entraînera d’autres changements au conseil, prévoit Mark Petrie, de CIBC Marchés mondiaux, dans une note intitulée « à la recherche d’une direction ».
L’embauche d’une firme externe pour recruter un nouveau président plonge aussi l’entreprise dans des mois d’incertitude concernant son leadership, ajoute l’analyste.
« Lowe’s est toujours intéressée à Rona. Nous avons toujours pensé qu’il reviendrait à la charge si le conseil devenait plus réceptif ou si le climat politique changeait concernant le rachat de sociétés québécoises par des étrangers », écrit M. Petrie.
La valeur de toutes les pièces de Rona vaut toujours plus de 16 $ par action, à son avis.
En attendant une offre potentielle, Rona fait face à d'énormes défis pour rediriger ses ventes dans ses plus petits magasins, au moment où l’industrie résidentielle ralentit et où la concurrence s'intensifie, ajoute-t-il.