BLOGUE. Groupe CVTech est une petite société de Drummondville dont la capitalisation boursière est de 92,3 M$. Ses activités consistent à entretenir et à construire des réseaux de transport et de distribution d’électricité, de postes et de centrales, ainsi qu’à la maîtrise de la végétation dans les emprises des lignes électriques.
La société a fait les manchettes au cours de la dernière semaine alors que son deuxième plus important actionnaire, M. Guy Aubert, propriétaire de 13,8 % des actions et administrateur de la société jusqu’en janvier 2013, a publiquement déclaré dans une lettre aux actionnaires de la société que le conseil d’administration avait reçu deux offres d’achat d’une importante société américaine inscrite à la Bourse de New-York.
J’ai appris par la suite que cette société est Quanta Services, dont la capitalisation boursière est de près de 6,0 milliards $ US et qui oeuvre dans un secteur similaire à Groupe CVTech. La première offre aurait été faite à la fin de janvier 2013 à 1,65 $ par action, une prime de 45 % par rapport au cours du titre, offre qui a été rejetée quelques semaines plus tard par le conseil d’administration.
Quelque temps plus tard et à la lumière d’excellents résultats financiers publiés par Groupe CVTech pour son exercice 2012, Quanta serait revenue à la charge avec une offre bonifiée de 1,95 $ par action, une prime de 70 % par rapport au cours de l’action. Cette fois-ci, le conseil aurait tout simplement répondu que la société n’était pas à vendre, peu importe le prix.
Il importe de souligner que le titre de Groupe CVTech n’a pas enrichi ses actionnaires au cours des dernières années. Il a fluctué entre un bas de 0,65 $ et un haut de 1,80 $ depuis 2006, transigeant surtout aux alentours de 1,00 $.
Est-ce moralement acceptable?
Les actionnaires de la société n’ont pas été avisés de ces deux offres. De fait, si je m’intéresse de près à cette situation, c’est que le Fonds COTE 100 RÉA II dont COTE 100 est gestionnaire détient 928 000 actions de Groupe CVTech.
Le Fonds a participé à une émission de la société à un prix de 1,60 $ par action en 2009. Or, j’estime que les souscripteurs du Fonds ont été lésés par la décision plutôt cavalière des administrateurs de rejeter cette offre sans la présenter aux actionnaires.
En y regardant de plus près, je me demande à quel point le conseil d’administration est réellement indépendant. En effet, à part M. André Laramée, administrateur et pdg de la société et détenteur de près de 7,9 M (10,93 %) d’actions, les autres administrateurs détiennent selon moi peu d’actions (431 500 au total dont la majorité (345 700) est détenue par le président du conseil, M. Jacques Joly).
Surtout que les honoraires versés par la société à ses administrateurs me paraissent très généreux pour une entreprise de cette taille. En 2012, les cinq administrateurs autres que M. Laramée, ont chacun obtenu une rémunération variant entre 80 567 $ et 112 750 $.
Nous voyons généralement de tels niveaux de rémunération pour des administrateurs de sociétés beaucoup plus grandes. À titre d’exemple, Metro, dont la valeur boursière de 6,5 milliards $ est 70 fois celle de Groupe CVTech, a versé à ses administrateurs autres que son président du conseil une rémunération variant de 82 985 $ à 111 830 $.
En outre, son pdg, M. Laramée, a reçu une rémunération de 758 855 $ en 2012 et d’une moyenne de 779 000 $ au cours des trois derniers exercices. Cela me paraît généreux lorsque l’on sait que les profits nets ajustés de l’entreprise se sont élevés à 10,1 M$ en 2012.
Compte tenu de tels salaires, peut-on blâmer les administrateurs de vouloir conserver le statu quo?
Une entreprise qui fait le saut en bourse ne peut pas profiter de tous les avantages d’être publique sans souffrir certains désavantages. Les entreprises publiques ont de nombreux actionnaires et elles se doivent de les traiter pour ce qu’ils sont réellement, des propriétaires. En ce sens, je crois que les administrateurs de Groupe CVTech ont failli à leur responsabilité de fiduciaire en décidant de ne pas présenter ces offres à leurs actionnaires. Lorsque l’on voit de telles situations, on comprend peut-être mieux pourquoi plusieurs titres de petites sociétés québécoises n’attirent pas davantage d’investisseurs…
Philippe Le Blanc
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. COTE 100 détient des actions de Groupe CVTech par le biais de son Fonds COTE 100 RÉA II et possède des actions de Metro dans certains de ses comptes sous gestion.