Les analystes ont rarement été aussi divisés concernant les perspectives boursières de l'épicier Metro (Tor., MRU, 86,75 $), après le bond de 34 % de son action en 2014.
Deux recommandations de vente ont d'ailleurs fait trébucher son titre de 4 % après son sommet de 90,51 $, le 19 novembre.
L'enjeu : le titre mérite-t-il son évaluation record en Bourse ?
David Hartley, de Credit Suisse, croit que non. «L'absence de catalyseur réel suggère que le titre est surévalué ou que sa hausse provient surtout de mouvements des capitaux [dans tous les titres de la consommation de base]», écrit l'analyste, qui établit son cours cible à 75 $.
L'action de l'épicier n'a pas été aussi chèrement évaluée depuis 2001, à part au moment de l'achat d'A&P Canada en 2005, précise-t-il.
Le placement de Metro dans Alimentation Couche-Tard (Tor., ATD.B, 38,64 $) joue également un rôle dans la poussée de l'épicier cette année. Le bond de 45 % d'Alimentation Couche-Tard fait en sorte qu'il représente 18 % de la valeur boursière de l'épicier, au moment où l'évaluation de l'exploitant de dépanneurs est aussi la plus élevée en 12 ans (23 fois ses bénéfices prévus), fait remarquer M. Hartley.
Le débat ne s'arrête pas là. Perry Caicco, de Marchés mondiaux CIBC, doute aussi du fait que la performance du quatrième trimestre de Metro puisse durer. La hausse de 3,1 % des ventes comparables des épiceries ouvertes depuis plus d'un an, au quatrième trimestre, a été la meilleure depuis 2011 et est supérieure à celle de son rival Loblaw (Tor., L, 60,11 $).
En excluant l'inflation, l'amélioration de ces ventes a été de 0,6 % au quatrième trimestre. M. Caicco affirme que ce gain provient surtout du redressement de sa chaîne ontarienne au rabais, Food Basics, dont les ventes chutaient à pareille date en 2013. L'enseigne Super C est l'équivalent de Food Basics au Québec.
«L'action de Metro s'est appréciée un peu trop rapidement. L'épicier doit investir d'importants capitaux en Ontario s'il veut rester concurrentiel», dit-il.
L'analyste calcule que ses magasins ontariens auraient besoin d'un rajeunissement de 400 millions de dollars d'ici trois ans, pour «entrer au 21e siècle, combattre la montée des épiciers ethniques et rivaliser avec les nouvelles épiceries FreshCo de Sobeys».
«Metro n'exploite pas du tout le fait que ses épiceries conventionnelles bénéficient des meilleurs emplacements urbains de son industrie en Ontario», ajoute M. Caicco.
Metro a prévu des investissements de 40 M$ en Ontario, en 2015, sur un budget total de 290 M$.
Bien qu'il soit satisfait de la performance de Metro dans un environnement encore exigeant, Vishal Shreedhar, de la Financière Banque Nationale, s'attend aussi à ce que ses ventes comparables progressent moins vite, au cours des 12 prochains mois.
Les ventes du quatrième trimestre ont déjà bénéficié au maximum du bond marqué du prix des viandes, que Metro a refilé en partie aux consommateurs, explique l'analyste.
Des partisans d'un multiple plus élevé
Vishal Shreedhar recommande tout de même l'action de Metro et hausse sa cible de 80 $ à 92 $.
L'évaluation de son titre est encore acceptable (10 fois son bénéfice d'exploitation) lorsqu'on la compare à celles d'autres titres de la consommation de base, tels que l'entreprise de Longueuil, Groupe Jean Coutu (Tor., PJC.A, 26,79 $), qui vaut 14,8 son bénéfice d'exploitation ou la montréalaise Groupe Saputo (Tor., SAP, 32,77 $), qui se négocie à 13,1 fois le sien.
Le titre de Metro mérite d'être réévalué, estime Patricia Baker, de Banque Scotia.
«Son multiple plus élevé est une reconnaissance de sa capacité à performer de façon constante. La réévaluation reflète aussi la concurrence un peu moins intense et l'effet favorable de l'inflation», dit-elle. Son nouveau cours cible : 95 $.