BLOGUE. Je rencontrais récemment les dirigeants d’une petite société québécoise dont le titre est à la Bourse. Après avoir discuté des perspectives plutôt attrayantes de l’entreprise, nous en sommes venus à parler de la question du financement de ses projets de croissance. Or, comme c’est le cas pour de nombreuses petites sociétés québécoises, la question du financement de la croissance est plutôt problématique pour cette entreprise dont les activités ne dégagent que des profits marginaux. En effet, ajouter à sa dette augmenterait dangereusement son risque d’affaires alors qu’émettre des actions alors que son titre est déprimé diluerait sensiblement ses actionnaires.
Or, en discutant des diverses activités de l’entreprise, deux constats sont devenus apparents. D’une part, les acquisitions dans le contexte économique actuel représentent une occasion d'affaires très attrayante pour l’entreprise. En effet, plusieurs de ses concurrents régionaux peinent à faire des profits alors qu’elles n’ont souvent pas de relève pour remplacer leurs propriétaires vieillissants. Ainsi, ces entreprises peuvent être achetées à des prix très attrayants. De fait, l’entreprise en question a réalisé une telle acquisition au cours de la dernière année qui s’est avérée fort rentable et qui a largement contribué au redressement de ses propres profits.
Une des avenues discutées lors de nos discussions a porté sur la possibilité de vendre une des filiales de l’entreprise. Il s’agit en effet d’une filiale à l’extérieur du Canada qui ne réussit pas à enregistrer de croissance de son chiffre d’affaires depuis plusieurs années et dont les profits sont pratiquement non-existants, voire légèrement négatifs.
Ne serait-il pas logique de vendre cette filiale et de réinvestir le capital dans des acquisitions qui semblent nettement plus attrayantes, ce qui serait à mon avis une bien meilleure utilisation du capital de l’entreprise?
À cette question, le premier réflexe du président de l’entreprise a été de répondre que la vente de cette filiale amputerait une part importante de ses revenus… même si elle n’aurait aucun impact sur sa rentabilité. D’autre part, en vendant cette filiale, l’entreprise accuserait une perte par rapport à l’investissement qu’elle y a fait au fil des ans.
Dans son livre « Les Règles du Jeu », Guy Le Blanc explique très bien l’importance des profits pour une entreprise cotée en Bourse : « En dernier ressort, il n’y a qu’une seule et unique chose qui fasse monter ou descendre un titre en Bourse : les profits ou l’absence de profits… Ce sont les profits et la croissance des profits qui font monter un titre… Examinez tous les titres qui ont été des succès boursiers sur une période de dix ou vingt ans. Vous constaterez qu’ils ont tous un élément en commun, peu importe les incidents de parcours : les profits et la croissance des profits… La plupart des investisseurs et même la plupart des dirigeants d’entreprises publiques ne le savent pas ou ne l’ont jamais compris ».
Les dirigeants d’entreprises devraient avant tout se préoccuper d’augmenter les revenus de leur entreprise seulement si, ce faisant, ils augmentent les profits ou le potentiel de profits de l’entreprise à long terme.
Quant à la réticence de vendre une filiale à perte, elle s’apparente étrangement à celle d’un investisseur qui hésite à vendre un titre parce qu’il transige sous son coût moyen d’acquisition. La question à laquelle le président et l’investisseur devraient répondre est celle-ci : le capital investi dans cette filiale ou dans ce titre pourrait-il être mieux investi dans une acquisition ou dans un autre titre? Si c’est le cas, ni l’un ni l’autre ne devrait tergiverser.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).