En mai, José Boisjoli, prenait la route pour une importante tournée de près de trois semaines dans une douzaine de villes pour rencontrer personnellement les investisseurs institutionnels. Nous l'avons rencontré pour qu'il nous raconte comment il a vécu ce road show, qui s'est terminé à quelques heures seulement de l'entrée du fabricant de produits récréatifs à la Bourse de Toronto.
Parti de la petite municipalité estrienne de Valcourt, son voyage l'a mené aux quatre coins de l'Amérique du Nord : de New York à San Francisco, en passant par Boston, Philadelphie, Baltimore, Chicago, Vancouver, Winnipeg, Toronto et Montréal.
Dans certaines villes, le président et chef de la direction de BRP en a même profité pour y exposer un Ski-Doo, un Sea-Doo, un Spyder et d'autres produits ou accessoires.
Cette tournée, qui a donné lieu à plus de 80 rencontres avec quelque 225 investisseurs institutionnels potentiels, s'est terminée en Europe (Londres puis Paris, le 28 mai) la veille de l'entrée de BRP à la Bourse de Toronto.
«Il y a eu des dernières discussions avec les membres du conseil, qui se sont terminées à 3 heures du matin. Quand on a pris l'avion à 10 heures, les marchés n'étaient pas encore ouverts et, à notre arrivée à Montréal, on s'est empressés d'ouvrir nos cellulaires pour savoir le prix de l'action», se rappelle José Boisjoli, rencontré à ses bureaux de L'Île-des-Soeurs.
Les nouvelles étaient bonnes. Émises au prix maximum de la fourchette ciblée, qui allait de 18,50 à 21,50 $, les actions de BRP ont clôturé leur première séance officielle à la Bourse de Toronto à 25 $ pile. Lors de l'annonce de ses derniers revenus trimestriels record de 866 millions de dollars, dévoilés le 12 décembre, le titre DOO a clôturé à 28,54 $.
Le moment propice
Ce n'était qu'une question de temps avant que le fabricant de la première motoneige du monde fasse son premier appel public à l'épargne. En décembre 2003, la division des produits récréatifs de Bombardier avait été vendue à près d'un milliard de dollars au fonds d'investissement privé américain Bain Capital (50 % des actions), à la Caisse de dépôt et placement du Québec et à des membres de la famille Beaudoin.
Comme Bain Capital conserve sa participation dans le capital d'une entreprise pendant une moyenne de sept ans, il était donc clair, dès le rachat de BRP, que l'entreprise allait tôt ou tard faire son entrée à la Bourse.
«Les gens croient que des actionnaires comme Bain ont une vision à très court terme, que l'entrée en Bourse devient un sujet de conversation à toutes les réunions du conseil. Mais ce n'est pas le cas. Il n'y a jamais eu de pression de nos actionnaires pour inscrire la société en Bourse le plus tôt possible, même si nous savions que nous devions un jour emprunter ce chemin», affirme M. Boisjoli.
Le dirigeant précise avoir été le premier à aborder le sujet lors d'une rencontre du conseil d'administration, en septembre 2012. Les discussions se sont poursuivies lors de rencontres tenues en décembre puis en janvier.
L'entreprise a ensuite fait appel à BMO Marchés des capitaux, à RBC Marchés des Capitaux, à UBS valeurs mobilières et à Marchés mondiaux Citigroup Canada, ses quatre principaux banquiers. Ils ont agi comme preneurs fermes de ce placement, ce qui a permis à BRP de récolter 262,3 M$, soit l'un des plus importants appels publics à l'épargne réalisés au Canada en 2013.
«Le timing était bon. Comme la situation s'améliorait de trimestre en trimestre, j'ai mentionné aux actionnaires que, s'ils voulaient faire un appel public, c'était le bon moment.»
La crise de 2008, qui a frappé de plein fouet les entreprises sensibles aux cycles économiques comme l'est BRP, a néanmoins retardé son entrée en Bourse, reconnaît M. Boisjoli.
«Nous avions eu de bonnes croissances de 2004 à 2008. Puis la crise est arrivée, ce qui a été très difficile pour nous et l'industrie. Nous avons été doublement touchés, étant obligés de réduire la production et d'aider les concessionnaires à écouler les produits», dit-il.
De 2008 à 2010, les revenus de BRP ont chuté de 40 % et son bénéfice d'exploitation, de 56 %. Par la suite, la société a vu la lumière au bout du tunnel, enregistrant des revenus record de 2,9 G$ et un bénéfice net de 121 M$ au cours de l'exercice financier terminé le 31 janvier 2013.
La grande séduction
Grâce à ces résultats, BRP annonçait, le 17 avril, qu'elle se préparait à entrer en Bourse et déposait un prospectus provisoire. Et José Boisjoli pouvait amorcer son marathon pour tenter de séduire des investisseurs institutionnels canadiens, américains et européens.
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La grande séduction
Grâce à ces résultats, BRP annonçait, le 17 avril, qu'elle se préparait à entrer en Bourse et déposait un prospectus provisoire. Et José Boisjoli pouvait amorcer son marathon pour tenter de séduire des investisseurs institutionnels canadiens, américains et européens.
«C'est une expérience exceptionnelle que peu de gestionnaires ont à vivre durant leur carrière. Mais c'est aussi très exigeant et éreintant», dit celui qui était accompagné de Claude Ferland et Jon Reider, respectivement chef de la direction financière et responsable des relations avec les investisseurs de BRP, et d'un représentant du syndicat de courtiers mené par BMO, RBC, UBS et Citigroup.
Les journées de présentations, organisées à tour de rôle par l'une de ces quatre institutions financières, commençaient souvent à 7 heures pour se terminer à environ 21 heures. José Boisjoli laissait aux investisseurs le choix d'opter pour la présentation de l'entreprise dans des versions de 7, 15 ou 30 minutes. Celle de 7 minutes s'est avérée la plus populaire, laissant plus de temps pour les questions.
D'autant que «la plupart des investisseurs s'étaient très bien préparés, ils avaient bien lu le prospectus provisoire».
Les questions portaient principalement sur les perspectives de croissance et le développement des produits de BRP. Les investisseurs qui avaient une vision à plus long terme se sont aussi particulièrement intéressés à la feuille de route des dirigeants, à leur style de gestion, de même qu'aux questions de gouvernance.
José Boisjoli était en mesure de leur répondre, car il connaît bien la culture organisationnelle de BRP pour y avoir quasiment grandi. L'ingénieur de formation, qui s'est joint à l'ancienne division des produits récréatifs de Bombardier en 1989, compte plus de 20 ans d'expérience dans des domaines allant de l'ingénierie de produits au marketing, en passant par les activités manufacturières, les finances ou l'assurance qualité.
En 1998, il était nommé président de la division des motoneiges et des motomarines, alors la plus importante de Bombardier Produits récréatifs, tandis que la gestion de la division des véhicules tout-terrain s'ajoutait à ses responsabilités en 2001. En 2003, lors du rachat de l'entreprise, Laurent Beaudoin lui donnait les commandes de la nouvelle société. Dix ans plus tard, voilà qu'il la conduit à la Bourse de Toronto.