BLOGUE. Le titre d’Alimentation Couche-Tard est à mon avis le plus grand succès boursier québécois, sinon canadien, des vingt dernières années. À preuve, depuis 2000, sa valeur a été multipliée par 35! C’est un rendement annuel composé de 31 % (sans les dividendes). Si le grand succès boursier québécois des années 1980 et 1990 a été Bombardier, celui des années 2000 est Couche-Tard. En passant, Couche-Tard a été une des premières entreprises à profiter du programme RÉA, dans les années 1980.
Or, ce succès repose en bonne partie sur les épaules de son président et fondateur, M. Alain Bouchard, qui annonçait cette semaine qu’il renonçait au poste de président pour devenir président exécutif du conseil d’administration, poste qui lui permettra de se concentrer davantage sur la stratégie et sur les acquisitions de la société.
Quelles sont les qualités de M. Bouchard qui peuvent expliquer le grand succès de Couche-Tard?
La vision
M. Bouchard a bâti le réseau de Couche-Tard à partir de deux dépanneurs Provi-Soir à la fin des années 1980. Aujourd’hui, la chaîne compte plus de 6 200 dépanneurs en Amérique du Nord et plus de 2 200 en Europe. La vision de Couche-Tard est simple mais efficace : la société est le spécialiste du commerce de détail de petites surfaces. Elle a fait du commerce de proximité son métier et développé une expertise et un réseau nord-américain très flexible pour s’adapter aux besoins des consommateurs.
La diligence et la rigueur de la gestion
M. Bouchard est connu pour son implication dans tous les aspects de l’exploitation de l’entreprise. Il est reconnu comme un « opérateur » qui connaît par cœur tous les rouages de son entreprise, en partant du simple dépanneur. C’est cette attention portée à la gestion, aux petits détails et à l’offre de marchandises en magasin, qui a permis à Couche-Tard de se démarquer des autres dépanneurs. D’ailleurs, de nombreux dépanneurs concurrents étaient et sont toujours exploités par des sociétés pétrolières dont le principal objectif est de vendre de l’essence et dont la vente de chips et de canettes de boissons gazeuses n’est pas le véritable métier.
L’opportunisme
M. Bouchard a su sauter sur de nombreuses occasions d’acquisitions au cours des 20 dernières années. Sa première acquisition d’envergure a été celle de Silcorp en 1999 qui en a fait un joueur important au Canada. Une autre acquisition majeure a été celle de Circle K en 2003, des mains de ConocoPhillips, grâce à laquelle la société est devenue un joueur d’envergure sur le marché nord-américain. Sa plus récente acquisition, celle de Statoil Fuel & Retail, l’a propulsée sur le marché européen et fait d’elle un joueur de calibre mondial du secteur des dépanneurs.
La discipline
La discipline
M. Bouchard a fait des dizaines d’acquisitions au cours des trois dernières décennies mais il est prêt à reculer si le prix à payer lui semble trop élevé. Par exemple, en 2010, la société a refusé de bonifier son offre d’achat portant sur Casey’s General Stores.
Le conservatisme financier
Peu de temps après l’acquisition de Statoil Fuel & Retail en 2012 pour la somme de 2,8 G$, la société a procédé à une émission d’actions pour un montant de près de 300 M$. Aujourd’hui, le bilan de la société affiche une dette nette de 2,38 G$ par rapport à un avoir des actionnaires de 3,7 G$, un niveau que j’estime très raisonnable, surtout si l’on tient compte de la capacité de la société à dégager des liquidités excédentaires importantes de ses activités.
En somme, Alain Bouchard est un exemple pour tous les entrepreneurs québécois. Il a démontré qu’une petite entreprise d’ici peut non seulement devenir un joueur national, mais aussi un leader mondial. Pour les investisseurs, l’exemple de Couche-Tard démontre l’importance de conserver à long terme les actions d’une société qui a une mission précise et dont la direction a fait ses preuves.
Chapeau, M. Bouchard!
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. COTE 100 détient des actions de Couche-Tard dans des portefeuilles sous sa gestion.