BLOGUE. Si vous demandiez à un dirigeant d’entreprise ce qu’il préférerait : réaliser une importante acquisition ou effectuer des rachats d’actions, je suis persuadé que la grande majorité d’entre eux opterait pour l’acquisition.
C’est tout à fait humain puisque l’acquisition d’une autre entreprise accroît sa taille, offre de nouvelles possibilités de croissance dans de nouveaux marchés et augmente sa visibilité. Tandis que racheter des actions réduit la taille de la société… Rien de très excitant pour un dirigeant.
Pourtant, racheter ses propres actions est probablement l’investissement le moins risqué qu’une entreprise puisse faire avec son capital excédentaire – à condition, évidemment de payer un prix raisonnable pour ces actions.
En rachetant ses propres actions, le dirigeant d’une entreprise sait exactement ce qu’il achète et est peu susceptible d’avoir de mauvaises surprises. De plus, l’entreprise qui rachète peut racheter la quantité d’actions qui lui convient, quand cela lui convient, afin de ne pas étirer les finances de son entreprise.
L’acquisition récente par Couche-Tard de Statoil Fuel & Retail pour la somme de 2,8 milliards $ est une acquisition majeure. Vu la hausse de près de 10 $ par action du titre de Couche-Tard depuis l’annonce de cette acquisition, il semble évident que la majorité des investisseurs croient qu’elle est une très bonne chose pour l’entreprise.
Comment les blâmer lorsqu’on connaît la feuille de route exceptionnelle de la direction de Couche-Tard et son succès passé avec ses nombreuses acquisitions? Cette acquisition ouvre la porte à d’autres transactions similaires en Europe continentale et pourrait rapporter des synergies intéressantes au cours des prochaines années.
Mais tandis que tous les rapports que j’ai lus sur cette acquisition louaient ses perspectives de croissance, peu ne mentionnent ses risques inhérents. En premier lieu, que dire de la dette qui atteindra près de 4,0 milliards après l’acquisition? Cela fera passer le ratio dette-profits d’exploitation de Couche-Tard de 0,88 avant l’acquisition à plus de 3,0. Et sera-t-il aussi facile d’intégrer une entreprise scandinave que Circle K qui était dans le Midwest américain?
Pendant ce temps... Metro rachète
Pendant ce temps, Metro, qui œuvre un peu dans le même secteur que Couche-Tard et qui, incidemment, détient près de 20,7 M des actions de Couche-Tard, ne fait pas de vagues et rachète ses propres actions de façon méthodique et régulière.
Au semestre terminé le 31 mars dernier, elle a investi 123,3 M$ dans le rachat de ses propres actions. Au cours des derniers quatre ans et demi, Metro a diminué son nombre d’actions en circulation de 13,3 %. Au cours de cette même période, son bilan s’est même amélioré : son ratio dette-profits d’exploitation est passé de 1,59 à 1,35.
Je suis convaincu que la direction de Couche-Tard a très bien pesé les risques liés à l’acquisition de Statoil. Il est même probable que cette transaction s’avère payante à long terme pour les actionnaires de Couche-Tard. Je me demande cependant si la société n’aurait pas mieux fait à long terme de s’en tenir au marché nord-américain et de suivre l’exemple de Metro en rachetant ses propres actions. Car l’acquisition la moins risquée de toutes est souvent le rachat de ses propres actions.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com). COTE 100 détient des actions de Couche-Tard et de Metro dans certains de ses comptes sous gestion.