Beaucoup d'investisseurs prennent leurs décisions de placement en fonction des nouvelles du jour, de la saveur du mois ou du rendement espéré sur un an. L'approche est rarement gagnante et peut parfois entraîner de lourdes pertes. Les gestionnaires avisés cherchent plutôt à repérer les sociétés qui ont un net avantage concurrentiel. Celles qui ont un bilan solide. Celles dont la haute direction a fait ses preuves. Celles qui sont flexibles et connaissent une croissance raisonnable, bon an, mal an. Bref, celles qui résistent au passage du temps, des modes, des conjonctures et des récessions. Afin de mettre le doigt sur certaines de ces entreprises, nous avons demandé à cinq gestionnaires québécois de citer trois de leurs titres préférés qui devraient livrer de bons rendements sur un horizon de cinq ans. Voici leurs choix.
Dominique Vincent, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez MacDougall, MacDougall & MacTier
Fil conducteur : Des entreprises dans des secteurs névralgiques, tels que les télécommunications, la santé et les technologies.
1. DH Corp
DH CORP (TOR., DH, 42,89 $)
RATIO C/B (2015) : 16,6 X
Autrefois connue sous le nom de Davis + Henderson, l'entreprise torontoise était d'abord un fabricant de chèques. À la suite d'acquisitions, ces dernières années, elle est devenue une firme offrant des solutions logicielles de gestion pour les banques et les sociétés financières. Très présente aux États-Unis, DH vient d'acquérir la société Fundtech, ce qui lui procurera 1 200 clients additionnels en Grande-Bretagne, en Israël et en Inde, souligne Dominique Vincent. L'entreprise comptera dorénavant environ 8 000 clients, dont 32 des 50 plus importantes banques du monde. «Cela lui permettra d'offrir davantage de services à l'ensemble de sa clientèle et de générer plus de revenus», explique la gestionnaire. DH verse un dividende de 3 %.
2. MacDonald Dettwiler
MACDONALD DETTWILER (TOR., MDA, 97,88 $)
RADIO C/B DES 12 PROCHAINS MOIS : 13,7 X
Cette société de la Colombie-Britannique est spécialisée dans le matériel aérospatial, comme les satellites de télécommunications et de surveillance. Elle a aussi fabriqué les Canadarm, qui ont équipé les navettes américaines et maintenant la station spatiale internationale. L'industrie aérospatiale croît d'environ 7 % par année, signale Dominique Vincent, et on s'attend à ce que 1 200 satellites soient lancés d'ici 2021. Il y a une demande croissante pour la télé haute définition, Internet haute vitesse, les applications utilisant les données GPS. Tous ces services sont fournis au moins en partie par les satellites. En plus du secteur commercial, MDA décroche aussi beaucoup de contrats militaires. Le ratio cours/bénéfice est raisonnable pour une société en croissance, note Mme Vincent.
3. Mylan¹
MYLAN (NY, MYL, 66,84 $ US)
RATIO C/B (2015) : 16,6 X
La société pharmaceutique des Pays-Bas fabrique 1 400 médicaments, génériques et brevetés. Mylan a acquis la division générique du géant Abbott. Elle se spécialise notamment dans les médicaments injectables, dont l'EpiPen, utilisé pour contrer les réactions allergiques graves. L'entreprise a récemment annoncé son intention d'acheter pour 29 G$ US la firme Perrigo, un autre fabricant de médicaments génériques. «Mylan a toujours bien intégré ses acquisitions», souligne Dominique Vincent. De plus, avec le vieillissement de la population, l'avenir est aux médicaments génériques, car ils permettent de réduire les coûts. Mylan ne paie toutefois pas de dividende à ses actionnaires.
François Têtu, vice-président et conseiller en placements chez Valeurs mobilières Desjardins
Fil conducteur : Cibler des entreprises dominantes dans des secteurs en croissance, comme Internet, la santé et l'agriculture.
4. Google
GOOGLE (NASDAQ, GOOGL, 538,80 $ US)
RATIO C/B (2015) : 19 X
Google est le géant d'Internet dont une grande part des revenus provient de la publicité sur ses sites de recherche. Si les revenus par clics sont à la baisse, note François Têtu, d'autres segments, comme les applications vendues sur Google Play, sont à la hausse. «Les jeux en ligne, par exemple, seront un marché de 72 G$ US d'ici cinq ans selon des études», signale-t-il. Google se diversifie. Elle a acquis des entreprises de robotique, ce qui laisse entrevoir une percée du côté des systèmes autonomes intelligents. Elle conclut aussi des ententes avec des sociétés comme Johnson & Johnson pour développer la chirurgie par robotique. Google veut tirer plus de bénéfices de YouTube en lançant un système d'abonnements, comme Netflix. Grâce à des revenus annuels de 66 G$ US en 2014, en hausse de 19 % par rapport à l'exercice précédent, et des réserves de 64 G$ US, Google a les moyens de ses ambitions.
5. Cigna
CIGNA (NY, CI, 134,49 $ US)
RATIO C/B (2015) : 15,6 X
Cigna est une société américaine d'assurance et de gestion de régimes de soins de santé qui existe depuis plus de 200 ans. Ses revenus en 2014 ont été de 32,4 G$ US et elle compte plus de 80 millions de clients dans une trentaine de pays, notamment en Chine. Elle a des contrats avec de grandes entreprises pour administrer les régimes de santé et d'invalidité de leurs employés. Elle offre aussi des régimes d'assurance maladie individuels. «Cigna est dans un segment de marché en croissance, car la démographie [vieillissement de la population] joue en sa faveur», fait valoir François Têtu. L'action se négocie à un ratio cours/bénéfice légèrement inférieur à celui de l'ensemble du marché. Selon M. Têtu, si une correction boursière devait survenir, Cigna devrait bien résister. Un titre défensif, quoi !
6. Monsanto
MONSANTO (NY, MON, 118,37 $ US)
RATIO C/B (2015) : 20,6 X
Monsanto est le numéro un mondial de la vente de semences ainsi que de divers herbicides et insecticides. «On est 7,3 milliards de personnes, et dans cinq ans, on sera 7,7 milliards. Il faudra rendre les terres agricoles plus performantes», fait valoir François Têtu. Il convient que la société de St. Louis, au Missouri, est critiquée par plusieurs, notamment pour ses semences génétiquement modifiées et certains produits chimiques qui se sont révélés cancérigènes et toxiques (PCB, ou biphényle polychloré). «Mais il n'y a pas que du méchant chez Monsanto», dit-il. Ses produits améliorent le rendement des terres agricoles, qui rapetissent dans bien des régions. Elle fait aussi beaucoup de recherches, notamment sur le déclin des abeilles, essentielles à la pollinisation, un phénomène dont certains attribuent toutefois la responsabilité aux produits de... Monsanto.
Marc L'écuyer, gestionnaire de portefeuille chez Cote 100
Fil conducteur : Des sociétés de moyenne capitalisation dont les actions ont faibli, certaines touchées par le repli de l'économie dans l'Ouest canadien.
7. Stantec
STANTEC (TOR., STN, 31,75 $)
RATIO C/B (2015) : 13,9 X
La firme d'ingénierie d'Edmonton est connue au Québec pour avoir acquis la société Dessau. Stantec existe depuis plus de 50 ans et est présente un peu partout en Amérique du Nord. La stratégie de la société est de croître par acquisitions. Elle compte maintenant 14 000 employés. «Ce qu'on aime : le titre a faibli, mais l'entreprise est en bonne santé et les gestionnaires ont fait leurs preuves», explique Marc L'Écuyer. Il souligne qu'elle est «bien diversifiée», ayant cinq divisions d'ampleur relativement équivalente. Elle est présente notamment dans les infrastructures, l'environnement et le transport. L'entreprise verse un dividende de 1,3 %.
8. Canadian Western Bank
CANADIAN WESTERN BANK (TOR., CWB, 30,70 $)
RATIO C/B (2015) : 10 X
Comme la plupart des entreprises de l'Ouest canadien, cette banque régionale a été touchée par la chute du prix du pétrole. Environ 40 % de ses prêts sont effectués en Alberta. «La seule année au cours de laquelle cette banque n'a pas connu une croissance de 10 % a été 2009, lors de la crise financière», souligne M. L'Écuyer. Bien sûr, la Canadian Western Bank enregistrera une hausse de ses mauvaises créances, convient-il, mais à long terme, l'impact sera marginal. «Le prix du baril de pétrole finira par remonter, et la croissance économique reprendra dans l'Ouest.» Le gestionnaire estime qu'à 10 fois les bénéfices, le prix de l'action intègre déjà les risques. L'institution financière verse un dividende de 2,9 %.
9. Home Capital
HOME CAPITAL (TOR., HCG, 46,31 $)
RATIO C/B (2015) : 10 X
Cette société torontoise est spécialisée dans les prêts hypothécaires. Elle les accorde essentiellement aux ménages qui ne peuvent en obtenir des banques traditionnelles, celles-ci ayant des critères plus stricts. «Il y a plus de risques, mais ça n'a rien à voir avec ce qui est arrivé aux États-Unis en 2008 avec les subprimes», explique Marc L'Écuyer. Environ 80 % des prêts sont en Ontario et seulement 5 % en Alberta. L'entreprise a un taux de croissance d'environ 10 % par année, et avec un faible ratio cours/bénéfice, le risque à la baisse est limité. M. L'Écuyer souligne que les gestionnaires à la tête de la société sont là depuis plusieurs années. Le taux du dividende est de près de 2 %.
Marc Christopher Lavoie, vice-président et gestionnaire de portefeuille, marchés européens, chez Hexavest
Fil conducteur : Des sociétés européennes dans des secteurs plutôt défensifs, mais ayant un bon profil de croissance.
10. Hennes & Mauritz
HENNES & MAURITZ (NY, HNNMY, 8,14 $ US)
RATIO C/B (2015) : 25 X
Cette société suédoise mieux connue sous l'acronyme H&M compte quelque 3 500 boutiques de vêtements pour hommes, femmes et enfants au sein de six enseignes dans 57 pays. «La direction prévoit une croissance annuelle de l'ordre de 10 % à 15 % avec l'ouverture de magasins en Amérique du Nord et dans les marchés émergents», souligne Marc C. Lavoie. Elle est encore gérée par la famille fondatrice, de manière prudente, avec une vision à long terme. L'entreprise commence à miser davantage sur les ventes par Internet et doit ajouter neuf pays à son actuelle liste de 13 où il est possible d'acheter en ligne. M. Lavoie convient qu'à 25 fois les bénéfices prévus, le titre est actuellement un peu cher. Mais sur un horizon de cinq ans, en raison de la croissance attendue, un achat ne serait pas mal avisé. La société verse un dividende de 2,7 %.
11. Reckitt Benckiser
RECKITT BENCKISER (NY, RBGLY, 17,99 $ US)
RATIO C/B (2015) : 25 X
Il s'agit d'une société britannique de produits de consommation de base, principalement active dans les secteurs de la santé, des produits d'entretien ménager et de l'alimentation. Les marques Gaviscon, Dr. Scholl's, Clearasil, Strepsils ou encore Lysol lui appartiennent. Elle dispose d'usines dans 48 pays et compte quelque 37 000 employés. Elle vend ses produits partout dans le monde. Reckitt Benckiser mise beaucoup sur sa division santé, procédant à des acquisitions auprès de pharmaceutiques qui veulent se débarrasser de certaines gammes de produits qui ne sont pas sous prescription. Son immense réseau de vente lui permet d'en tirer bon parti, fait valoir M. Lavoie. La société verse un dividende de 2,6 %.
12. Novo Nordisk
NOVO NORDISK (NY, NVO, 54,61 $ US)
RATIO C/B (2015) : 33 X
Cette pharmaceutique danoise se spécialise dans le traitement du diabète. «C'est la maladie du siècle en raison de la pandémie d'obésité. Le nombre de personnes atteintes va croître de 5 % à 7 % par année», dit Marc C. Lavoie. Il n'y a pas de cure contre le diabète, et Novo est l'un des trois seuls producteurs mondiaux d'insuline. Elle détient 60 % de ce marché. Puisque la fabrication d'insuline exige des investissements colossaux, il s'agit pratiquement d'un marché captif. M. Lavoie convient que le ratio cours/bénéfice actuel est élevé. Mais, explique-t-il, c'est le cas de la plupart des pharmaceutiques européennes. L'action de Novo a connu une forte poussée récemment. L'investisseur pourrait attendre un repli afin d'avoir un meilleur point d'entrée.
Luc Vallée, stratège en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne
Fil conducteur : Des sociétés américaines bien établies, mais sous-estimées par les investisseurs, dotées d'un potentiel de croissance intéressant.
13. Intel
INTEL (NY, INTC, 32,51 $ US)
RATIO C/B (2015) : 14,3 X
Intel est l'un des plus importants fabricants de microprocesseurs du monde. La société de Santa Clara, en Californie, n'a pas de dette, souligne Luc Vallée. Elle a été boudée par les investisseurs au cours des dernières années parce qu'elle a raté le virage de la téléphonie mobile intelligente, Apple et Samsung produisant leurs propres puces. Mais elle est présente partout ailleurs, et à mesure que le marché des appareils mobiles prendra de l'expansion, elle devrait accaparer une part de plus en plus importante de ce marché, croit le stratège. Il s'attend à ce que le géant voie ses bénéfices s'accroître notablement au cours des cinq prochaines années. Intel a un ratio cours/bénéfice raisonnable pour une société de haute technologie. Elle verse un dividende de l'ordre de 3 %.
14. Bank of America
BANK OF AMERICA (NY, BAC, 15,71 $ US)
RATIO C/B (2015) : 11,3 X
Parce qu'elles sont encore touchées par les affres de la crise financière de 2008, plusieurs banques américaines ont des titres qui se négocient encore en dessous de leur valeur comptable, souligne M. Vallée, contrairement aux banques canadiennes. Bank of America fait partie de cette catégorie de titres. L'institution financière paie actuellement un faible dividende (1,3 %), mais celui-ci devrait augmenter au cours des cinq prochaines années, à mesure que les vents contraires se dissiperont. Son équipe de gestion est en place depuis longtemps et elle a commis moins d'erreurs que Citigroup, signale-t-il. Le titre a touché un sommet de plus de 18 $ US au cours de la dernière année, mais s'est replié depuis, ce qui en fait un bon point d'entrée sur un horizon de cinq ans.
15. Airgas
AIRGAS (NY, ARG, 104,90 $ US)
RATIO C/B (2015) : 21,9 X
Peu connue ici, Airgas a été fondée en 1982. L'entreprise de la Pennsylvanie est spécialisée dans la compression et la vente de divers gaz à des fins industrielles (pour la soudure notamment) ou encore médicales. Elle fabrique aussi des gaz réfrigérants et de la glace carbonique. C'est une entreprise qui va bien lorsque l'économie va bien, dit M. Vallée. Elle devrait profiter de la reprise économique mondiale. L'entreprise est bien capitalisée et le titre est peu volatil, ajoute-t-il. La société a procédé à des centaines d'acquisitions au fil des années, et il s'agit maintenant d'un marché très concentré, où on ne trouve qu'une poignée de grands acteurs. Airgas verse un dividende de 2,25 %. Le titre a touché les 119 $ US récemment, mais s'est replié depuis.
Source : Bloomberg (graphiques et données boursières)