Six ans après la reprise boursière, l'investissement à l'étranger se complique avec la divergence des économies, des politiques monétaires et des monnaies. On vous explique comment quatre as de la sélection mondiale de titres naviguent dans des eaux plus mouvementées et où ils trouvent leurs placements.Patrice Quirion - Fonds Fidelity Actions - Mondiales - Concentré
Actif en gestion : 52 M $
Ratio de frais de gestion : 2,40 % (série B)
Rendement 1 an : 13,9 %
Encaisse : 1,7 %
Principal pays : États-Unis, 43 %
Principale industrie : Consommation, 36 %
Style de gestion : Un petit fonds qui peut investir partout dans le monde sans contrainte, dans des entreprises aux perspectives assez prévisibles
À mi-chemin du cycle de croissance économique, les divergences entre les politiques monétaires et la performance des Bourses continueront de s'accentuer, prévoit Patrice Quirion, gestionnaire du petit Fonds Fidelity Actions mondiales - Concentré.
«Je choisis des titres et non des pays, mais le portrait global influence tout de même où je n'investis pas. J'évite les pays qui ont des problèmes structurels», explique le jeune gestionnaire de Montréal à qui Fidelity a confié la gestion entière d'un premier fonds, il y a un an.
Par exemple, l'inévitable assainissement des mauvais prêts des gouvernements locaux et des banques en Chine comporte des risques élevés. «Les rares entreprises chinoises indépendantes du gouvernement, rentables et peu cycliques sont chèrement évaluées», indique celui qui a reçu son diplôme de HEC Montréal en 2004.
Au Brésil et en Russie, les gouvernements haussent les taux pour défendre leur monnaie, ce qui nuit à leur économie. «L'évaluation des pays émergents semble attrayante, mais le rapport risque-potentiel ne l'est pas, parce que ces pays sont à la merci des capitaux étrangers pour financer leurs déficits», dit-il.
En Europe, les réelles aubaines sont assez rares, parmi les titres de qualité. Malgré tout, le solide géant de l'alimentation Nestlé tire son épingle du jeu, en dépit de l'appréciation du franc suisse. «Son évaluation de 20 fois les profits me paraît soutenable. L'action peut progresser au rythme des bénéfices même si son multiple reste le même», explique le détenteur d'une maîtrise en finance de l'Université Queen's.
Le principal titre du fonds est le gestionnaire et fonds d'investissement privé allemand Partners Group Holding AG, spécialisé dans les PME privées, un créneau qu'il domine.
«La croissance de ses revenus est assez stable, puisque ses honoraires sont calculés sur les montants investis par ses clients et non sur la valeur marchande de ses placements», précise le gestionnaire de 32 ans.
Le constructeur Volkswagen est un moyen selon lui de miser sur l'éventuel rebond de la demande d'automobiles en Europe, rebond qu'ont connu les États-Unis pendant leur reprise.
La société britannique Burberry est une façon détournée de profiter de la consommation de produits de luxe en Chine. «En Chine, la surcapacité est dans les secteurs manufacturier et des infrastructures, pas dans la consommation que le gouvernement encourage», raisonne M. Quirion.
Aux États-Unis, la consommation occupe une bonne part du portefeuille pour ses atouts structurels et tactiques.
«Le bon rendement financier propre aux entreprises performantes de ce secteur tout comme leurs revenus assez prévisibles diminuent nos risques. En même temps, ce secteur est le plus susceptible de profiter de consommateurs plus dépensiers, maintenant que l'emploi et les revenus gagnés s'améliorent et que les prix de l'essence et des aliments reculent», soutient M. Quirion.
Dans la consommation, des titres de médias tels que Walt Disney et Comcast côtoient ceux du brasseur Anheuser-Busch et du détaillant Home Depot.
Nadim Rizk - Fonds Fiera Actions mondiales
Actif en gestion : 100 M$ (3,5 G$ dans le fonds institutionnel)
Ratio de frais de gestion : 1,90 % (série B) et à 2,65 % (série B)
Rendement 3 ans : 22,7 %
Encaisse : 0 %
Principal pays : États-Unis, 52 %
Principale industrie : Finance, 25 %
Style de gestion : Le fonds investit dans des entreprises performantes dont les avantages concurrentiels et le potentiel de croissance semblent les plus durables.
Nadim Rizk ne jure que par la constance du rendement du capital investi. C'est la meilleure façon selon lui de déceler des entreprises bénéficiant d'avantages concurrentiels durables et d'un pouvoir pour imposer leur prix, ce qui leur assure des marges supérieures à la moyenne.
Les élues sont rares, et M. Rizk aime les acheter lorsque leur cours baisse et les conserver longtemps. En général, le gestionnaire de Montréal déniche la moitié de ses élues aux États-Unis où le dynamisme inégalé du système capitaliste et l'agilité des entreprises en multiplient le nombre.
«Dans les marchés développés, les investisseurs sous-estiment l'avantage que procure sur les rendements à long terme une économie aussi flexible qui croît de 3 % au lieu de près de zéro. L'effet de composition à long terme d'un tel point de départ est énorme», explique le gestionnaire de 40 ans.
Le récent recul des Bourses aura été de trop courte durée pour que M. Rizk puisse saisir les occasions qu'il convoitait, mais ce n'est que partie remise, dit-il.
Il aurait entre autres bien aimé mettre la main sur d'autres actions de MasterCard (NY, MA, 84,05 $ US), un placement qu'il avait réduit pendant la montée boursière de 2013 parce qu'il pesait un peu trop lourd en portefeuille.
«Un cours de 65 à 66 $ US offrirait un potentiel de rendement de l'ordre de 12 à 15 %. Dans ses meilleures années, son rendement du capital peut atteindre de 40 à 50 %», précise-t-il.
M. Rizk a aussi presque acheté le fabricant danois d'enzymes pour yogourt et fromage Chr. Hansen (OMX, CHR, 246,60 couronnes), réputé pour sa gestion et son innovation. Le titre serait attrayant s'il était de 180 à 190 couronnes.
Avec sa position de chef de file d'un oligopole mondial, dans le créneau stable de l'alimentation, la société dégage un rendement du capital de l'ordre de 20 %. «Puisque les enzymes donnent aux produits laitiers toute leur texture et leur goût, les Danone de ce monde ne réduiront jamais cette dépense qui représente une faible part du coût total du produit», dit M. Rizk.
Le gestionnaire se tient prêt également à acheter Mondelez International (Nasdaq, MDLZ, 38,99 $ US), la filiale de croustilles et de biscuits dont Kraft a divorcé en 2012. «L'actionnaire activiste Nelson Peltz veut faire un coup d'argent rapide. Nous souhaitons plutôt que la société se restructure pour réinvestir et durer. Ça passera probablement par l'éjection de sa présidente actuelle, Irene Rosenfeld», prévoit-il. Quel déclic attend-il pour acheter Mondelez ? Une évaluation plus attrayante et une stratégie plus visible pour améliorer le rendement du capital.
Paul Musson - Fonds Mackenzie Ivy Actions mondiales
Actif en gestion : 3,5 G$
Ratio de frais de gestion : 2,56 %
Rendement 3 ans : 13,7 %
Encaisse : 16 %
Principal pays : États-Unis, 45 %
Principale industrie : Consommation de base, 21 %
Style de gestion : Portefeuille concentré de 31 multinationales de haute qualité, achetées à bon prix
C'est encore aux États-Unis que Paul Musson repère le plus de sociétés de haute qualité qu'il recherche à une évaluation raisonnable.
«C'est là où se retrouve la plus forte concentration du monde de sociétés générant les bons rendements sur le capital et les flux de trésorerie élevés qui améliorent nos chances d'atteindre nos objectifs sur un horizon de 7 à 10 ans», explique le gestionnaire qui a grandi dans l'ouest de l'île de Montréal et qui a fréquenté l'Université Concordia.
M. Musson et son équipe visent à surpasser l'indice Morgan Stanley (MSCI) mondial sur un cycle économique complet, tout en préservant le capital des investisseurs pendant les mouvements baissiers.
Le fonds, qui négocie peu, a notamment acheté les titres de Johnson & Johnson (NY, JNJ, 106,88 $ US) et Procter & Gamble (NY, PG, 88,11 $ US), au troisième trimestre.
Sous l'impulsion de nouveaux présidents, ces deux géants de la consommation se recentrent tous deux sur leurs forces, après une période d'égarement.
Ce retour aux sources et de nouvelles priorités devraient procurer une meilleure croissance et de meilleurs rendements au cours des prochaines années, croit le gestionnaire.
Même si les entreprises américaines sont les plus nombreuses dans le portefeuille concentré de 31 titres, leur proportion actuelle de 45 % est nettement inférieure à ce qu'elle a déjà été.
«Cela indique qu'il y a moins de multinationales qu'avant qui satisfont nos critères d'évaluation, après six ans de marché haussier», explique M. Musson.
En fait, le prolongement du taux zéro, un peu partout dans le monde industrialisé, a déformé et a soufflé la valeur de tous les actifs financiers, craint-il. Pour cette raison, le fonds a aussi plus d'encaisse (16,7 %) que de coutume.
«Compte tenu de l'évaluation récente des cours, les rendements annuels composés que nous projetons sur dix ans pour certains titres sont passés de 12 à 7 %. Par conséquent, notre discipline nous dicte de prendre des demi-positions dans nos titres», précise M. Musson.
L'évaluation modeste de la Corée fait exception. La dévaluation rapide du yen par sa grande rivale japonaise met en doute la capacité concurrentielle des exportateurs coréens.
Le fonds de M. Musson a donc fait ses premiers achats à vie en Corée l'an dernier, avec le constructeur automobile Hyundai Motors et l'institution financière Shinhan Financial Group.
La première se négocie à un multiple de 6 à 7 fois ses bénéfices, tandis que la deuxième vaut 10,8 fois les siens.
Jeff Hyrich - Fonds Destinée mondiale Trimark
Actif en gestion : 889 M$
Ratio de frais de gestion : 2,67 %
Rendement depuis 10 ans : 7,4 % (au 12 nov. 2014)
Encaisse : 19 %
Principal pays : États-Unis, 27 %
Principale industrie : Consommation discrétionnaire, 25 %
Style de gestion : Portefeuille concentré de 36 sociétés à moyenne capitalisation partout dans le monde, qui occupent une position de chef de file dans leur secteur
L'encaisse élevée du fonds que gère Jeff Hyrich reflète la difficulté qu'il a à dénicher des multinationales performantes de taille moyenne, à bon prix.
«Depuis deux ans, nous avons acheté avec parcimonie et surtout diminué certains de nos placements pendant la hausse», dit-il.
Son fonds n'a aucun placement au Japon où la banque centrale tente une fois de plus d'extirper le pays de sa spirale de décroissance et de déflation avec des interventions d'une ampleur sans précédent.
«Les sociétés japonaises dominantes, soit par leur part de marché ou leur avance technologique, dégagent de très faibles rendements sur le capital et croissent bien peu depuis 5 à 10 ans», justifie-t-il.
En Europe, les multinationales dans lesquelles les investisseurs se sont réfugiés sont aussi chèrement évaluées.
«Certaines banques européennes se négocient sous leur valeur comptable, mais qui sait quels squelettes se cachent encore dans leur placard», évoque le gestionnaire de 39 ans.
M. Hyrich a l'oeil plus aiguisé dans les marchés émergents, parce que les investisseurs fuient ces marchés. Il a commencé à accumuler certains titres qu'il ne peut pas encore dévoiler.
Le gestionnaire a aussi ajouté à son placement dans le fabricant de pièces d'origine pour les véhicules Hyundai et Kia, Hyundai Mobis, un titre qu'il détient depuis sept ans.
L'achat à prix fort d'un énorme terrain par sa société mère Hyundai Motor Group a fait flancher tout l'empire Hyundai en Bourse. L'évaluation de Hyundai Mobis est donc tombée à six fois son bénéfice.
Le conglomérat compte regrouper toutes ses filiales et greffer un parc thématique sur l'automobile, un hôtel et un centre des congrès.
«Les investisseurs dans Hyundai auraient aimé un meilleur usage de son capital, mais à long terme cet investissement n'entache pas les perspectives de sa filiale de pièces», fait-il valoir.
Depuis dix ans, la société a accru ses bénéfices à un rythme annuel composé de 19 %. Hyundai Mobis devrait aussi continuer à gagner des parts du marché mondial de l'automobile, en Chine et en Inde notamment.
M. Hyrich a aussi ajouté à son placement dans le détaillant sud-africain de meubles et d'électroménagers Lewis (Johannesburg, 7 350 rands). La société, dont les magasins sont pour la plupart en zone rurale, bénéficiera notamment des difficultés financières de deux de ses rivaux.
«Puisque ses clients viennent en magasin tous les mois pour payer les versements mensuels de leurs achats, les gérants ont bâti un rapport étroit avec eux, ce qui diminue le risque de crédit», explique M. Hyrich.
Depuis l'an dernier, un ralentissement minier nuit à l'économie locale et pèse sur son titre, dont l'évaluation est tombée à six fois ses bénéfices. Le rendement de son dividende a aussi grimpé à 10 %.
Le détaillant devrait pourtant continuer à produire une croissance de 8 % de ses bénéfices par année, à augmenter son dividende de 10 % annuellement et à dégager un rendement de l'avoir des actionnaires de 19 %, comme il l'a fait depuis cinq ans.