BLOGUE. Nous sommes en avril 2008 et vos actions de Research In Motion (RIM) valent près de 120 $. C’est près de 15 fois le prix que vous les avez payées en avril 2001! Vous aviez acheté ces actions après la chute brutale de tous les titres techno et l’éclatement de la bulle du même nom. À l’époque, bien que ce n’était pas le genre de titres dans lequel vous investissiez généralement, vous aviez été attirés par le fait que RIM avait un produit très novateur (que vous utilisiez avec un zèle quasi religieux!) et s’était taillé une place dominante dans le marché des entreprises nord-américaines. La société affichait de plus un bilan immaculé comprenant une encaisse de 720 M$ et s’approchait rapidement du seuil de la rentabilité. Elle représentait en outre une des rares sociétés canadiennes à se hisser au rang de leader mondial dans un secteur de pointe (exclusion faite de Nortel!). Bref, le titre vous semblait un pari intelligent.
Cinq ans après votre investissement initial, RIM domine son marché et semble dominer le monde. Sa capitalisation boursière est de près de 70 G$ et ses revenus ont explosé pour passer de 221 M$ en 2001 à 6,0 G$ en 2008 et une perte de 6,2 M$ s’étant transformée en profit de près de 1,3 G$ au cours de la même période. De plus, l’entreprise a réussi son pari de pénétrer le marché de consommation : en 2008, 38 % de ses revenus proviennent de clients non-corporatifs comparativement à 27 % un an plus tôt. De plus, le BlackBerry est le téléphone intelligent le plus vendu en Amérique du Nord. En outre, à la fin de son exercice 2008, la société mise sur une encaisse de 1,6 G$ et n’a toujours aucune dette.
Des interrogations
Des interrogations
Cependant, malgré les succès commerciaux retentissants de la société, vous ne pouvez vous empêcher de vous poser quelques questions concernant votre investissement dans RIM. D’une part, la société sera-t-elle en mesure de garder son avance technologique face à la concurrence qui se fait de plus en plus présente? Vous savez par exemple que le marché de consommation est particulièrement fragile et influencé par les modes.
Vous savez aussi que si la société veut poursuivre sa croissance, elle devra sans cesse développer et commercialiser de nouveaux téléphones de plus en plus performants et attirants pour ses nombreux usagers. En 2008 seulement, elle a lancé 8 nouvelles variantes de son BlackBerry. Par ailleurs, en examinant les états financiers de 2008, vous constatez que plus de 79 % des revenus de la société proviennent de la vente d’appareils alors que les revenus davantage récurrents provenant du service et de la vente de logiciels comptent pour seulement 21 % de son chiffre d’affaires.
D’autre part, vous vous demandez si la marge bénéficiaire après impôt de 21,5 % qu’a dégagée la société en 2008 est soutenable à long terme?
Enfin, un autre élément non négligeable est qu’à son cours de près de 120 $, le titre se vend à plus de 50 fois les profits par action de 2,26 $ réalisés au terme du plus récent exercice…
Tous ces éléments vous trottent dans la tête alors que vous considérez l’important profit que vous avez obtenu avec le titre de RIM… Mais la question que vous devriez vous poser en tant qu’investisseur à long terme est la suivante : ai-je une bonne idée d’où sera la société dans cinq ans?
La suite des choses est tragique et connue de tous. Certains blâmeront la direction pour le déclin de l’entreprise au cours des dernières années en disant par exemple qu’elle a été arrogante et qu’elle a perdu son focus. Pour ma part, compte tenu du modèle d’affaires de RIM, j’estime que ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne se fasse rattraper par ses concurrents. Les barrières à l’entrée de son secteur n’étaient tout simplement pas assez élevées.
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.