Plusieurs gestionnaires et analystes annoncent une année volatile sur les marchés boursiers. Tandis que le marché haussier (bull market) a maintenant six ans, la Réserve fédérale américaine s'apprête à normaliser sa politique monétaire en haussant les taux d'intérêt. Les rebondissements risquent d'être nombreux.
Dans ce contexte, l'idée nous est venue de proposer une initiation à l'analyse technique. Certains investisseurs considèrent cet outil comme la plus grande escroquerie de l'histoire de la Bourse, mais d'autres ne jurent que par lui. Beaucoup de négociants en devises y ont recours.
L'analyse technique permet d'établir des tendances, de signaler des renversements. Certains l'utilisent aussi pour fixer des objectifs de prix. La meilleure façon de l'employer est sans doute de la combiner à l'analyse fondamentale traditionnelle.
Nous avons consulté plusieurs analystes techniques chevronnés qui nous ont expliqué quatre méthodes qu'ils emploient pour déceler les tendances et les bons moments d'acheter et de vendre.
En Bourse, rien n'est jamais garanti. De plus, ces spécialistes le reconnaissent eux-mêmes, il vaut mieux recourir à plus d'un indicateur. «La règle est qu'un signal d'achat ou de vente est d'autant meilleur que plusieurs indicateurs le confirment», disent-ils unanimement.
LE PREMIER OUTIL
Le RSI
On entend souvent dire que le marché est suracheté ou survendu. Il y aurait eu trop d'acheteurs ou de vendeurs durant une certaine période, et le marché a maintenant besoin de corriger cet excès. L'indicateur de force relative, le RSI (Relative Strength Index), est reconnu comme étant l'un des meilleurs indicateurs pour cerner et mesurer ce phénomène.
Le RSI est très populaire auprès des investisseurs et des arbitragistes pour les signaux d'achats et de ventes qu'il dégage, explique Ismaël Chiadmi, directeur de l'analyse quantitative chez Montrusco Bolton, une firme de gestion de portefeuille de Montréal. «Si le RSI est si populaire, c'est qu'il mesure à la fois l'intensité des mouvements des marchés et leur tendance», dit-il.
L'indicateur se calcule facilement. C'est la moyenne des mouvements à la hausse divisée par la moyenne des mouvements à la baisse pendant un certain nombre de périodes. La formule est : RSI = 100-100(1/RS), RS étant la moyenne des hausses moins la moyenne des baisses.
La période la plus fréquemment utilisée pour le RSI est celle de 14 jours. M. Chiadmi préfère utiliser le RSI sur 11 jours, car il donne selon lui un signal plus rapide. Le RSI est aussi un indicateur intéressant ; en effet, comme il est largement suivi, il tend à induire les mouvements qu'il anticipe.
L'indicateur oscille entre 0 et 100. Lorsqu'il franchit le niveau de 70, le titre est considéré comme étant suracheté. De nouveau inférieur à 70, il donne un signal de vente. Inversement, en chutant sous le niveau de 30, il signale un état survendu. Le signal d'achat se produit dès que l'indice repasse au-dessus de 30.
Pour utiliser le RSI de façon efficace, il importe de bien attendre le signal qui survient uniquement quand l'indicateur se resitue en dessous de la ligne de 70 et au-dessus de celle de 30, dit M. Chiadmi. «Le marché pour un titre peut rester longtemps suracheté ou survendu et continuer dans la même direction», dit-il. L'investisseur qui aura agi précipitamment risque alors de subir des pertes ou un manque à gagner s'il a acheté ou vendu avant que le signal ne soit donné.
Le RSI a fourni deux excellents signaux au cours des six derniers mois, un d'achat et un de vente, aux investisseurs qui s'intéressaient au fonds négocié en Bourse SPDR Gold Shares (Tor., GLD, 115,43 $), dont le prix fluctue en fonction du prix de l'or.
À la fin d'octobre, l'indicateur montrait que le marché de l'or était survendu (RSI inférieur à 30). Deux semaines plus tard, l'indicateur donnait un signal d'achat en excédant 30. Le SPDR Gold Shares a alors entrepris un mouvement haussier qui lui a permis de progresser de 110 $ à 125 $. De même, vers le 15 janvier, le RSI a dépassé 70, donnant ainsi l'alerte que le marché était maintenant suracheté. Il a ensuite donné un signal de vente en se situant en dessous de 70 à la fin du mois. Depuis, le cours du fonds GLD est revenu à 110 $.
Cela reste un cas intéressant à suivre, souligne Ismaël Chiadmi. «Au moment d'écrire ces lignes, le RSI a redescendu en bas de 30, ce qui signale que le marché est de nouveau survendu, dit-il. Mais le signal d'achat ne sera en vigueur que lorsque l'indicateur repassera au-dessus de 30.»
LE DEUXIÈME OUTIL
La moyenne mobile de 200 jours
La tendance est votre amie. Voilà une maxime souvent utilisée lorsqu'il est question de marchés boursiers. Parmi les nombreux indicateurs techniques, ce sont les moyennes mobiles qui permettent le mieux de repérer la tendance, explique Monica Rizk, analyste sénior chez Phases & Cycles, une firme de gestion de Montréal spécialisée en analyse technique.
La moyenne mobile de 200 jours est la moyenne des prix de fermeture des 200 derniers jours. Pour tracer sa courbe, on n'a qu'à enlever le cours de la date la plus lointaine et la remplacer par la plus récente.
La moyenne mobile de 200 jours s'avère la plus efficace pour juger de la tendance à moyen terme pour un titre, alors que la moyenne mobile de 50 jours est utilisée pour évaluer la tendance à court terme.
Les titres les plus intéressants à acheter sont ceux qui se négocient au-dessus de leur moyenne mobile, au moment où celle-ci affiche une pente ascendante, explique Mme Rizk. «Cet état démontre que les investisseurs sont des plus enthousiastes quant aux perspectives du titre», dit-elle.
Inversement, il faut se méfier des titres qui se situent en bas de leur moyenne mobile, surtout quand celle-ci présente une pente descendante.
Le graphique boursier d'Apple (Nasdaq, AAPL) illustre bien le confort que peut trouver un investisseur à long terme grâce à la moyenne mobile de 200 jours, note Mme Rizk. Au moment où le prix a franchi sa moyenne mobile de 200 jours en 2009, le signal de l'amorce d'une tendance positive était donné. Le cours de l'action s'est apprécié de plus de 450 % durant les trois années qui ont suivi. Mais en 2012, le titre a dépassé sa moyenne mobile et reculé de 33 % avant de trouver un point de support. Puis, en 2013, il a de nouveau croisé sa moyenne mobile par le haut, ce qui a marqué le début d'une nouvelle tendance haussière qui se poursuit toujours actuellement.
Un autre atout de la moyenne mobile de 200 jours, c'est qu'elle agit souvent comme un aimant pour le cours du titre, explique l'analyste. «Les titres ont tendance à revenir vers leur moyenne mobile de 200 jours lorsqu'ils s'en éloignent trop», dit Monica Rizk. Ces situations sont propices à des réalisations de profits, le temps que le titre se rapproche de sa moyenne mobile.
Comme on le constate dans le graphique ci-contre du Canadien Pacifique (Tor., CP, 230,37 $), à trois reprises (mai 2013, ainsi que mars et octobre 2014), quand le cours de l'action s'est éloigné de façon importante de sa moyenne mobile, il est revenu vers celle-ci.
LE TROISIÈME OUTIL
Le MACD
Cet outil est plus compliqué. Il faut lire lentement les paragraphes qui suivent.
L'oscillateur Convergence et divergence des moyennes mobiles (MACD, pour Moving Average Convergence Divergence) consiste en deux lignes.
D'abord, la ligne du MACD, qui est la différence entre une moyenne mobile de 26 jours et une plus courte de 12 jours.
Puis, la ligne de signal, qui est une moyenne mobile de 9 jours de la ligne du MACD et qui est représentée en rouge sur le graphique.
Ces deux lignes oscillent autour d'une ligne zéro.
On peut tirer plusieurs interprétations du MACD en répondant principalement à trois questions, explique Jean Soublière, président de la Fédération ACTIF, un organisme de formation sur les marchés financiers.
1. Où le MACD se situe-t-il par rapport à la ligne zéro ?
2. Où en est-il relativement à sa ligne de signal ?
3. Et finalement, la plus intéressante selon M. Soublière : y a-t-il une divergence entre le MACD et le cours du titre ?
La première question nous intéresse parce que, quand le MACD est au-dessus de la ligne zéro, il indique une tendance positive. La deuxième question suscite également notre intérêt parce qu'un signal d'achat ou de vente survient lorsque la courbe du MACD croise la ligne de signal à la hausse ou à la baisse.
Quant à la question des divergences, les analystes disent qu'il existe une divergence positive, par exemple si le cours du titre atteint un nouveau creux, alors qu'au même moment le MACD s'arrête à un niveau supérieur au précédent. «Sans constituer nécessairement un signal d'achat, cette situation annonce un possible renversement de tendance», dit Jean Soublière.
Le graphique du cours de l'action de l'Industrielle Alliance (Tor., IAG, 42,48 $) démontre l'utilité du MACD. Les croisements du MACD et de sa ligne de signal autant vers le haut que vers le bas ont été de bons indicateurs de changement de direction en juin, septembre, octobre et décembre 2014, ainsi qu'en février 2015.
On observe également qu'il y avait une divergence entre le MACD et le cours du titre lors des creux d'octobre et de février. Alors que le titre faisait en février un creux plus bas que celui d'octobre, le MACD quant à lui se maintenait à un niveau plus élevé. La tendance semble maintenant s'être inversée.
LE QUATRIÈME OUTIL
Les supports et les résistances
On entend souvent dans le langage du marché boursier parler de lutte entre acheteurs et vendeurs, ou entre l'offre et la demande. Les paramètres de cette lutte sont généralement bien définis par ce qu'on appelle les niveaux de support et de résistance.
En analyse technique, un support signifie un point d'arrêt dans la baisse d'un titre, qui permet ensuite une remontée, explique Line Rivard, analyste et éditrice du site www.analysetech.com. Inversement, une résistance indique un point où la progression du titre risque fort de s'arrêter pour entraîner un repli.
Les supports et les résistances précisent les points où de nombreux acheteurs (supports) ou vendeurs (résistances) sont présents en même temps. Lorsque les supports ou les résistances cèdent, c'est que l'équilibre entre l'offre et la demande, ainsi que la psychologie derrière les mouvements de prix du titre, sont en train de changer.
Avant de céder, un support ou une résistance est souvent testé à plusieurs reprises, explique Mme Rivard. «La règle de base veut que, plus ce support ou cette résistance est testé, plus fort sera le mouvement qui s'ensuivra», dit-elle.
De plus, quand un support ou une résistance est brisé, son rôle change. Le support qui cède devient alors une résistance pour le cas où le cours du titre tenterait de remonter. Inversement, la résistance conquise devient un support dès que le titre recule.
Les niveaux de support et de résistance, s'ils sont bien établis, sont de bons alliés de l'investisseur. En effet, quand un important niveau de résistance est ciblé, l'investisseur profite du moment où le titre atteint ce niveau pour encaisser son profit. Il peut ensuite racheter le titre après que celui-ci aura reculé jusqu'à un point de support clairement reconnu. Inversement, les supports constituent souvent de bonnes occasions d'achat. Il existe différents types de supports et de résistances, explique Line Rivard. Il peut s'agir de lignes horizontales, d'une ligne de tendance, d'un couloir ou d'une moyenne mobile de 200 jours, entre autres.
Les fluctuations du cours de l'action d'IBM illustrent bien comment un important support représenté par une ligne de tendance a cédé en octobre dernier, alors que le titre chutait sous les 185 $ US. Depuis, un support à 150 $ US et une résistance à 165 $ US se sont mis en place.
Pour l'instant, l'offre et la demande maintiennent le titre à l'intérieur de ces paramètres (couloir). «Mais une percée de la résistance à 165 $ US, si elle devait se produire, permettra au titre de regagner le niveau de 180 à 185 $ US», dit Line Rivard.