BLOGUE. On sait tous que le marché canadien est très petit relativement au reste du monde. De fait, il représente moins de 5 % de la capitalisation boursière mondiale. Par rapport au marché américain, il est près de sept fois plus petit. Qui plus est, ce n’est pas pour rien que le marché canadien est perçu par les investisseurs étrangers comme étant un marché de titres de ressources naturelles : près de 46 % de l’indice S&P/TSX est composé des secteurs des matériaux de base et de l’énergie. Ajoutons le secteur financier et il ne reste que 23 % de l’indice…
Si, comme moi, vous êtes un investisseur qui recherche des titres de qualité afin de construire un portefeuille diversifié par industrie, en plus de ceux des ressources naturelles ou financier, vous n’aurez probablement d’autre alternative que de lorgner à l’extérieur du Canada… La solution évidente est d’investir dans le vaste marché américain.
Or, il existe en effet un phénomène que j’ai maintes fois constaté au Canada : plusieurs titres s’y vendent à prime par rapport à des sociétés comparables aux États-Unis. Ce phénomène est à mon avis causé par la rareté des entreprises canadiennes de qualité jumelé au fait que de nombreux investisseurs canadiens se doivent (fonds de pension) ou préfèrent investir au Canada.
Voici quelques exemples de cet effet de rareté :
Dollarama vs. Dollar Tree Stores
Dollarama vs. Dollar Tree Stores
Un des segments du commerce de détail qui a le mieux performé au cours des dernières années est sans doute celui des magasins à 1 $. Dans un contexte économique difficile, les consommateurs cherchent à en avoir plus pour leur argent et affectionnent particulièrement les aubaines offertes par les magasins à 1 $. Au Canada, Dollarama a été un franc succès depuis sa venue en bourse 2009. Par contre, alors qu’elle est la seule entreprise publique de ce secteur au Canada, il en existe quelques-unes aux États-Unis. Des titres comme Dollar Tree, Dollar General et Family Dollar ont également été de beaux succès boursiers au cours des dernières années.
Or, le titre de Dollarama se vend à 18,3 fois les profits de 3,38 $ par action prévus en 2014 (janvier) comparativement à 16,2 pour Dollar Tree. Or, les deux entreprises ont des bilans très solides et leurs taux de croissance sont similaires.
Emera vs. Entergy
Les comparaisons entre deux sociétés ne sont pas toujours entièrement valables. Par exemple Emera et Entergy sont deux producteurs d’électricité, ce qu’on appelle des « services publics ». Par contre, Emera est surtout présente en Nouvelle-Écosse et dans le Maine alors qu’Entergy est présente en Arkansas, au Mississippi et en Louisiane. Une autre différence est qu’environ le tiers de la production d’Entergy vient du nucléaire ainsi que d’autres segments non-réglementés (l’électricité est vendue au prix du marché ou selon des ententes à long terme).
Cela dit, malgré les différences entre les deux entreprises, l’écart de leur évaluation est selon moi assez représentatif de la différence entre les titres de services publics canadiens et américains. Le titre d’Emera est évalué à 21,2 fois les profits prévus de 2012 alors que le titre d’Entergy est évalué 12,8 fois les profits prévus.
Tim Hortons vs. McDonald's
Tim Hortons vs. McDonald's
Le titre de Tim Hortons est un autre bel exemple de succès canadien. Or, ce succès est à mon avis amplement reflété dans l’évaluation du titre et incorpore selon moi une prime de rareté. En effet, le titre de Tim est évalué à près de 19,0 fois les profits prévus en 2012 comparativement à 17,3 fois les profits pour le titre de McDonald's. Encore une fois, la comparaison est boiteuse. On peut peut-être prévoir une plus forte croissance de Tim Hortons que pour McDo compte tenu des tailles respectives des entreprises. D’un autre côté, le niveau de risque est probablement sensiblement moins élevé pour McDo…
Banque Royale vs. JPMorgan Chase
Depuis la crise financière de 2008-2009, nos banques canadiennes sont perçues comme des modèles de rigueur et de solidité… ce qui se reflète dans leurs évaluations par rapport aux titres de plusieurs banques américaines. Par exemple, le titre de la Banque Royale s’échange à 11,1 fois ses profits prévus de 2013 et à 2,2 fois sa valeur comptable. De son côté, le titre de JPMorgan Chase est évalué à 8,1 fois les profits prévus et à 0,9 fois sa valeur comptable.
Comme je l’ai dit plus haut, ces comparaisons ne sont pas parfaites. Il y a bien d’autres variables à considérer telles que le potentiel de croissance à long terme, la santé financière d’une entreprise ou son profil de risque.
En outre, vous trouverez certainement des titres canadiens qui se vendent moins cher que des titres comparables aux États-Unis. L’exemple de Groupe CGI me vient à l’esprit alors qu’il s’échange à 11,5 fois ses profits prévus en 2013 par rapport à 15,0 fois pour un titre comme Accenture.
Il reste que, dans ses choix de titres, l’investisseur québécois ne devrait pas se limiter au marché canadien qui est, somme toute, plutôt limité. Il devrait également regarder vers les États-Unis. De cette façon, il augmentera non seulement son univers de choix, il sera aussi plus susceptible de trouver des titres moins chers avec autant, sinon plus, de potentiel de croissance.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 - www.cote100.com - et éditeur de la Lettre financière COTE 100 - www.lettrecote100.com. COTE 100 détient des actions de Dollar Tree, d'Entergy, de McDonald's et de la Banque Royale.