BLOGUE. Le risque que présente un investissement a toujours été très difficile à quantifier pour les investisseurs. Le monde universitaire s’y est bien essayé en inventant le coefficient bêta, indice mesurant la volatilité d’un titre par rapport à celle du marché. Personnellement, j’ai toujours pensé que l’utilisation d’une telle mesure nous permettait essentiellement de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur plutôt que de regarder en avant. Le coefficient bêta nous donne une bonne indication de la volatilité d’un titre par rapport au marché dans son ensemble, mais il ne nous dit rien sur le risque d’un titre dans le futur. Or, n’est-ce pas précisément ce qu’on veut mesurer?
Il y a donc longtemps que j’ai mis le concept de CAPM (Capital Asset Pricing Model ou modèle d’évaluation des actifs financiers), fondé sur le coefficient bêta, au rencart pour me forger ma propre évaluation du risque d’une entreprise. Pour moi, l’évaluation du risque d’un investissement repose à la fois sur l’examen de l’historique d’une entreprise que sur celui de ses qualités intrinsèques. À long terme, la volatilité de son titre en bourse est peu importante – à la rigueur, je préfère souvent un titre plus volatil car cette volatilité permet d’en faire l’acquisition à des prix plus attrayants!
Voici donc à mon avis les facteurs qui influent sur le risque d’un investissement à long terme :
1- Le secteur d’activité. Certains secteurs sont reconnus comme étant très stables alors que d’autres sont notoirement changeants. Les sociétés qui évoluent dans les secteurs de l’alimentation, des services d’impartition ou des services publics posent généralement un risque beaucoup moins élevé que celles des secteurs technologiques ou des ressources naturelles. L’exemple de Blackberry est particulièrement éloquent lorsque l’on parle de secteurs changeants.
2- Les besoins en capital. Il est beaucoup moins risqué d’investir dans des sociétés qui n’ont pas besoin d’investir des sommes importantes en capital, dans des usines ou des équipements par exemple, que dans celles qui doivent consentir d’énormes investissements en capital.
3- Le modèle d’affaires. Les titres des sociétés qui ont établi des modèles d’affaires flexibles et dont les coûts sont en grande partie variables sont beaucoup moins risqués que ceux des sociétés dont les coûts sont largement fixes et dont le modèle d’affaires peut difficilement être adapté. Les sociétés de pâtes et papier peuvent par exemple difficilement s’ajuster aux conditions changeantes de leur marché alors qu’une société comme CGI, par exemple, serait capable d’ajuster rapidement sa structure de coûts, advenant un ralentissement de son marché.
4- Le bilan. Les sociétés qui disposent de peu de dette, voire même d’une généreuse encaisse, présentent évidemment un risque beaucoup moins élevé que celles qui sont très endettées.
5- La taille et le stade de développement de l’entreprise. On sait tous qu’investir dans des blue chips est généralement moins risqué que d’investir dans des titres de petites capitalisations. Il y a plusieurs raisons à cela : les grandes sociétés sont mieux établies, souvent beaucoup mieux diversifiées, tant par région que par clientèle et par types de produits ou de services vendus, disposent de plus de capital, etc. Investir dans une petite société de biotechnologie qui développe un futur médicament « miracle » est bien plus risqué que d’investir dans une société établie comme Merck ou Pfizer.
6- L’historique. À mon avis, la feuille de route d’une entreprise est souvent le meilleur indicateur de sa performance future. Les entreprises qui ont réussi à croître et qui ont réalisé des rendements de l’avoir élevés depuis plusieurs années sont davantage susceptibles de poursuivre sur cette lancée dans le futur. En évaluant une entreprise, examinez par exemple comment elle a su se tirer d’affaires pendant la crise de 2008-2009. Ses profits ont-ils plongé sensiblement? A-t-elle eu besoin de lever du capital additionnel?
7- L’évaluation. La dernière facette, et non la moindre, est l’évaluation d’un titre. Plus on paye cher pour une société, quelle que soit sa qualité, plus le risque de se tromper est élevé. Les investisseurs qui ont acheté des actions de GE en 2000 en croyant ne pas pouvoir trop perdre en investissant dans une des plus grandes et plus dominantes sociétés mondiales accusent toujours, 13 ans plus tard, une perte de près de 50 % sur leur investissement.
Évidemment, même si vous trouviez un titre qui réponde bien à toutes ces exigences, le risque sera tout de même toujours présent. Il n’y a pas de certitudes en bourse et les accidents peuvent toujours surgir. Par contre, je crois qu’en choisissant des titres en se fondant sur ces critères, on peut réduire considérablement les risques associés à un investissement en bourse. Si en plus, on sélectionne 15 ou 25 titres de sociétés de cette façon, dans divers secteurs, le risque du portefeuille s’en trouve grandement diminué.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.