Trop de dirigeants d’entreprises publiques se servent à mon avis du rapport annuel et de la lettre du président adressée aux actionnaires pour vanter les mérites de leur entreprise. Le rapport annuel devient ainsi une véritable plateforme promotionnelle pour attirer les investisseurs et peut-être pour faire augmenter (à court terme) la valeur du titre.
Pourtant, le rapport annuel est un des seuls outils qui permette de bien informer les actionnaires des faits nouveaux au sein d’une entreprise. Dans sa lettre aux actionnaires, le président devrait non seulement étaler les qualités et le potentiel de croissance de l’entreprise qu’il dirige, mais aussi discuter des défis qui la guettent, de sa stratégie à long terme pour relever ces défis et des succès récents tout autant que des ratés. Dans le Manuel des propriétaires de Berkshire Hathaway, Warren Buffett et Charlie Munger écrivent qu’ils seront candides dans leurs rapports aux actionnaires, en insistant sur tous les éléments, positifs et négatifs, qui leur permettront de mieux évaluer l’entreprise. « Notre ligne directrice est de vous rapporter tous les faits que nous voudrions connaître si nos rôles étaient inversés. »
Sur ces bases, je crois que le rapport annuel 2013 de Visa, un titre dont COTE 100 est actionnaire, mérite une mention d’honneur. Son nouveau président, Charles Scharf, y relate en premier lieu l’histoire de Visa afin de bien expliquer les activités de la société. Saviez-vous que les racines de Visa remontent à 1958 alors que Bank of America a commencé à poster des cartes de crédit à ses clients de la ville de Fresno, en Californie?
Ensuite, il explique comment cette histoire a créé les caractéristiques qui définissent les activités actuelles de Visa et qui devraient lui permettre de poursuivre sa progression au cours des 50 prochaines années. En particulier, Visa est avant tout un réseau de paiement, VisaNet. Ce point est important car bien des investisseurs croient à tort que Visa est un prêteur alors que ce sont ses clients, les banques, qui prêtent aux détenteurs de cartes de crédit. Le réseau mondial de Visa facilite les transactions électroniques et relie les consommateurs aux marchands et aux banques partout dans le monde. Ce réseau relie 14 600 institutions financières à 2,1 G de détenteurs de cartes qui peuvent utiliser ces dernières chez 36 M de commerçants sur l’ensemble de la planète. Comme le dit son président « peu d’entreprises ont de tels actifs et ils sont très difficiles à reproduire. »
Les risques et les défis
Les risques et les défis
En ce qui a trait aux défis, la direction souligne ceux qui sont liés à la réglementation. On le voit d’ailleurs avec la crise en Ukraine alors que le gouvernement russe menace de créer son propre réseau de traitement de transactions de crédit. Un autre risque concerne les changements technologiques qui représentent à la fois une opportunité et un risque pour Visa. Enfin, la question de la sécurité du réseau VisaNet est capitale dans un monde où la fraude informatique prend de l’ampleur.
La direction établit également clairement sa philosophie quant à l’utilisation de ses flux de trésorerie libres (lesquels sont d’ailleurs substantiels). Elle vise en premier lieu à investir dans ses propres activités et dans les acquisitions. Son président écrit : « Plus nous investissons dans notre entreprise, plus j’ai confiance dans son futur. » En deuxième temps, la société continuera à verser des dividendes équivalents à près de 20 % de ses profits. La dernière utilisation de son capital sera les rachats d’actions, dans la mesure où la direction estime l’évaluation du titre attrayante. Depuis la venue en bourse de Visa en 2008, elle a racheté pour plus de 17 G$ de ses propres actions, réduisant ainsi près de 20 % son nombre d’actions en circulation.
Pour terminer, le président de Visa illustre le potentiel de croissance à long terme de la société. Cette croissance proviendra du développement des marchés internationaux d’où l’entreprise tire déjà 45 % de ses revenus. En outre, près de la moitié de la croissance de la société provient de la tendance mondiale à la hausse du nombre de transactions électroniques par rapport à celui des transactions en espèces. « La bonne nouvelle pour Visa et ses actionnaires est que le paiement en espèces est encore largement utilisé dans le monde. Le pourcentage des dépenses de consommation payées par chèque ou en espèce s’établit actuellement à 41 % dans les pays développés et à 62 % dans les pays en développement – ce qui représente un potentiel de près de 11 billons de $, toujours en croissance. » Enfin, la croissance économique mondiale a pour effet d’augmenter la taille du marché de Visa, tandis que l’adoption des technologies mobiles lui ouvre de nouveaux marchés dans les pays émergents.
La lettre aux actionnaires de Visa permet aux actionnaires de la société de mieux comprendre ses activités, ses défis et ses opportunités de croissance de façon claire et concise. Elle est une lecture très intéressante pour quiconque s’intéresse à la société et devrait à mon avis inspirer tous les présidents d’entreprises.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. COTE 100 détient des actions Visa dans divers comptes sous sa gestion.