BLOGUE. Le nouveau gouvernement de Mme Marois n’a pas tardé à afficher ses couleurs et à confirmer ce qu'elle avait promis au cours de la campagne électorale en ce qui a trait à la fiscalité des Québécois. En gros, on peut résumer les mesures à venir ainsi: plus d’impôt à payer par les «riches», une réduction du crédit d’impôt sur les dividendes et une inclusion partielle du gain en capital qui passerait de 50 % à 75 %. Rien de très intéressant pour les investisseurs. Qui plus est, ces mesures pourraient être rétroactives à l’année 2012.
Or, rien n’est statique dans le merveilleux monde des impôts. Cela se traduit souvent par des changements de comportements de la part des particuliers et des entreprises afin de contrer les hausses d’impôts.
Or, à mon avis, de telles mesures seraient susceptibles de changer sensiblement le comportement des investisseurs boursiers. Voici quelques conséquences probables de telles mesures sur le monde de l’investissement boursier :
1- Les investisseurs québécois seront moins attirés par les sociétés qui offrent des dividendes élevés. On sait qu’il existe de nombreuses sociétés dont le modèle d’affaires est de verser une partie importante des profits en dividendes à leurs actionnaires. Ces titres deviendront moins attirants, car les dividendes perçus par les investisseurs seront fiscalement moins intéressants.
2- Les investisseurs québécois pourraient garder leurs titres boursiers plus longtemps afin de reporter l’impôt à payer sur des gains de capital. Vous possédez un titre qui s’est fortement apprécié et qui vous semble maintenant trop cher? Peut-être réfléchirez-vous par deux fois avant de le vendre. Les nouvelles mesures fiscales créeront-elles de nouveaux investisseurs à long terme?
3- La prise de perte fiscale en fin d’année pourrait prendre encore plus d’importance. Ainsi, l’investisseur qui aurait déjà réalisé des gains en cours d’année passera plus de temps à analyser son portefeuille et à identifier des titres qui pourraient être vendus à perte avant la fin de l’année afin de diminuer sa facture d’impôts.
Cela pourrait avoir pour effet d’amplifier les baisses en fin d’année des titres malmenés pendant l’année, surtout pour les titres de petites sociétés québécoises. Conséquemment, ce qu’on appelle l’ «effet de janvier», c’est-à-dire le rebond en début d’année des titres qui avaient été affectés par les prises de pertes fiscales à la fin de l’année précédente, pourrait également être amplifié.
4- Certaines sociétés québécoises pourraient revoir leur politique de versement de dividendes. Ainsi, au lieu d’augmenter le dividende, les dirigeants d’une entreprise pourraient opter de racheter des actions ou de faire des acquisitions.
Mettez-vous à la place d’un dirigeant qui détient beaucoup d’actions de la société qu’il dirige: un rachat d’actions peut devenir autrement plus intéressant qu’un dividende hautement imposé. J’irais même jusqu’à dire que certaines entreprises québécoises qui versent un haut pourcentage de leurs profits en dividendes (dans bien des cas, des anciennes fiducies de revenus) pourraient profiter de ce changement fiscal pour diminuer, voire couper, leur dividende.
5- Les gros investisseurs qui dépendent de leurs revenus de dividendes pour vivre pourraient bien être tentés de déménager où les impôts sont moindres…
Enfin, je ne peux que me demander si de telles mesures sont cohérentes dans un contexte où tout le monde nous répète que les Québécois n’épargnent pas suffisamment. Et quel message lance-t-on à nos jeunes entrepreneurs? Seront-ils moins enclins à assumer les risques rattachés au démarrage d’une nouvelle entreprise si un éventuel succès est hautement imposé?
À terme, le Québec devra trouver des moyens pour réduire son déficit et sa dette. Une augmentation des impôts est un premier pas dans cette direction, bien que l'élastique de l'imposition commence à mon avis à être dangereusement étiré au Québec. La prochaine étape devra s’attaquer sérieusement aux dépenses du gouvernement.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).