Un client me demandait récemment pourquoi nous n’utilisions pas la technique des « stop-loss » dans notre gestion de portefeuilles. Une telle stratégie consiste à placer une commande de vente d’un titre que vous détenez à un prix plus bas que son cours actuel. Par exemple, vous venez d’acheter un titre à 10 $ et pour vous prémunir contre une éventuelle chute du titre, vous placez immédiatement une commande de vendre vos actions de ce titre à 9,00 $ ou à 8,50 $. Le but d’une telle stratégie est simple, si le titre acquis est sur le point de s’écraser en bourse, vous désirez vous en départir avant de tout perdre.
À mon avis, une telle stratégie n’est pas du tout adaptée à notre philosophie d’investissement ou à celle de tout investisseur « valeur ». En effet, avant de décider d’investir dans un titre, nous l’étudions en détail et tentons de l’évaluer. Évidemment, une telle évaluation n’est jamais précise, c’est pourquoi nous nous donnons toujours une marge de sécurité avant d’acheter un titre. Si par exemple nous croyons que la véritable valeur d’un titre est de 100 $ par action, nous ne l’achèterons pas à 95 $ mais attendrons d’avoir une occasion de l’acheter à 85 $ ou même à 80 $. Un tel coussin de sécurité a deux fonctions : limiter le risque à la baisse et augmenter le rendement potentiel.
Supposons que ce titre que nous évaluons à 100 $ se transige aujourd’hui à 80 $. Nous décidons de commencer à l’acheter... pour le voir continuer à baisser au cours des jours suivants à 78 $, à 74 $ et même à 70 $. Une telle baisse peut être causée par un marché boursier baissier ou parce que des investisseurs ont perdu confiance en cette société. Si nous croyons que le titre vaut 100 $ et qu’aucun développement ou nouvelle n'explique la baisse du titre, nous devrions être encore plus emballés par le titre. Non seulement le risque de baisse a-t-il baissé sensiblement mais son rendement potentiel est passé de 25 % à 43 %!
Or, l’investisseur qui aurait placé un stop-loss à, disons, 72 $ aurait déjà vendu le titre. En théorie, il pourrait le racheter à 70 $; en pratique cependant, les chances qu'il le fasse sont plutôt minces.
Le problème des stratégies stop-loss est que les marchés et la grande majorité des titres boursiers sont très volatils à court terme. Prenez n’importe quel titre de grande capitalisation nord-américain et vous verrez qu’ils fluctuent beaucoup et parfois sauvagement sur de courts laps de temps. Par exemple, le titre de la Banque Royale, un titre relativement peu risqué, a fluctué d’un bas de 48,70 $ à un haut de 64,92 $ au cours des 52 dernières semaines, un écart de 33,3 %. Un autre titre peu volatil est TransCanada : l’écart entre son creux et son sommet des 52 dernières semaines est de plus de 20 %. Imaginez maintenant quelles peuvent être les fluctuations de titres de plus petites sociétés ou de titres plus spéculatifs!
L’investisseur qui place des stop loss sur tous ses titres en portefeuille risque de se retrouver après un an sans aucune position!
Je peux comprendre qu’un « investisseur » qui achète des titres boursiers sans faire ses devoirs, sans les avoir analysées et évaluées au préalable, place des commandes stop loss. Si vous achetez des titres boursiers comme s’ils étaient des bouts de papier et non pas des entreprises que vous pouvez évaluer, la stratégie des stop loss peut être logique.
Mais l’investisseur « valeur » qui a un horizon à long terme fera exactement le contraire. Si un titre acheté à un prix X est une aubaine, c’est encore plus une aubaine à un prix de X – 10 % ou 20 %.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).