BLOGUE. De nombreux investisseurs sont en quête de titres qui leur procureront des revenus de dividendes attrayants. C’est un peu normal lorsque les obligations offrent de si piètres intérêts – une obligation 10 ans du gouvernement du Canada offre présentement un maigre 1,65 % alors qu’une obligation 30 ans procure 2,34 %. Dans un tel contexte, comment ne pas être attiré par des titres qui offrent des rendements en dividendes de 5 %, 6 %, voire 10 %?
De leur côté, de nombreuses entreprises sont tout à fait disposées à satisfaire ces investisseurs en quête de revenus. Au Canada en particulier, peut-être à cause de l’héritage des fiducies de revenus, un grand nombre de sociétés versent de généreux dividendes.
Pourtant, comme c’était le cas avec les fiducies de revenus, plusieurs de ces sociétés poussent l’exercice à l’extrême et versent une grande partie de leurs profits (voire plus que leurs profits) en dividendes aux dépens de leur santé financière et de leurs perspectives de croissance à long terme. En effet, comment une entreprise peut-elle poursuivre sa croissance à long terme si, après le versement de dividendes, il ne lui reste aucune liquidité pour investir dans ses activités?
De plus, un titre qui offre un généreux rendement en dividende donne souvent une fausse impression de sécurité aux investisseurs. En effet, il est difficile d’envisager qu’un titre qui procure un rendement de 6 % en dividende puisse perdre beaucoup de valeur. Et pourtant…
Poséidon prend l’eau
Poséidon prend l’eau
La semaine dernière, je suis tombé sur cette entreprise qui a récemment fait son apparition à la Bourse, Poseidon Concepts. Scindée de la société Open Range en novembre 2011, elle fabrique des réservoirs pour les fluides utilisés par l’industrie du gaz et du pétrole. Son titre s’est littéralement écrasé la semaine dernière, passant de plus de 13 $ à 5 $ en une journée, après que la direction ait réduit ses prévisions de profits pour l’exercice en cours.
Malgré le fait que Poseidon œuvre dans une industrie plutôt cyclique et qui nécessite des investissements en capital élevés, l’entreprise distribue les dividendes comme les bonbons. Son dividende mensuel (dès que je vois qu’une entreprise verse un dividende à chaque mois, une sonnette d’alarme sonne dans ma tête) de 0,09 $ par action, ce qui se traduit par un dividende annuel de 1,08 $. Avant que le titre ne s’écrase, il procurait un rendement de près de 8,1 %. Aujourd’hui, si le dividende est conservé tel quel, le rendement est de 21,1 %...
Mais ce dividende est fort probablement insoutenable, à moins que la société continue de s’endetter ou d’émettre de nouvelles actions. Poseidon a enregistré un profit de seulement 0,10 $ par action à son plus récent trimestre. Pour les 9 premiers mois de 2012, ses flux d’exploitation se sont élevés à 27,2 M$ comparativement à des investissements en immobilisations de 29,2 M$ (ce qui donne des fonds autogénérés libres négatifs de 2,1 M$) et aux versements de dividendes totalisant 64,5 M$.
Comme je le disais précédemment, si la direction veut maintenir son dividende actuel, elle devra soit augmenter son endettement ou émettre de nouvelles actions. C’est ce qui s’est produit au cours des 9 premiers mois de l’exercice 2012 alors que sa dette a augmenté de 27,2 M$ et qu’elle a émis des actions pour la somme de 78,2 M$. À mon avis, l’avenue de l’accroissement de la dette est restreinte puisque le bilan de la société affiche déjà une dette nette de 52,1 M$ en regard d’un avoir des actionnaires de 107,5 M$.
Le pire est qu’il existe de nombreux autres exemples de sociétés comme Poseidon qui versent des dividendes outrageusement élevés – j’y reviendrai dans mon prochain blogue (en connaissez-vous?). Les investisseurs devraient se méfier de ces titres car ils pourraient faire couler leur portefeuille.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).